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Description

Les territoires français d'Outre-mer doivent aujourd'hui relever plusieurs défis, touchant aussi bien les aspects écologiques, économiques ou sociaux. Cet ensemble de vidéos permet de mieux comprendre ce besoin de développement durable dans les Outre-mer, et il vise à montrer que des personnes et des acteurs sont déjà engagés autour de ces questions, et ce sur tous les territoires ultramarins.

Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre la diversité des points de vue qui existent quand on parle de développement durable dans les Outre-mer.
- Découvrir les 17 Objectifs de Développement Durable.
- Comprendre les caractères universels et indivisibles des 17 Objectifs de Développement Durable
- Appréhender les enjeux de développement durable les plus saillants pour les Outre-mer.
- Découvrir des personnes et des structures, dans tous les Outre-mer, engagées pour l'atteinte des Objectifs de Développement Durable.
- Comprendre l'importance des partenariats et de la coopération dans la mise en place de projets de développement durable.
- Comprendre les freins et les leviers pour la mise en place, par les différents acteurs du territoire, de projets de développement durable.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Nature pédagogique
  • Cours
  • Entretiens et témoignages
Niveau
  • Bac
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 1. Pas de pauvreté
  • 10. Inégalités réduites
  • 11. Villes et communautés durables
  • 17. Partenariats pour la réalisation des objectifs
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
Outre-merODDinitiativedéveloppement durabletransition écologiquebiodiversitéentreprisesassociationspartenariatpollutioninégalitésalimentationtransition énergétiquepolitiques territorialesscience
  • Le "doughnut", entre plancher social et plafond écologique
  • Une vision commune du futur de l’Humanité
  • Une introduction historique aux ODD
  • L'Accord de Paris sur le climat et les Objectifs de Développement Durable
  • Les ODD : un agenda pour tous les pays et pour tous les secteurs
  • Universalité sectorielle des ODD : tous les domaines sont couverts
  • La pensée complexe pas si compliquée
  • Interactions entre ODD : illustration avec l'ODD 12 sur la production et la consommation responsables
  • Interactions entre ODD : illustration avec les Maladies Tropicales Négligées
  • Prendre en compte les interactions entre ODD : un gage de succès pour l'agriculture
  • Le Rapport mondial sur le développement durable (GSDR) de 2019 : analyse
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Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée, d’une vidéo du MOOC UVED « Objectifs de développement durable ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.

Le Rapport mondial sur le développement durable (GSDR) de 2019 : analyse

Jean-Paul Moatti,
Président-directeur général de l’IRD

1. Message 1. La trajectoire générale pour l’atteinte des ODD n’est pas bonne

Le premier message est que nous ne sommes absolument pas, à l'heure actuelle, quatre ans après leur adoption, dans la bonne trajectoire pour réaliser les ODD d'ici à 2030.

1.1. Certains Objectifs pourraient être atteints

Il y a certains ODD, fort heureusement, pour lesquels on peut penser que si on extrapole les tendances actuelles, on devrait y arriver, à peu de chose près, d'ici 2030. Cela concerne par exemple l'objectif de réduction de la mortalité infantile et néonatale pour les enfants de moins de cinq ans. Cela concerne l'objectif de faire atteindre au moins le niveau d'éducation primaire à l'ensemble des enfants de la planète, y compris et surtout les jeunes filles. Et cela concerne aussi l'objectif qui reste l'objectif premier des ODD, comme il était l'objectif premier des objectifs du millénaire précédents, à savoir l'éradication de l'extrême pauvreté. Par rapport à 2000, il y a, aujourd'hui, un milliard de personnes dont on peut considérer qu'elles sont sorties de cette extrême pauvreté, si on accepte la définition qui a été imposée au plan international et au plan des ODD par la Banque mondiale : une définition monétaire, désignant les personnes vivant avec moins de 1,9 dollar, en parité de pouvoir d'achat, par jour. Mais même pour ces trois objectifs qui peuvent paraître pas loin de la réalisation et dont on pourrait se féliciter, voire se gargariser en matière d'extrême pauvreté, la situation n'est pas aussi rose.

Tout d'abord, on peut penser que plus on va se rapprocher de l'objectif, plus ça va être difficile de finir le chemin, d'autant que ces situations ont tendance à se concentrer dans un nombre limité de pays ou de groupes très marginalisés. Pour ce qui est de l'extrême pauvreté monétaire, par exemple, il y a cinq pays au monde seulement, dont l'Inde et des pays africains, qui concentrent à l'heure actuelle plus de 50 % des gens qui vivent avec moins de 1,9 dollar par jour et par personne. D'une certaine façon, c'est un peu reculer pour mieux sauter parce que le milliard de personnes que nous avons sorties de l'extrême pauvreté a été compensé par le fait qu'il y a un milliard de personnes de plus, notamment dans les pays du Sud, qui vivent entre deux et trois dollars par jour, et qui donc sont un peu à la merci du premier choc exogène auquel ils peuvent être confrontés : une crise économique comme celle de 2008-2010, un conflit politique ou militaire, comme il en arrive au Moyen-Orient ou en Afrique actuellement, ou une crise écologique et environnementale liée ou non au réchauffement climatique. Surtout, la réussite est à nuancer par rapport à la façon dont l'objectif a été défini. Un point sur lequel nous insistons beaucoup dans le rapport est que toute la littérature scientifique actuelle - et aussi un consensus de plus en plus grand entre les acteurs depuis le niveau international jusqu'au niveau local - explique que se contenter d'une définition monétaire avec un seuil de 1,9 dollar par personne et par jour pour définir la pauvreté passe à côté de la réalité de la pauvreté, du vécu de la pauvreté par les personnes qui en sont victimes. Il faut absolument, ce que nous préconisons dans le rapport, adopter dorénavant une conception multidimensionnelle de la pauvreté qui inclut l'aspect monétaire, bien évidemment, mais qui le complète par les dimensions de la santé, du respect par les institutions, les aspects psychologiques, les aspects logement, toutes ces dimensions qui font que même dans des pays comme la France où il n’y a probablement quasiment personne à moins de 1,9 dollar par jour, ça n'empêche pas qu'il y a des milliers, voire des centaines de milliers de personnes en situation de pauvreté.

1.2. D’autres Objectifs s’améliorent mais trop lentement

La deuxième situation, celle de beaucoup des 169 cibles comme par exemple la mortalité maternelle, renvoie à des objectifs pour lesquels on a fait des progrès, on continue à en faire, mais à un rythme trop lent qui fait qu'on sera très loin de l'objectif en 2030.

1.3. D’autres Objectifs ne vont pas dans la bonne direction

Mais le plus grave n'est pas là. Le plus grave, c'est que sur un certain nombre d'objectifs qui sont absolument centraux pour le succès de la totalité de l'Agenda 2030, ce n'est pas simplement qu'on est en retard sur le rythme, c'est qu'on est dans la mauvaise direction. Soit qu'on n'ait pas encore été capable de renverser les tendances négatives qui étaient déjà à l’œuvre avant 2015 et qu'en quatre ans, les ODD n'ont pas été capables de freiner ces tendances négatives. On peut penser notamment à la malnutrition. On peut penser à la perte de biodiversité qui vient d'être très fortement analysée, de façon très alarmiste, par le rapport du groupe d'experts de l'IPBES sur la biodiversité. On peut parler de la détérioration des zones côtières.

1.4. D’autres Objectifs, après une amélioration, se dégradent

Il y a un autre cas de figure qui est peut-être encore pire, encore plus inquiétant, que le précédent. Suite à la crise économique de 2008, on pouvait avoir l'impression qu'on repartait dans une bonne direction, que ça allait aider à la réalisation des ODD. Mais depuis 2015-2016, on est reparti de nouveau dans la mauvaise direction. Ceci concerne des éléments absolument décisifs des ODD : la réduction des inégalités, la perte de biodiversité, les émissions de gaz à effet de serre qui aggravent le réchauffement climatique, et l'empreinte écologique, notamment en termes de déchets, en particulier de déchets toxiques, liés à nos modes de production et de consommation. Sur ces quatre grands domaines qui sont absolument clés, la situation se détériore.

1.5. Situation générale

Si dans les années qui viennent, il n'y a pas des mesures extrêmement vigoureuses qui sont prises, non seulement nous n'atteindrons pas les Objectifs en 2030, mais il est même possible, dans un nombre de cas que la science met de plus en plus en lumière (on peut penser aux 1,5 ° C de réchauffement qui ont fait l'objet du dernier rapport du GIEC sur le climat), de passer ce que les scientifiques appellent des tipping point, des points de bascule où les effets seront tellement irréversibles que quoi qu'on fasse, quels que soient les progrès technologiques et scientifiques que l'humanité pourrait faire dans les années à venir, nous ne pourrions pas revenir en arrière. Il faudrait nous adapter à une situation extrêmement détériorée pour l'ensemble des espèces vivantes, notamment pour l'espèce humaine. Si on veut éviter cette situation, il va falloir changer nos politiques, changer nos modes de pensée.

1.6. Focus sur la montée des inégalités

Je prendrai un seul exemple qui est au cœur de l'Agenda 2030. C’est celui de la montée sans précédent des inégalités à l'intérieur des pays. Pendant très longtemps, notamment dans le cadre des Objectifs du millénaire, on a pensé que l'objectif central était l'élimination de l'extrême pauvreté. On a effectivement progressé dans ce sens avec cette idée, plus ou moins explicite, que ce n'était pas si grave que ça si le prix à payer pour sortir des centaines de millions de personnes de la situation de pauvreté, était que les inégalités entre les pays, et surtout à l'intérieur des pays, s'aggravent. L'idée étant que si on augmentait le gâteau de tout le monde, tout le monde en bénéficierait, y compris les plus pauvres et que finalement, ce n'était pas très grave si les plus riches profitaient proportionnellement encore plus de cette amélioration et de cette augmentation du gâteau. D'ailleurs, il y avait cette fameuse courbe de Kuznets, un économiste très célèbre, qui disait que dans les premières phases du développement, il était normal que la croissance économique s'accompagne d'une aggravation des inégalités entre les groupes sociaux et qu'ensuite, petit à petit, la situation se stabiliserait, s'améliorerait, et à travers des politiques de redistribution, à un certain stade de développement, il y aurait une réduction des inégalités.

Il est vrai que cette courbe de Kuznets a à peu près correspondu à la révolution industrielle dans les pays occidentaux, notamment européens, entre 1850 et 1950. Le seul problème, c'est que depuis, elle est empiriquement fausse et que la vraie courbe, c'est la courbe qui a été mise en lumière par de nombreux économistes comme Milanović ou Piketty, c'est la courbe en éléphant que vous voyez sur le schéma ci-dessous, qui correspond au fait que la partie la plus riche de la distribution des revenus et du patrimoine au plan mondial, attendu depuis les années 60 et avec une accélération depuis le début du 21e siècle jusqu'à la crise de 2008, s'accaparait une part croissante de la richesse mondiale dans des proportions historiquement sans précédent.

Aujourd'hui, le 1 % des personnes les plus riches sur la planète concentre 40 % de la richesse mondiale totale. Ce chiffre était seulement de 25 % dans les années 1980. Pendant ce temps-là, les 75 % les plus pauvres du reste de la population mondiale ont stagné à peu près à 10 % de la richesse totale. Ce niveau d'inégalité sans précédent est absolument intenable. Il est intenable d'abord pour des raisons de justice sociale. Il y a de plus en plus de consensus parmi les économistes et même parmi les grandes organisations économiques internationales, comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l'OCDE, l'Organisation des pays des économies avancées, qui tous désormais sont d'accord pour dire que ce n'est pas seulement un problème de justice, mais que c'est aussi un problème d'efficacité économique. Si on continue comme ça, la croissance de long terme nécessaire pour alimenter le développement durable n'est absolument pas tenable. Il y a des conséquences importantes à cela, qui sont aussi des conséquences politiques : cette concentration de la richesse s'accompagne d'une concentration de plus en plus grande du pouvoir politique, de la capacité d'influencer les élites, d'influencer les décisions, voire les élections. Dans ce 1 % qui contrôle beaucoup de choses, il peut y avoir de très nombreux intérêts qui veulent le maintien du statu quo et qui ont des armes pour maintenir ce statu quo.

2. Message 2. Il est encore possible d’agir

Le deuxième message est de s'intéresser aux relations entre les différents ODD et entre les différents points de transformation. Les Objectifs de développement durable rendent nécessaire l’émergence, au plan mondial, d’une coalition nouvelle, très large, transcendant les clivages politiques, religieux, idéologiques habituels, pour que tous ceux qui veulent éviter la catastrophe planétaire, qui veulent aller dans le sens du développement durable, s'allient, convergent, en dépit de leurs différences d'intérêts, de leurs différences de culture, pour aller dans le sens des transformations qui sont nécessaires.

Quelles sont ces transformations ? Le rapport GSDR ne pouvait pas, de façon exhaustive, traiter toutes les questions. Il a préféré se concentrer sur six points d'entrée de transformation qui sont à la croisée des 17 ODD, et à partir desquels, aux différents niveaux, depuis le niveau onusien et multilatéral jusqu'au niveau le plus local, voire jusqu'au niveau de la vie quotidienne de chacun, il nous est possible d'agir pour engendrer, initier les transformations nécessaires.

Ces six points d'entrée sont : 1) l'amélioration des capacités humaines et du bien-être humain, notamment au plan social ; 2) le fait de promouvoir des économies plus durables et plus justes ; 3) la décarbonisation de l'énergie et l'accès à l'énergie, mais en abandonnant le plus rapidement possible le recours aux combustibles fossiles qui alimentent le réchauffement climatique ; 4) la transformation profonde des chaînes alimentaires et de la nutrition, pour rendre nos systèmes alimentaires durables ; 5) l'amélioration des cités, des grandes mégalopoles, mais aussi des cités plus moyennes, pour rendre la ville et le périurbain beaucoup plus sustainable development friendly, amical avec le développement durable ; 6) la préservation de ce qu'on appelle les biens environnementaux communs.

Sur ces six domaines qui constituent autant de points d'entrée pour des transformations radicales en faveur du développement durable, le rapport essaye de montrer comment on peut utiliser, à tous les niveaux, y compris le niveau le plus immédiat de la vie de chacun, quatre leviers sur lesquels on doit agir de façon combinée : a) l'amélioration de la gouvernance, b) le levier de l'économie et de la finance, c) le levier des modifications de comportements, aussi bien au plan collectif qu'au plan individuel, d) la mobilisation de la science et de la technologie.

Le grand message du GSDR, qu'illustre la multiplication des flèches dans cette figure, est que le plus important est de s'intéresser aux relations entre ces différents points de transformation, aux relations entre les différents ODD, pour faire qu'il y ait le moins possible d'interactions négatives, et au contraire, qu'on utilise au mieux les opportunités d'avoir des bénéfices en commun, à partir d'un ODD donné par rapport aux autres.

3. Message 3. Mobiliser les grandes masses financières

Le troisième message porte sur la modification des investissements et desgrands flux financiers. Le message est simple : les Objectifs de développement durable ne pourront pas être uniquement réalisés avec l'argent public. Bien sûr, les gouvernements, les budgets publics, doivent avoir un rôle exemplaire et doivent avoir un effet d'entraînement. Mais à eux tout seuls, ils ne permettent pas d'engendrer les transformations qui sont nécessaires. Il faut que l'ensemble des flux d'investissements soient réorientés, réalignés sur les standards du développement durable.

3.1. Quelques chiffres

L’estimation actuelle est que, pour réaliser les Objectifs du développement durable dans les pays en développement, il faudrait un niveau d'investissement de 2,5 trillions, donc 2,5 milliers de milliards par an d'ici à 2030. 2,5 trillions, en dollars, c'est un peu plus de 10 % de la masse totale des investissements, publics-privés tout compris, dans le monde, aujourd'hui, qui est de presque 23 trillions, répartis de façon quasi égale, moitié-moitié entre les économies avancées et les pays du Sud, les pays en développement.

Par rapport à cette masse de 2,5 trillions nécessaire pour les pays en développement, l'aide publique au développement (0,15 trillion) est importante mais elle est dérisoire par rapport à l'enjeu. Même si on la doublait, on serait très loin du compte. D'autres sources peuvent jouer un rôle important, de façon plus significative. D'abord les investissements directs, privés et publics à l'étranger, qui sont de l'ordre de 1,5 trillion, dont à peu près la moitié dans les pays du Sud. Les capacités d'investissement des banques publiques de développement comme l'AFD en France, la Banque chinoise nationale pour le développement et un certain nombre d'autres, qui ont une capacité d'investissement annuelle de l'ordre de 2 trillions. Dans ce cas, on rentre dans des domaines où les masses d'actions sont relativement importantes, bien qu’elles ne soient pas suffisantes.

Il y a deux sources qui sont importantes pour le développement durable, d'une part pour les pays du Sud, mais aussi pour les pays du Nord. La première chose est qu'il faut petit à petit, et si possible le plus rapidement possible, se désengager des investissements qui nous tirent dans la mauvaise direction. Il y avait en 2019 près de 300 milliards de subventions aux combustibles fossiles, de 10 à 100 fois plus que pour les énergies renouvelables. L'effet de levier de ces subventions, et qui a été estimé par le Fonds monétaire international, est qu'il y a plus de cinq trillions, deux fois l'investissement nécessaire dans le Sud, de consommation de combustibles fossiles qui sont au-delà de ce qui serait possible et nécessaire si on avait des prix qui rendaient compte des coûts économiques et sociaux réels de ces énergies. Et puis surtout, il y a le fait qu'il y a des masses énormes d'investissements privés qui, si petit à petit on les alignait sur le développement durable, permettraient de changer totalement la donne ; soit à travers des partenariats public-privé, soit à travers différentes formes de conviction des investisseurs privés eux-mêmes, qui peuvent y trouver leur intérêt, soit à travers des formes de pressions, de la part des opinions publiques et des pouvoirs publics et des gouvernements, sur la façon dont ces investissements se développent.

3.2. Un exemple : les Exchange Traded Funds

Les Exchange-Traded Funds, ou ETF, sont le produit financier qui s'est le plus développé au plan mondial au cours des 10 dernières années, donc depuis la crise de 2008-2009. Ce sont des produits qui se vendent très bien parce qu'ils sont extrêmement pratiques. Ce sont essentiellement des produits financiers qui sont basés sur des index, et sur la performance de ces index. Si votre index va dans le bon sens, vous touchez de l'argent et votre investissement est rentable. Par exemple, un des premiers ETF, il est tout simplement calé sur l'indice de développement de la Bourse de New York. D'autres indices sont fondés sur le prix des matières premières ou d'autres types de transactions économiques diverses. Il suffirait, et d'ailleurs, certains commencent à le faire, il suffirait soit qu'on change la composition de ces index, soit qu'on convainque les gestionnaires de portefeuilles ETF de retirer des index en question, sur lesquels leur performance est établie, les investissements dans des choses non durables (qui produisent des quantités astronomiques de déchets plastiques, qui développent les combustibles fossiles au-delà de ce qui est nécessaire pour la transition énergétique) pour faire bouger des masses considérables à eux seuls. Et ce n'est qu'une toute petite partie de l'investissement financier mondial. Les ETF, c'est 3,5 trillions, donc imaginez ce qu'on pourrait faire si on faisait bouger, ne serait-ce qu'un peu, ces grandes masses d'investissements.

4. Message 4. Pour une science de la durabilité

Le dernier message est que la science a un rôle important à jouer dans les Objectifs de développement durable. On peut même penser que, compte tenu de la situation géopolitique un peu difficile qui existe au plan international, si on renégociait aujourd'hui les ODD, sans doute n'y arriverait-on pas. La pression que la science, mais aussi les organisations non gouvernementales, la société civile, le secteur privé avaient pu avoir sur la négociation avait conduit certes à des compromis, mais à des compromis avancés, en termes de transformation de nos modes de production, de consommation et de nos modes de développement. C'est ce qui fait que les ODD sont encore plus précieux aujourd'hui peut-être qu'ils ne l'étaient entre 2010 et 2015, quand on était en train de les négocier.

On pense bien sûr au rôle que la science a joué comme lanceur d'alerte en matière de climat, en matière de biodiversité, en matière de montée des inégalités, etc. Mais en même temps, il faut que la science elle-même change.

4.1. Emergence

Depuis quelques années, on assiste à l'émergence de ce qu'on appelle la science de la durabilité, la sustainability science, qui depuis le début des années 2000 est la priorité de l'Académie des sciences américaine, depuis 2008-2009 la priorité de l'Académie des sciences chinoise, et qui devrait devenir la priorité de l'ensemble de la communauté scientifique et d'ingénierie et de technologie mondiale, c'est-à-dire une science qui est plutôt portée par les problèmes qu'il faut résoudre, par les problèmes que rencontrent les populations, par les problèmes du développement durable que par la dynamique propre des disciplines scientifiques.

4.2. Mobilisation de toutes les disciplines scientifiques

Cette science de la durabilité doit mobiliser autant que de besoin toutes les sciences, y compris les sciences les plus fondamentales. Par exemple la physique la plus fondamentale permettra de régler les problèmes des batteries qui permettent le stockage des énergies renouvelables, pour augmenter et accélérer la transition énergétique et la disparition des combustibles fossiles. Un autre exemple concerne la compréhension des chaînes environnementales qui conduisent à l'émergence ou à la réémergence de nouvelles maladies infectieuses, comme le sida, Ebola ou Zika : il faudra mobiliser toutes les disciplines scientifiques nécessaires. Mais l’idée n'est pas de développer la science de manière classique, à partir des disciplines, mais plutôt de partir des problèmes pour essayer de les résoudre, en mobilisant les disciplines nécessaires. Cela induit une plus grande appétence pour l'inter et la transdisciplinarité, mais aussi pour co-construire des programmes de recherche avec les populations les premières concernées, et notamment les populations les plus pauvres, les populations les plus vulnérables, notamment dans les pays du Sud.

4.3. Développement de la recherche au niveau mondial

Cela implique de mettre un terme à ce grand fossé de développement scientifique et technologique qui fait par exemple qu'à l'heure actuelle, les pays africains ne contribuent qu'à 2 % de la production scientifique mondiale. C’est un problème pour la science universelle, parce que pour comprendre de très nombreux phénomènes, à commencer par le changement climatique, il faut avoir des données et des analyses avec les collègues des pays africains, des pays asiatiques, des pays latino-américains. Mais c’est aussi un problème parce que ces pays doivent avoir la capacité d'expertise et la capacité technique et technologique de trouver leur voie propre vers le développement durable. C'est pourquoi l'une des dernières recommandations du GSDR est de mettre en place, en s'appuyant sur les pays, une plateforme internationale qui pourrait être coordonnée et soutenue par les Nations unies, afin de promouvoir les échanges d'expériences, les échanges de données, les échanges de résultats scientifiques en faveur du développement durable. Cela facilitera l'élaboration des prochains rapports quadriennaux de type GSDR, notamment celui que des collègues élaboreront pour la période 2020-2023.  

 

Contributeurs

Ferdinand Malcom

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Trottmann Charles

directeur du département des Trois Océans , AFD - Agence française de développement

Hierso Daniel

président d'Outre-Mer Network

Merckaert Jean

Directeur Action Plaidoyer France Europe à Secours Catholique-Caritas France

Moatti Jean-Paul

Professeur Emerite , Université Aix-Marseille

Severino Jean-Michel

Waisman Henri

Marniesse Sarah

AFD - Agence française de développement

PELLAUD Francine

Haute École Pédagogique de Fribourg (Suisse)

Ndour Yacine Badiane

Solano Philippe

Chotte Jean-Luc

Tribollet Aline

directrice de recherche , IRD - Institut de Recherche pour le Développement

de Pracontal Nyls

président du groupe Outre-mer du comité français de l'UICN

Zammite Jean-Michel

directeur des Outre-mer , OFB - Office Français de la Biodiversité

Hermet François

Université de La Réunion

Briolin Sara

présidente de Femmes en Devenir

Martin-Prével Yves

directeur de recherche , IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Roch Jérôme

directeur régional - Guadeloupe , ADEME

Demenois Julien

chargé de mission "4 pour 1000" , CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Chignoli Claire

ingénieure "économie circulaire et déchets" , ADEME

Gaspard Sarra

professeure , Université des Antilles

Perche Mélanie

coordinatrice du REGAL Réunion

Devakarne Jaëla

coordinatrice d'Isopolis

Jacob Vincent

chercheur , CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Reboul Lucile

Goût Nature

Law-Weng-Sam Betty

USEP Nord Réunion

Brunette Cléa

Assistante de projet au sein d'Unite Caribbean

Ozier-Lafontaine Harry

directeur de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Comier Annick

maire de la commune de Fonds-Saint-Denis en Martinique

Douine Maylis

médecin chercheur au Centre d'investigation clinique Antilles-Guyane

Edant Caroline

cheffe de projet Biodiversité , AFD - Agence française de développement

Charles Mahé

coordinateur technique du Secrétariat de l'initiative Kiwa

Dangles Olivier

directeur de recherche , IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Souffou Tchico

chargé d'opération construction de la mairie de M'Tsangamouji à Mayotte

Lhoste Matthieu

directeur des travaux et de l'entretien de la mairie de M'Tsangamouji à Mayotte

Géraux Hubert

expert "Conservation & Plaidoyer Nouvelle-Calédonie" , WWF France

Bizien Thibaud

cofondateur de Caledoclean

Daniel Justin

professeur , Université des Antilles