En ligne depuis le 18/03/2020
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Description
Marilyn Beauchaud, maître de conférences à l'université de Saint-Etienne, discute dans cette vidéo de la communication chez les animaux en prenant l'exemple des poissons. Elle définit tout d'abord ce qu'est cette communication et les formes qu'elle peut prendre. Puis elle présente les démarches expérimentales qui permettent de l'étudier et montre quelques résultats de ces travaux de recherche. Enfin, elle évoque les pistes de recherche comme par exemple la communication multimodale.
Objectif d'apprentissage :
- Mieux connaître la communication chez les poissons et les formes qu'elle peut prendre.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+3
- Bac+4
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Beauchaud Marilyn
Université jean Monnet Saint-Etienne
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED «Vivre avec les autres animaux ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
La communication animale : exemple des poissons
Marilyn Beauchaud, Maître de conférences à l'Université de Saint-Etienne
Tout être vivant dans un milieu va communiquer pour se nourrir, prodiguer des soins aux jeunes, défendre un territoire, interagir avec ses congénères ou même se reproduire.
1. Qu'est-ce que la communication ?
On peut décrire ce processus de la manière suivante. Vous avez un émetteur et un récepteur. L'émetteur émet un signal codé qui va se propager plus ou moins loin à travers un milieu, comme de l'air ou de l'eau. Ce signal est reçu par le receveur qui aura développé des structures adaptées à la perception de ce signal, comme par exemple les yeux ou les oreilles. Il va décoder le message qui peut porter par exemple des informations sur l'identité de l'émetteur : son sexe, son âge, sa taille, son statut. Ceci va alors provoquer une réponse comportementale ou physiologique du receveur. Cette réponse pourra aussi impacter le comportement de l'émetteur lui-même.
Le signal émis peut être de différentes natures. On a des signaux mécaniques, comme par exemple les signaux tactiles, des signaux visuels, comme par exemple les postures ou les colorations, des signaux acoustiques, comme les sons, ou des signaux chimiques. Ces échanges d'informations s'effectuent dans différents contextes : reproduction, parade nuptiale, défense de territoire ou même interactions sociales.
2. La production de son chez les poissons
Je prendrais l'exemple de la communication acoustique chez les poissons. Peut-on encore parler du monde du silence comme il y a quelques décennies ? Les poissons représentent le plus grand groupe de vertébrés qui émettent des sons. Quels sont les mécanismes de production du son chez les poissons ?
Tout d'abord, on peut avoir des vibrations musculaires qui peuvent être amplifiées par la vessie natatoire. La vessie natatoire est une espèce de sac rempli de gaz et cette vessie va jouer le rôle d'une caisse de résonance. Vous avez aussi des mécanismes de stridulation, comme on peut l'observer chez les insectes, qui correspondent au frottement entre deux éléments durs comme des dents ou bien des os. Enfin vous avez le passage d'air à travers un petit orifice, comme la bouche ou l'anus, ce qui va provoquer des sons.
3. Méthodologie générale
Quand on veut étudier le rôle de la communication acoustique chez les poissons, la première étape est de déterminer les séquences comportementales dans un contexte donné. Ceci va nous permettre de réaliser ce que l'on appelle un éthogramme. Prenons par exemple un petit Cichlidé du lac Malawi, qui s'appelle Metriaclima zebra. Ce poisson, dans le cadre de la défense du territoire, réalise une série de comportements agressifs, comme des postures particulières, des tremblements du corps, des poursuites, des morsures et peut aussi, dans ce contexte, émettre des sons. On va donc à l'aide de cet éthogramme comptabiliser tous les comportements agressifs pendant une interaction agonistique.
Ensuite, on va analyser les sons enregistrés dans ce contexte. L'analyse se fait avec différents logiciels adaptés aux sons que vous voulez analyser. Un son peut-être représenté sous la forme d'un oscillogramme. Dans ce cas-là, on va avoir l'amplitude en fonction du temps. Il peut aussi l’être sous la forme d'un spectrogramme. Là, on aura les fréquences en fonction du temps. D'une manière très générale, un son est caractérisé par des paramètres temporels, comme par exemple le nombre de pulses, la durée du signal ou bien le rythme, l'amplitude ou des paramètres spectro, comme les fréquences moyennes, minimales ou maximales d’un son.
Enfin, on va envoyer des stimuli, des signaux aux animaux et observer leurs réponses comportementales. Ces méthodes classiques de repasse ou de playback vont nous permettre de savoir quelles sont les informations portées par tel ou tel signal acoustique. Par exemple toujours chez Metreaclima zebra, on a montré que la fréquence des sons émis était corrélée avec la taille des individus : un grand individu émet des sons de basses fréquences ; un petit individu émet des sons de plus hautes fréquences.
4. Protocole expérimental
Dans une expérience dans laquelle nous avons fait interagir deux mâles dans un contexte de défense du territoire, nous avons obtenu différents résultats. Le protocole expérimental est le suivant. Nous plaçons deux poissons de même taille dans deux aquariums séparés par une paroi opaque. L'un sera le poisson opposant et l'autre le poisson testé. Dans l'aquarium du poisson testé, il y a un hydrophone pour enregistrer les sons et un haut-parleur pour envoyer des sons de congénères. On a fait trois types de stimulation : une stimulation simplement acoustique, une stimulation uniquement visuelle en enlevant la paroi opaque entre les deux aquariums, une stimulation où on envoie les deux signaux.
5. Résultats
Les résultats sont étonnants. On peut voir que seul le signal visuel peut engendrer une réponse agonistique, le signal acoustique seul ne le peut pas. Par contre, si vous additionnez les deux, le signal acoustique plus le signal visuel, vous allez avoir une diminution de l'agressivité. Tout se passe comme si le signal acoustique renforçait le signal visuel et empêchait une escalade de comportements agonistiques.
6. Communication multimodale
Ce résultat m'amène à parler de la communication multimodale. Si je reprends le schéma de la communication que je vous ai fait voir tout à l'heure, les signaux peuvent intervenir soit séparément, soit ensemble dans une interaction donnée. Prenons par exemple la parade nuptiale de notre petit Cichlidé : au cours de cette parade nuptiale, les femelles vont être attirées par les mâles qui abordent des couleurs et des contrastes importants. Le mâle, pour attirer la femelle, va aussi faire des tremblements ou bien des postures particulières. Il va aussi émettre de l'urine ou bien même les sons.
Cette communication multimodale a été montrée chez plusieurs espèces de vertébrés ou même d'invertébrés, mais ce qu'on ne sait pas encore vraiment, c'est comment les différents signaux interagissent entre eux ? Actuellement, de nombreuses études sur ce thème sont en cours. On se rend compte que c'est un système extrêmement complexe et plusieurs types d'interactions sont actuellement émis comme hypothèse.
7. Perspectives de recherche
Dans cet exposé, je n'ai évoqué que les aspects de codage et décodage de l'information au cours d'interactions intra-spécifiques, c'est-à-dire à l'intérieur d'une même espèce. Mais d'autres thèmes de recherche portent sur d'autres aspects de la communication animale, comme par exemple la communication interspécifique, entre deux espèces différentes, mais aussi la communication animale et l'évolution. Par exemple, on sait qu'il existe une coévolution de certains signaux et de certains organes de réception proie-prédateur. C'est le cas par exemple entre les chauves-souris et les lépidoptères. Il y a aussi un autre thème qui est la communication au sein d'un réseau. Dans ce cas-là, on ne fait pas intervenir simplement un émetteur et un récepteur. Enfin, il existe aussi maintenant beaucoup de recherches qui portent sur l'intégration des signaux au niveau nerveux : comment ces signaux sont-ils intégrés au niveau cérébral ?