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Description

Marilyn Beauchaud, maître de conférences à l'université de Saint-Etienne, discute dans cette vidéo de la communication chez les animaux en prenant l'exemple des poissons. Elle définit tout d'abord ce qu'est cette communication et les formes qu'elle peut prendre. Puis elle présente les démarches expérimentales qui permettent de l'étudier et montre quelques résultats de ces travaux de recherche. Enfin, elle évoque les pistes de recherche comme par exemple la communication multimodale.

Objectif d'apprentissage :

- Mieux connaître la communication chez les poissons et les formes qu'elle peut prendre.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
communicationéthologiepoissons
L'humain est-il un animal ?
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Sciences comportementales et changement de regard sur les animaux
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L'empathie à l’égard des autres animaux
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Contributeurs

Beauchaud Marilyn

Université jean Monnet Saint-Etienne

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Marilyn Beauchaud, Maître de conférences à l'Université de Saint-Etienne

Je vais vous parler de la communication chez les poissons. Alors, pourquoi communiquer ?

Tout être vivant dans un milieu va communiquer pour se nourrir, prodiguer des soins aux jeunes, défendre un territoire, interagir avec ses congénères ou même se reproduire.

Qu'est-ce que la communication ? Il y a plusieurs définitions, mais on peut décrire ce processus de la manière suivante : vous avez un émetteur et un récepteur. L'émetteur émet un signal codé qui va se propager plus ou moins loin à travers un milieu : de l'air, de l'eau. Ce signal est reçu par le receveur qui aura développé des structures adaptées à la perception de ce signal, comme par exemple les yeux ou les oreilles, etc. Et il va décoder le message. Ce message peut porter par exemple des informations sur l'identité de l'émetteur : son sexe, son âge, sa taille, son statut. Et ceci va alors provoquer une réponse comportementale ou physiologique du receveur. Cette réponse pourra aussi impacter le comportement de l'émetteur lui-même.

Le signal émis peut être de différentes natures. On a des signaux mécaniques, comme par exemple les signaux tactiles, des signaux visuels, comme par exemple les postures ou les colorations. On a aussi des signaux acoustiques, comme les sons. Par exemple ici, on peut entendre un petit caïman à lunettes qui émet des cris de contact, ou même ici, un manchot empereur qui va défendre son territoire. On a aussi des signaux chimiques.

Ces échanges d'informations s'effectuent dans différents contextes. Le contexte de reproduction, comme par exemple la parade nuptiale, mais aussi le contexte de défense de territoire ou même les interactions sociales comme on l'a vu précédemment.

Je prendrais l'exemple de la communication acoustique chez les poissons. Peut-on encore parler du monde du silence comme il y a quelques décennies ? Écoutez plutôt ce que l'on entend lorsqu'on se rapproche d'un récif corallien. En fait, les poissons représentent le plus grand groupe de vertébrés qui émettent des sons, comme ce petit Dascyllus par exemple.

Comment les sons sont-ils produits ? Quels sont les mécanismes de production du son chez les poissons ? Il y en a plusieurs types, je vous en décrirai trois. Tout d'abord, on peut avoir des vibrations musculaires qui peuvent être amplifiées par la vessie natatoire. La vessie natatoire, c'est une espèce de sac rempli de gaz et cette vessie va alors jouer le rôle d'une caisse de résonance. Vous avez aussi des mécanismes de stridulation, comme on peut l'observer chez les insectes, qui correspondent au frottement entre deux éléments durs comme des dents ou bien des os. Et enfin le troisième mécanisme, c'est le passage d'air à travers un petit orifice, comme la bouche ou l'anus, et ceci va provoquer des sons.

Quelle est la démarche expérimentale lorsqu'on veut étudier le rôle de la communication acoustique ?

• Tout d'abord, première étape : il faut déterminer les séquences comportementales dans un contexte donné. Et ceci va nous permettre de réaliser ce que l'on appelle un éthogramme. Prenons par exemple un petit Cichlidé du lac Malawi, qui s'appelle Metriaclima zebra. Ce poisson, dans le cadre de la défense du territoire, réalise une série de comportements agressifs, comme des postures particulières, des tremblements du corps, des poursuites, des morsures et peut aussi, dans ce contexte, émettre des sons. On va donc à l'aide de cet éthogramme comptabiliser tous les comportements agressifs pendant une interaction agonistique.

• Ensuite, on va analyser les sons enregistrés dans ce contexte. L'analyse se fait avec différents logiciels adaptés aux sons que vous voulez analyser. En fait, un son peut- être représenté sous la forme soit d'un oscillogramme, dans ce cas-là, on va avoir l'amplitude en fonction du temps. Ou bien d'un spectrogramme et là, on aura les fréquences en fonction du temps. D'une manière très générale, un son est caractérisé par des paramètres temporels, comme par exemple le nombre de pulses, la durée du signal ou bien le rythme, l'amplitude ou des paramètres spectro, comme les fréquences moyennes, minimales ou maximales d’un son.

• Et enfin, troisième étape : on va envoyer des stimuli, des signaux aux animaux et observer leurs réponses comportementales. Ces méthodes classiques de repasse ou de playback vont nous permettre de savoir quelles sont les informations portées par tel ou tel signal acoustique. Par exemple toujours chez Metreaclima zebra, on a montré que la fréquence des sons émis était corrélée avec la taille des individus. Ici, vous pouvez voir un grand individu qui émet des sons de basses fréquences. Contrairement aux petits individus, qui eux, émettent des sons de plus hautes fréquences, comme vous pouvez l'entendre ici.

Dans une expérience dans laquelle nous avons fait interagir deux mâles dans un contexte de défense du territoire, nous avons obtenu des résultats suivants. Mais d'abord, deux mots sur le protocole expérimental. Nous plaçons deux poissons de même taille dans deux aquariums séparés par une paroi opaque. L'un sera le poisson opposant et l'autre le poisson testé. Dans l'aquarium du poisson testé, un hydrophone pour enregistrer les sons et un haut-parleur pour envoyer des sons de congénères. On a fait trois types de stimulation :

• Tout d'abord, une stimulation simplement acoustique.

• D'autre part, une stimulation uniquement visuelle, dans ce cas-là, on enlève la paroi opaque entre les deux aquariums.

• Et enfin, une troisième stimulation où on envoie les deux signaux : le signal visuel et le signal acoustique.

Et les résultats sont étonnants. Ici, on peut voir que seul le signal visuel peut engendrer une réponse agonistique, le signal acoustique seul ne le peut pas. Par contre, si vous additionnez les deux, le signal acoustique plus le signal visuel, à ce moment-là, vous allez avoir une diminution de l'agressivité. Tout se passe comme si le signal acoustique renforçait le signal visuel et empêchait une escalade de comportements agonistiques.

Ce résultat m'amène à parler de la communication multimodale. Si je reprends le schéma de la communication que je vous ai fait voir tout à l'heure, en fait, les signaux peuvent intervenir soit séparément, soit ensemble dans une interaction donnée. Prenons par exemple la parade nuptiale de notre petit Cichlidé. Au cours de cette parade nuptiale, les femelles vont être attirées par les mâles qui abordent des couleurs et des contrastes importants. Le mâle, pour attirer la femelle, va aussi faire des tremblements ou bien des postures particulières. Il va aussi émettre de l'urine ou bien même les sons.

Cette communication multimodale a été montrée chez plusieurs espèces de vertébrés ou même d'invertébrés, mais ce qu'on ne sait pas encore vraiment, c'est comment les différents signaux interagissent entre eux ? Actuellement, de nombreuses études sur ce thème sont en cours, notamment dans mon laboratoire. On se rend compte que c'est un système extrêmement complexe et plusieurs types d'interactions sont actuellement émis comme hypothèse.

Pour conclure, je dois souligner que dans cet exposé, je n'ai évoqué que les aspects de codage et décodage de l'information au cours d'interactions intraspécifiques, c'est-à-dire à l'intérieur d'une même espèce. Mais d'autres thèmes de recherche portent sur d'autres aspects de la communication animale, comme par exemple la communication interspécifique, entre deux espèces différentes, mais aussi la communication animale et l'évolution. Par exemple, on sait qu'il existe une coévolution de certains signaux et de certains organes de réception proieprédateur. C'est le cas par exemple entre les chauves-souris et les lépidoptères. Il y a aussi un autre thème qui est la communication au sein d'un réseau : donc dans ce cas-là, on ne fait pas intervenir simplement un émetteur et un récepteur. Et enfin, il existe aussi maintenant beaucoup de recherches qui portent sur l'intégration des signaux au niveau nerveux. Comment donc ces signaux sont intégrés au niveau cérébral ?