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Description

Jean-Marc Fromentin nous emmène à la découverte du thon rouge, poisson pêché depuis l'antiquité mais soumis depuis près de trois décennies à une pression très forte, responsable d'un fort déclin des populations. Il met en évidence les aspects scientifiques, politiques et sociaux qui ont permis de mieux préserver cette espèce emblématique.

Objectifs d'apprentissage :
- Découvrir le thon rouge
- Comprendre le lien entre pression très forte et déclin des populations
- Appréhender les aspects scientifiques, politiques et sociaux pour mieux préserver cette espèce emblématique

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Types
  • Grain audiovisuel
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Contributeurs

Fromentin Jean-Marc

IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer

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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Gestion d'une espèce emblématique : le thon rouge

Jean-Marc Fromentin
Chercheur - IFREMER

1. Le thon rouge

Le thon rouge est une espèce fascinante. C'est un géant des mers, un top prédateur qui peut faire 3 - 4 mètre de long, 700-800 kilos. Il a toujours fasciné depuis Aristote. C’est un infatigable coureur des mers, qui a une très grande distribution spatiale. Il peut occuper tout l'Atlantique Nord et les mers adjacentes (ex : Méditerranée, Golfe du Mexique) ainsi que les mers un peu plus nordiques (ex : mers celtiques, mer du Nord, mer de Norvège). C’est un grand migrateur, un infatigable coureur des mers. Il se déplace beaucoup entre ses zones de reproduction, principalement en Méditerranée et secondairement dans le Golfe du Mexique, et ses zones de nutritions qui sont plutôt dans le nord au niveau du Gulf Stream, Sud Islande - mer de Norvège.

2. Pêche traditionnelle

C'est une espèce qui a fasciné et qui est exploitée depuis l'Antiquité. Les Romains, avec les Phéniciens, avaient implanté une centaine de sites pour l'exploiter tout autour du pourtour méditerranéen. Ces sites ont été repris après au Moyen-Âge et sur lesquels vont être plus tard implantés les fameuses madragues qui fonctionnent toujours de nos temps. Il n'en reste plus beaucoup, seulement quelques-unes en Sardaigne et au Maroc. C’est une pêche de reproducteurs qui rentrent en Méditerranée pour se reproduire. Ils sont déjà en quelque sorte conditionnés, c’est-à-dire qu’ils sont cuits et conservés dans des grandes barriques pleines d'huile d'olive pour être après exportés sur tous les pays du pourtour méditerranéen. C’est une exploitation qui est durable puisqu'elle va s'étaler sur plus de deux millénaires mais avec des variations temporelles très fortes qu'on a pu montrer et qui étaient en lien avec les changements environnementaux.

3. Pêche moderne

Le thon rouge était quand même malgré tout sur ces deux millénaires une espèce à relativement faible valeur marchande. Tout va changer dans les années 80 avec l'émergence du marché sushis - sashimis qui vient du Japon et qui va faire de cette espèce une espèce reine pour le sushi, associée à une forte valeur marchande. Cela va générer une forte demande qui va se répercuter au niveau des pêcheries de l'Atlantique et surtout de Méditerranée de manière très rapide dans les années 80 – 90. Surtout, au début des années 2000, on va avoir une augmentation considérable du nombre de bateaux de pêche. On va arriver jusqu'à pratiquement 1000 bateaux de pêche en Méditerranée dont 200 - 250 sont des unités quasiment industrielles, avec par exemple des bateaux à senne tournante (ce qui est plutôt l'apanage des pêcheries européennes) – et des bateaux à palangrier (plutôt d'origine asiatique). Ce thon est aussi beaucoup pêché en eaux internationales. Il peut donc être pêché non seulement par tous les pays riverains – une trentaine de pays sur la distribution du thon rouge -, mais aussi par des pays non riverains en eaux internationales.

4. Gouvernance

C’est donc une ressource partagée. Mais qui dit ressource partagée dit gouvernance très difficile ! La gouvernance est menée par un organisme international qu'on appelle la SICTA pour la Commission Internationale de la Conservation des Thonidés Atlantiques. Il gère aussi des poissons porte-épées tels l'espadon ou les requins pélagiques. Cet organisme international, de par sa nature d'organisme multilatéral a beaucoup d'inertie. En plus de cela, il a assez peu ou il avait assez peu de considération pour l'avis scientifique. Par exemple, l'avis scientifique était sur les années récentes de fixer un quota annuel de 15 000 tonnes à 25 000 tonnes. Or, systématiquement, la commission a préconisé un quota plus élevé que l'avis scientifique. Mais il y a avait quelque chose d’encore plus grave : cette commission n'avait jamais mis en place de réel contrôle des pêcheries qui visaient le thon rouge et de ce fait comme il n'y avait pas de contrôles, il n'y avait pas de punition ! On a donc eu le développement d'une pêche illégale énorme à cause de l'attraction de cette espèce et de sa forte valeur marchande et on avait des niveaux de pêche jusqu'à 1000 tonnes par an, soit deux à trois fois ce qui était recommandé par les scientifiques.

5. Mobilisation

Tous ces ingrédients  font qu’on est arrivé à une forte surexploitation du thon rouge, avec un risque assez important d’effondrement des populations et des pêcheries identifié dès 2006 par le comité scientifique de la SICTA. Ceci a généré une forte mobilisation des O.N.G. et de la société civile qui a relayé l'avis du comité scientifique qui a fait aussi elle-même des analyses sur les pêcheries illégales. Cela a changé la perception de l'opinion publique sur cette pêcherie et l'a un peu alertée. De ce fait, les politiques et les décideurs, voyant l'opinion politique changer, a elle-même commencé à prendre des décisions et a commencé à regarder un peu l'avis scientifique de plus près, ce qui a conduit à la mise en place en 2007 d'un plan de reconstitution du thon rouge. Ce plan de reconstitution va s'étaler sur plusieurs années, et va porter sur :

  • des volets de saison de pêche ;
  • l'encadrement fort des pêcheries ;
  • le contrôle avec des observateurs à bord ;
  • tout un tas de contrôles au niveau des débarquements également ;
  • et enfin, en 2009, un quota au niveau de celui qui était préconisé par les scientifiques, c'est-à-dire à partir de 2009, 13 500 tonnes donc un quota bien plus bas que celui qui était préconisé ne serait-ce qu'en 2007 qui était de l'ordre de 30 000 tonnes.

On a donc la un vrai effort politique qui est lié à cette mobilisation relayée par les O.N.G. et qui va porter ses fruits. On va alors enfin avoir une inversion de tendance : la mortalité par pêche va vraiment arriver à des niveaux historiquement bas et cela va se traduire au niveau de la biomasse par une augmentation assez forte de la biomasse. On a donc une bonne nouvelle écologique : lorsqu'on prend des mesures de gestion franches, on peut arriver à inverser les tendances et faire qu'une espèce surexploitée ne le soit plus.

C’est donc une très bonne nouvelle mais il y encore des incertitudes sur l'avis scientifique car ce n'est pas facile de faire des évaluations d'espèces marines. Il y a aussi des risques qui sont liés au mode de gouvernance de l'ICAT avec le risque que cet organe revienne à des modes de gestion qu'on a connus par le passé qui ne sont pas favorables à la gestion de cette espèce.