En ligne depuis le 28/12/2017
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Description
Jean-François Rubin, professeur HES à la Haute École du paysage, d'Ingénierie et d'Architecture de Genève (HEPIA), en Suisse, présente dans cette vidéo (8'59) un exemple de mise en œuvre des controverses dans l'enseignement supérieur. Il s'agit d'un projet d'enseignement inversé, s'appuyant sur de la résolution de problèmes, portant sur une passe à poisson, que des étudiants en école d'ingénieur doivent réaliser sur 3 ans.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+3
- Bac+4
Objectifs de Développement Durable
- 4. Education de qualité
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Rubin Jean-François
Jean-François Rubin, Professeur HES, HEPIA (Suisse)
J'ai la chance d'enseigner dans une école d'ingénieurs, à Genève, qui s'appelle HEPIA. Il y a différents types d'enseignements. Dans le cadre d'un enseignement traditionnel, on va généralement travailler avec les étudiants dans un amphithéâtre. On va travailler de façon frontale, et non participative, chaque étudiant étant plongé dans ses notes ou dans son ordinateur, et écoutant, plus ou moins religieusement, ce que dit le professeur. Généralement, ça se fait en suivant un planning traditionnel, où on va donner un certain nombre d'informations, des techniques, différentes choses, ponctué par un examen.
Or quelles sont les qualités attendues des étudiants à la fin de leur parcours dans une école d'ingénieur, par exemple, pour devenir ingénieur en gestion de la nature ? On va leur demander de faire preuve d'initiative. On va leur demander d'être curieux. On va leur demander d'avoir une capacité importante d'intégration, être capable d'intégrer des notions qui viennent de différentes personnes, de différents partenaires, de différents acteurs. Ça veut dire qu'il faut qu'il y ait un sens de l'analyse important, et un sens du compromis parce que chaque acteur va avoir une opinion qui n'est pas la même que l'autre. Au final, le projet doit essayer d'obtenir le consensus d'un maximum d'acteurs différents pour qu'il puisse être accepté et réalisé.
Ça nécessite de la transversalité, de l'inter et de la pluridisciplinarité. L'enseignement qu'on propose est un enseignement qu'on va dire inversé. Au niveau du planning, on va commencer par l'examen. On va leur dire, à la fin de vos 3 années, normalement, vous devez être capable de faire ça. Le projet, c'est ça. Allez-y, c'est cette problématique. Débrouillez-vous pour la réaliser. On va faire, ensuite, une acquisition des connaissances par résolution de problèmes. Ils vont se rendre compte qu'il y a cette difficulté, cette chose qu'ils ne savent pas faire, et on va leur donner les pistes au fur et à mesure qu'ils découvrent ces problèmes et qu'ils nous demandent de trouver des solutions qu'ils vont faire ensemble. Ces initiatives vont permettre un apprentissage de la législation et des connaissances techniques, des questions de mises en œuvre. À la fin, ils vont pouvoir présenter leur bureau d'études virtuel, le futur bureau dans lequel ils vont travailler et les compétences qu'ils auront acquises, dans le cadre de la présentation d'un avant-projet.
L'exemple en cours aujourd'hui, mais on peut avoir différents types d'exemples, c'est la construction d'une passe à poisson sur une petite rivière vaudoise, près de l'embouchure du Boiron de Morges, à côté de la Maison de la rivière. De quoi s'agit-il ? On va leur dire, dans un premier temps, qu'il y a une présentation totalement minimale du projet. On va leur dire qu'il y a un obstacle à la migration et qu'il y a, dans cette rivière, des poissons migrateurs et que ça pose problème. Lequel, pourquoi, à eux de voir. On va aller rapidement sur place. On va faire une visite de terrain. Dans le cadre de cette visite de terrain, on va demander aux étudiants de prendre des notes. On va leur demander d'observer plein de choses et d'établir un diagnostic. C'est absolument essentiel. Ils doivent être capables, à la fin de cette visite de terrain, de voir la problématique, voir ce qu'il y a. Tiens, il y a une forêt, il y a une parcelle agricole, une rivière, un pont, des choses comme ça. Essayer de voir quels sont les problèmes, qu'est-ce qui se passe et comment on va essayer de faire pour les résoudre. Les questions qui se posent généralement, à l'issue de cette visite de terrain et des questions qu'on reprend en classe, c'est typiquement, quelles sont les espèces de poissons présents ? S'ils nous posent la question, on va leur dire comment faire pour répondre à cette question et on va leur donner les réponses. Ils peuvent se demander quel est cet obstacle ? Est-ce qu'il est franchissable ou non ? On va leur expliquer qu'on peut marquer les poissons, qu'on peut faire toute sorte de choses, à qui appartiennent les terrains, pourquoi est-ce qu'on prélève l'eau ? C'est une prise d'eau, donc qu'est-ce qui se passe si on coupe l'eau ? Qu'est-ce qui va se passer pour les autres, pour les autres gens plus en aval ? Quelles sont les conditions hydrauliques dans l'impasse ? Quelles sont les démarches à faire pour faire avancer le projet ? On vient avec tous les processus légaux et démocratiques.
Finalement, comment est-ce qu'on peut communiquer sur le projet ? Par rapport à ça, ils vont élaborer leur projet, élaborer un ensemble de variantes. À ce moment-là, on ne s'attache pas vraiment à la résolution. Ils vont avoir 3 ans pour avoir les bons plans, pour savoir comment travailler avec les programmes d'ordinateur qui permettent d'établir les plans. Ils vont pouvoir résoudre tous les problèmes techniques. Ici, ce n'est pas ça qu'on demande. On peut leur demander des plans, des dessins, des croquis. En gros, on veut comprendre leur démarche et ce qu'ils veulent faire en quelques mots. S'il y a des erreurs techniques, ce n'est pas grave, ils ont 3 ans pour les résoudre. Ils vont essayer de voir, dans la nature, ailleurs, s'il y a la même problématique et comment faire pour la résoudre. Ils vont chercher sur internet. Ils vont regarder. On va aller faire d'autres visites sur le terrain pour leur montrer d'autres ouvrages de ce type. Ils vont voir que c'est très différent d'un endroit à l'autre. Pourquoi c'est différent, qu'est-ce qui fait qu'on a construit comme ça à cet endroit, qu'est-ce qui fait qu'on a construit comme ça à cet endroit ? Comme ça, ils vont essayer d'adapter leur projet à la meilleure solution. Quelles sont les contraintes ? Pourquoi est-ce qu'on a fait ça ici et pas ailleurs ? Quels sont les avantages et les inconvénients ? Ce sont des éléments qu'ils vont pouvoir intégrer pour faire le meilleur projet possible.
Quant à l'examen, on va le faire sous la forme d'un jeu de rôle. Les profs vont jouer le rôle d'une municipalité qui a mandaté un bureau d'études, en l'occurrence les étudiants, pour réaliser ce projet. Ils vont devoir présenter leur bureau et présenter leur projet. On ne les prend pas en traître, parce que c'est exactement ça qu'ils devront être capables de faire lorsqu'ils auront quitté l'école et qu'ils se trouveront dans la vraie vie, la vie où ils vont devoir travailler dans un bureau d'études par exemple, ou dans un office cantonal, fédéral ou communal. On va profiter, à cette occasion, pour leur poser un certain nombre de questions déstabilisantes. À eux d'essayer de résoudre ces questions au mieux. Généralement, ils ne sont pas armés pour répondre à ça, mais c'est justement pour voir ce qu'ils ont dans le coffre, s'ils sont capables de répondre à ce genre de questions qui peuvent être déstabilisantes, ou a minima stupides, comme, est-ce qu'on ne ferait pas mieux de flinguer tous les cormorans ? Est-ce qu'il vaut mieux investir dans les structures sociales pour la même somme ? Est-ce que c'est vraiment à la commune de faire ça ? Est-ce que c'est à d'autres de payer ? Combien on achète les terrains ? Combien coûte ce projet ? Qui est responsable ? Est-ce qu'on ne ferait pas mieux d'investir dans l'agriculture par exemple, plutôt que dans la protection de l'environnement ? Un certain nombre de questions qui ne sont pas tellement pertinentes, mais on verra comment les étudiants répondent par rapport à ça. Quant à la correction, on va faire venir à la fin du processus, les vrais acteurs, les vrais bureaux, qui ont vraiment travaillé sur le projet. Ils vont nous montrer les plans réalisés, comment est-ce qu'on a résolu le problème, comment est-ce qu'on a fait. Ça montre aux étudiants, ce à quoi ils doivent être capables d'aboutir à la fin des 3 ans d'études, mais ils ont du temps pour apprendre tout ça.
On l'a fait pour les passes à poissons. On peut le faire encore pour d'autres projets. Par exemple, à Genève, on a fait un projet sur la pointe de la jonction. C'est un endroit magnifique à Genève qui va être complètement transformé. Actuellement, il y avait des arrêts de bus. Comment est-ce qu'on va faire à cet endroit-là, comment ça va être. Il y a plein de projets possibles. On travaille aussi sur le bois du bâti par exemple ou sur le port de Lyon, l'établissement d'un port dans la région Lyonnaise. Pour l'évaluation du travail, il n'y a pas de variante juste ou fausse. On ne va pas les juger là-dessus parce qu'ils n'ont pas forcément les compétences pour le faire à ce stade-là. Par contre, des variantes justifiées ou non. C'est là-dessus qu'on va baser notre appréciation pour voir s'ils ont retenu tout ce qu'ils avaient à faire, sur la base de ce qu'ils ont appris sur le terrain, des connaissances qu'ils ont apportées, s'ils ont pu justifier leur variante ou non.