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Description

Denise Muths, enseignante à l'école primaire de Saint-Imier La Champagne en Suisse, présente dans cette vidéo (11'14) un exemple de pédagogie par projet conduite auprès d'élèves de primaire (9-10 ans) sur la thématique de l'arbre. Elle décrit très concrètement l'ensemble des étapes de ce projet et en évoque les intérêts et l'appréciation par les enfants.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+1
  • Bac+2
Objectifs de Développement Durable
  • 4. Education de qualité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
éducation à l'environnement et au développement durablepédagogie par projet
La pédagogie par projet
La pédagogie par projet
Un exemple de mise en œuvre de la pédagogie par projet dans l'enseignement secondaire
Un exemple de mise en œuvre de la pédagogie par projet dans l'enseignement secondaire
L'objet FABuleux, un exemple de pédagogie par projet
L'objet FABuleux, un exemple de pédagogie par projet
Les questions socialement vives et les controverses
Les questions socialement vives et les controverses
Traiter les questions socialement vives à l'école primaire : le conte, déclencheur du débat
Traiter les questions socialement vives à l'école primaire : le conte, déclencheur du débat
Un exemple de mise en œuvre des controverses dans l'enseignement secondaire
Un exemple de mise en œuvre des controverses dans l'enseignement secondaire
Un exemple de mise en œuvre des controverses dans l'enseignement supérieur
Un exemple de mise en œuvre des controverses dans l'enseignement supérieur
Le débat et les discussions à visée philosophique
Le débat et les discussions à visée philosophique
Un exemple de mise en œuvre de la discussion à visée philosophique à l'école primaire
Un exemple de mise en œuvre de la discussion à visée philosophique à l'école primaire
La discussion à visée philosophique en lycée
La discussion à visée philosophique en lycée
Le débat et les discussions à visée philosophique dans l'enseignement supérieur
Le débat et les discussions à visée philosophique dans l'enseignement supérieur
Fondements de la pédagogie critique
Fondements de la pédagogie critique
Exemples de mise en œuvre de la pédagogie critique
Exemples de mise en œuvre de la pédagogie critique
Stratégie pour une démarche globale en éducation à l'environnement et au développement durable à partir de l'exploration du milieu de vie
Stratégie pour une démarche globale en éducation à l'environnement et au développement durable à…
Qu'est-ce qu'une enquête ?
Qu'est-ce qu'une enquête ?
Mettre en œuvre la pédagogie de l'enquête en éducation au développement durable
Mettre en œuvre la pédagogie de l'enquête en éducation au développement durable
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Denise Muths, Enseignante, École de la Champagne, Suisse

Le projet que je vais vous présenter a été réalisé avec une classe de 20 enfants de 9 à 10 ans. Il a été initié par un concours intitulé "Le bois qui cache la forêt". Pour gagner le concours, il fallait réaliser des éléments d'exposition qui présenteraient notre approche, nos points de vue, bref, tout ce que nous allions faire autour de cette thématique. Les élèves ont été de suite emballés à l'idée de participer et le thème décliné sous le titre "Promenons-nous dans le bois" a été rapidement adopté. Notre projet était né et nous voilà partis pour une aventure qui durera 6 mois. Partir de l'arbre, c'est partir des conceptions que les enfants ont à son sujet. Qu'est-ce qu'un arbre ? De quoi est-il fait ? Où vit-il ? Qui l'habite ? Et à quoi ça sert un arbre ? Quelles sont ses fonctions dans la nature et pour l'Homme ? Quels sont les métiers qui lui sont liés ? Et sa place dans notre culture, dans l'histoire et dans notre vie de tous les jours ? Enfin, quelle relation entretenons-nous avec les arbres ? 

Nous avons donc étudié l'arbre à travers les sciences et l'écologie, comme on le ferait dans n'importe quel cours de SVT. Reconnaître certains arbres, observer leurs différences de forme, de bois, et donc aussi de fonctions du moins dans son utilisation humaine. Un premier jeu est ainsi né pour notre projet d'exposition interactive, car l'un de nos objectifs était de rendre les visiteurs actifs et participatifs. Nous avons beaucoup travaillé sur l'idée de symbiose et de besoins réciproques. Nous avons ainsi découvert la manière dont certaines graines utilisent les animaux pour se disséminer et les services que se rendent mutuellement, par exemple, arbres et champignons. Les ravageurs n'ont pas été oubliés et leur mise en scène pour en faire des jeux de découverte sur nos panneaux a soigneusement été débattue en groupe. L'idée de système était sans arrêt présente durant cette phase de découverte du milieu naturel de l'arbre, y compris lorsque nous avons pris nos appareils de photo pour aller dans la forêt photographier des souches et leurs multiples habitants. Nos récoltes et nos productions se retrouvaient ainsi formalisées directement sur les panneaux que nous destinions à notre exposition. Un travail de français a bien sûr accompagné toute cette démarche : écrire correctement, mais aussi choisir les mots pour expliquer clairement et simplement. Enfin, la présentation graphique, l'agencement et le soin apporté ont également permis de développer chez les élèves la collaboration, la communication et l'esprit critique. Combien de textes ont été réécrits, car le groupe estimait que l'auteur ne s'était pas donné assez de peine ? 
 
Nous nous sommes ensuite intéressés aux multiples usages que les humains font du bois. Les aspects économiques sont ainsi naturellement apparus. Pourquoi les choses en plastique coûtent-elles plus cher que les choses en bois ? Des comparaisons, une compréhension des origines fossiles du plastique et des origines renouvelables du bois sont ainsi apparues, de même que les avantages liés aux objets en bois, comme par exemple la possibilité de les réparer. Mais bien sûr les avantages du plastique n'ont pas été évincés, des couleurs plus fun, la légèreté, l'aspect plus réaliste que le plastique peut donner aux jouets. Mais une question est apparue : les arbres poussent si lentement, comment peut-on en couper autant ? Pour répondre à cette question, il nous fallait un professionnel. Nous avons donc pris contact avec un bûcheron qui nous emmenés avec lui en forêt, à la découverte de son métier. Données par un vrai professionnel, des informations concernant la quantité incroyable de matière que fabrique chaque jour une forêt, grâce à la photosynthèse, ont été bien mieux retenues que si j'avais moi-même fait l'exercice en classe. Des notions mathématiques, telles que le volume de bois produit et utilisé, mais aussi les surfaces, que ce soit en relation avec la déforestation ou au contraire, avec la reforestation, ont été abordées. De quoi, encore une fois, lier les impératifs du programme avec des éléments forts de notre projet. 
 
Côté sciences, l'importance de la forêt dans la dépollution de l'air en tant que puits de carbone, a ainsi peaufiné notre approche systémique donnant à l'arbre encore un peu plus d'importance et de noblesse. Les enfants ont également pu découvrir que le bûcheron ne coupe pas les arbres parce qu'il ne les aime pas, mais au contraire parce qu'il aime la forêt et participe ainsi à son entretien. Ce fut pour nous l'occasion de nous questionner sur notre propre relation à l'arbre. Est-ce que nous aimons voir les arbres coupés ? Comment nous sentons-nous au cœur d'une forêt ? Les arbres nous font-ils peur ? Ainsi, au-delà des connaissances liées à ce que signifie gérer de manière durable une forêt, ce questionnement nous a conduits vers un thème d'histoire, présent dans le programme et que je devais de toute manière aborder : les Celtes. Aborder cette culture antique à travers sa relation à l'arbre nous a également permis de voir comment la nature, les arbres, mais aussi les plantes, étaient utilisés pour se soigner. Un petit détour qui nous a permis de comprendre sur quelle base chimique les médicaments actuels sont encore et toujours fabriqués et de discuter des droits des populations autochtones d'Amazonie, sur les brevets que tentent de déposer certaines firmes pharmaceutiques. Savoir que l'aspirine provient de l'écorce du saule, voilà une connaissance qui va frapper les esprits et une utilité que les enfants ont découverte avec un grand étonnement. L'occasion aussi de goûter des tisanes, du sirop d'érable et de faire des crêpes. 

Une particularité des Celtes est leur attribution d'un arbre spécifique en fonction de la date de naissance de l'individu, une sorte de calendrier astrologique arboricole. Les enfants ont été bien sûr très curieux de connaître, mais aussi de pouvoir reconnaître leur arbre. Un travail de français s'est greffé sur cette découverte. Chaque enfant a écrit un texte sur son arbre et le lien qu'il voyait avec lui. Des textes extrêmement touchants, pleins de poésie et d'émotions sont ainsi nés, illustrés graphiquement par leurs auteurs. 
 
Pour découvrir une grande partie de ces arbres, nous nous sommes rendus dans le parc de la ville, une occasion supplémentaire de réfléchir au besoin de nature inhérent à l'individu et à la manière dont un parc est pensé et entretenu. Cette réflexion sur le parc nous a permis de donner corps au concept de développement durable, concept que je n'avais jamais convoqué depuis le début de cette aventure. Lorsque j'ai présenté les 3 cercles du schéma habituel et que je leur ai demandé comment nous pourrions trier tout ce que nous avions vu pour remplir ces 3 cercles, cela n'a posé aucun problème aux enfants. Certains ont même proposé un schéma où l'écologie prend la place des racines de l'arbre, le tronc, l'économie et le feuillage, la société ; le tronc n'étant en fait qu'un passage permettant à la société de se développer mieux. Ne me dites pas après cela que des enfants de 10 ans sont trop jeunes pour parler de problématiques complexes. À la fin de cette approche systémique de l'arbre, il est devenu évident pour les enfants que celui-ci était un symbole de vie. Là encore, ils l'ont exprimé à leur manière, à travers des textes qui ont contribué à notre exposition. 

Pour terminer, je dirais que l'arbre est ainsi devenu, pour mes élèves, un ami, un confident, un miroir, un élément essentiel dans leur nouvelle vision du monde. Pour terminer, j'ajouterais que mes élèves sont venus chaque jour à l'école avec le sourire et une véritable envie d'apprendre. Je n'ai jamais eu besoin de les stimuler, de les pousser, de les motiver, ils n'avaient qu'une envie : continuer le projet, montrer leurs apprentissages, s'améliorer pour être plus performants et faire part de leurs réflexions multiples. Nous n'en sommes d'ailleurs pas restés au seul concours, nous avons organisé une autre exposition dans le préau de l'école au milieu des arbres bien sûr et avons invité les parents et les autres classes à venir découvrir notre travail. Au niveau du programme, comme cette carte conceptuelle nous le montre, nous avons véritablement vécu l'interdisciplinarité et nous avons non seulement atteint tous les objectifs disciplinaires, mais en termes de connaissances et de compétences, nous sommes allés bien au-delà. Le sens que les élèves ont trouvé à tous les moments de ce projet a été le moteur essentiel de leur motivation. Autant vous dire que je n'en suis pas restée là ; chaque année, quels que soient mes élèves, je renouvelle l'expérience toujours sur d'autres thématiques et le succès est garanti. Et moi, j'en profite pour apprendre autant que mes élèves.