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Description

Bettina Laville, Présidente du Comité 21, analyse dans cette vidéo (11'55) la nature universelle et multi-acteurs des Objectifs de Développement Durable (ODD). Elle s'appuie sur l'histoire récente, de 1992 à aujourd'hui, pour comprendre cette émergence et montre que cette dynamique partenariale incarne la nécessité actuelle d'assurer le bien commun.

Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre la nature universelle et multi-acteurs des ODD.
- Appréhender la notion de dynamique partenariale et d'engagement pour le bien commun.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Animation
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 17. Partenariats pour la réalisation des objectifs
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
ODDobjectifs de développement durable
Les acteurs s'emparent des ODD
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Les ODD peuvent-ils structurer l’action de la société civile ?
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On réussira les ODD avec les citoyens
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L’Agenda 2030, agenda pour et par la jeunesse
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Comment les entreprises participent-elles à l’intérêt général dans le monde ?
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Quels acteurs doivent se mobiliser pour atteindre les objectifs sociaux ?
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La mobilisation des acteurs financiers autour des ODD
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Comment parler des ODD ? Les médias devant le long terme
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Comment répondre à l'impératif d'une large mobilisation pour les ODD ?
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Contributeurs

Laville Bettina

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Les ODD, des acteurs engagés pour le bien commun

Bettina Laville, Présidente du Comité 21
 

Le 2 août 2015, la communauté internationale, à savoir l'ONU, approuvait les Objectifs de Développement Durable.

Alors est-ce que c'est finalement un moment technocratique de plus ou bien, est-ce que c'est un vrai nouveau départ de toute l'humanité vers son propre progrès et vers surtout une amélioration des conditions de vie des acteurs ?

Moi, je suis persuadée que c'est un nouveau départ. Pourquoi ? Il faut refaire un tout petit peu d'histoire. Au sommet de Johannesburg, très exactement en 2002, les acteurs onusiens, c'est-à-dire finalement tous les pays du monde, ont adopté les OMD. Alors ça, c'est encore de la technocratie, ça veut dire les Objectifs mondiaux de développement. Et tout le monde était ravi parce qu'on avait pour la première fois une vraie trajectoire d'une quinzaine d'années, donc en fait jusqu'en 2015, 2002-2015, sur le développement. Mais en fait pour moi c'était une petite régression. Pourquoi ? Parce qu’au moment de la commission Brundtland, c'est-à-dire avant le sommet de 1992, avant la conférence de Rio, il se trouve que les acteurs à ce moment-là avaient enfin réuni l'environnement et le développement. Et ça a été appelé par un mot qui a fait florès, le développement durable. Il se trouve qu'au moment de Johannesburg c'est un peu dommage qu'on ait redivisé ces trajectoires. D'un côté, l'environnement avec les conventions sur le climat, avec de la convention sur la biodiversité, avec la convention sur la désertification. Et d'un autre côté, les OMD, le développement. C'était finalement une petite régression théorique, mais qui en pratique a eu énormément de conséquences. La grosse conséquence, celle qu'on connaît le plus, ça a été le sommet de Copenhague qui a été un échec. Pourquoi ça a été un échec ? Eh bien parce que l'environnement et le développement se sont opposés. Pourquoi ? Parce que les pays en développement, c'est-à-dire les pays pauvres, ont dit aux pays qui voulaient stabiliser les émissions de CO2 : "vous êtes très aimables, mais comment allons-nous assurer notre développement ? C'est vous qui avez pollué la terre en l'industrialisant et ensuite vous nous demandez de payer ensemble, avec vous, les méfaits de ce qui a été de votre propre développement, de votre civilisation alors que nous, nous n'avons pas éradiqué la pauvreté, etc." Et donc je crois que la communauté internationale a compris ce message et que lors du sommet qui a décidé en fait, c'est-à-dire en 2012, a décidé de nouveaux objectifs, l'origine du mot "développement durable" a été retrouvée et nous avons donc les Objectifs de Développement Durable : en fait ce n'est pas de la technocratie, première observation.

Deuxième observation, pourquoi les acteurs, ce que j'appelle les acteurs, — alors on dit le multi acteur, on dit les acteurs non étatiques, on dit les États —, pourquoi tout le monde doit travailler ensemble ?

D'abord, arrêtons-nous une minute, c'est absolument énorme de dire que tout le monde travaille ensemble. Pour l'instant, ça veut dire que 7 milliards et demi d'humains, mettons milliards, ça veut dire 4 milliards d'adultes après, travaillent ensemble. Eh bien c'est vrai, pourquoi ? En fait, tous ces acteurs représentent non seulement les communautés de l'Organisation des Nations unies — c'est-à-dire les États bien entendu, l'ONU ce sont les États —, mais aussi il y a les communautés tout autour, les collectivités locales, les organisations non gouvernementales, les églises, les syndicats, toute sorte aussi de citoyens. Et maintenant avec la révolution numérique, les citoyens tout court qui tchattent sur le sort du monde par internet et à travers tous les réseaux sociaux. Et ça, ça a été une vraie révolution. Tous ces acteurs sont rassemblés pour faire des Objectifs de Développement Durable, finalement pour se donner un but commun, afin de développer au mieux l’humanité, c'est-à-dire lui donner premièrement, ce qu'on appelait au XVIIIe siècle du bonheur et deuxièmement, ce qu'on appelle aujourd'hui du développement ; les deux. Le bonheur et le développement, moi je trouve ça très important parce que le développement n'est pas simplement quantitatif, mais il est qualitatif.

Alors qu'est-ce que c'est que cette magie des Objectifs de Développement Durable ?

Premièrement, ce sont des cibles, de vraies cibles qui concernent aussi bien le développement que l'environnement. Il y a une cible sur "éradiquer la pauvreté", c'est la première. C'est un peu la cible mère si vous voulez de l'ensemble des objectifs. Il y a des objectifs sur les océans, "protéger nos océans". Il y a des objectifs sur "maintenir notre climat pour qu'il reste viable". Il y a des objectifs de justice et paix. Il y a des objectifs de maintien de la biodiversité qui est vraiment aujourd'hui très menacée, etc. Il y en a 16. Et il y en a un de plus dont je vous parlerais plus tard qui est l'ODD 17 et ça, c'est l'ODD rassembleur, c'est celui qui rend véritablement la communauté humaine, capable d’être une vraie communauté, voilà. Ça, c'est tout à fait capital.

Alors les ODD ont en même temps des indicateurs et ça, c'est très important parce que, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que les Objectifs de développement durable sont les mêmes pour tout le monde et que chacun, chaque pays et chaque communauté doit mesurer son progrès. Les instituts statistiques internationaux, ceux d'ailleurs qui dépendent de l'ONU plus les instituts statistiques nationaux mesurent ces progrès. Et aujourd'hui nous avons un certain nombre, nous avons exactement 234 indicateurs qui vont nous permettre d'avancer en même temps. Là, je m’arrête parce que le "avancer en même temps" est aussi une conséquence de la renonciation à l'environnement d'un côté, le développement d'un côté, pourquoi ? Eh bien auparavant, dans les années 80 à peu près et encore plus juste après la décolonisation, on mesurait les progrès des pays en développement, mais finalement on considérait que les pays riches étaient riches et qu'on avait beaucoup moins besoin de mesurer leur progrès. Alors leur progrès économique avec le Produit national brut, ça on le mesurait. Mais on avait moins besoin de mesurer leur progrès humain, leur progrès sur l’éducation, leur progrès sur ce fameux bonheur dont je parlais, sur le bien-être, sur le bien vivre. Et ça, c'est tout à fait capital parce que vous avez une mesure commune des Objectifs de Développement Durable pour tous les pays. Donc en fait, les Objectifs de Développement Durable, ça crée de l’égalité.

Finalement, que créent les Objectifs de Développement Durable par rapport à d'autres indicateurs dont je viens de parler, le Produit national brut, etc. ? Eh bien tout simplement du bien commun. Qu'est-ce que le bien commun ?

Le bien commun, c'est le rassemblement de ressources qui doivent rester viables pour que bientôt neuf milliards de l’humanité puisse subsister et d'autre part la communauté, c'est-à-dire pour que les gens puissent administrer ces ressources, qui comme nous savons tous aujourd'hui sont rares, ensemble. Et ça, le bien commun, c'est un mot qui est prononcé depuis 30 ans dans les conférences internationales, mais qui n'avait pas jusqu'aux Objectifs de Développement Durable, une vraie réalité. Et aujourd'hui on peut dire que la phrase "assurer le bien commun" est complètement incarnée par ces Objectifs de Développement Durable.

Il y a d'ailleurs un Objectif de Développement Durable qui incarne ce bien commun et qui rassemble un petit peu les autres, c'est le dernier. Parce que vous avez 16 objectifs un peu spécialisés et vous avez ce que l’on appelle l'ODD 17, c'est-à-dire l'objectif numéro 17 qui est l'objectif de partenariat. À Johannesburg, puis à Rio lors des célébrations des 20 ans de la conférence de Rio, nous avions approuvé le partenariat pour le développement durable. L'ODD 17, c'est le partenariat pour le développement durable : ça veut dire que les entreprises, et ça, c'est très important, c'est quelque chose auquel tient beaucoup l'ONU parce qu'il ne faut pas du tout confondre biens communs et biens publiques. Des cibles privées des actions privées peuvent concourir au bien commun. Exactement comme les agents publics ont recours à des acteurs privés pour assurer ce bien commun. Donc vous avez les entreprises, vous avez les collectivités locales et leur force est de plus en plus importante. Regardez par exemple au moment où un État comme les États-Unis, pas des moindres, se retire du Traité de Paris, en tout cas veut se retirer, puisqu'on a encore un peu de temps pour qu'il se retire ; eh bien les collectivités, c'est-à-dire en fait aux États-Unis, tous les États américains puisque c'est une fédération, disent pour certains non, les grandes villes agissent et donc ce sont des acteurs. Les organisations non gouvernementales, autres acteurs et ça c'est vraiment très important parce que c'est l'aiguillon du développement durable les organisations non gouvernementales. Les églises qui ont une importance considérable en particulier en Amérique du Sud pour justement donner une vision de long terme et pas simplement de court-terme. Et d'autre part les syndicatsqui appuient toujours sur le fameux pilier social du développement durable donc ils sont très actifs dans les Objectifs de Développement Durable au niveau social, etc.

C'est ce que nous, nous avons finalement contribué à faire au Comité 21. On est un petit atelier du développement durable avec tous ces acteurs.

Et moi, j'ai toujours tendance à dire que les Objectifs de Développement Durable c'est un peu la phase lumineuse de la mondialisation. Vous avez la face sombre avec les drames que vont apporter malheureusement les effets du changement climatique, les drames de la financiarisation, les drames du trop court-terme. Mais vous avez aussi la phase lumineuse, c'est-à-dire en fait tous les acteurs de l'humanité qui se donnent une vision de 15 ans vers l’amélioration des conditions du peuple humain que nous formons aujourd'hui. C'est bien pour ça que les Objectifs de Développement Durable, c'est plus du développement humain que du développement tout court.