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Description

L'objectif du MOOC "Biodiversité", réalisé et coordonné par UVED, est d'amener les apprenants à mieux comprendre ce qu'est la biodiversité et les enjeux qui lui sont associés en matière de développement humain et territorial (culture, santé, ville, agriculture, etc.).

En apportant des points de repères sur ces questions et en montrant que la préservation des dynamiques écologiques est l'affaire de tous, ce MOOC entend contribuer à l'évolution des perceptions sociales en matière de biodiversité ainsi qu'à l'accroissement du niveau d'implication des acteurs sociétaux dans sa préservation. Ce MOOC introductif, qui ne nécessite pas de prérequis particulier, présente un intérêt pour l'ensemble des citoyens.

Référent scientifique : Gilles Boeuf (Muséum National d'Histoire Naturelle)

Gilles Boeuf est professeur à l'Université Pierre & Marie Curie, spécialisé en physiologie environnementale et biodiversité. Il est le président du Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) et a été Professeur invité au Collège de France en 2013-2014 sur la Chaire "Développement durable, énergie, environnement et société". Il est membre du Bureau d'IPBES, du Conseil Scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (Ministère de l'Ecologie et du Développement durable) et du Comité de Perfectionnement du Centre scientifique de Monaco.

Objectifs d'apprentissage :
- Mieux comprendre ce qu'est la biodiversité 
- Appréhender les enjeux qui lui sont associés en matière de développement humain et territorial (culture, santé, ville, agriculture, etc.) 
- Comprendre que la préservation des dynamiques écologiques est l'affaire de tous

Deux niveaux de difficulté sont proposés selon les contenus de ce parcours : le niveau "Débutant" s'adresse aux apprenants de niveau Bac à Bac+3 (Licence), tandis que le niveau "Approfondi" est plutôt destiné aux apprenants de niveau Master et +.

Domaines
  • Nature & Biodiversité
État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Niveau
  • Bac+1
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
biodiversité
  • Biodiversité continentale : rivières et forêts - Clip
  • La biodiversité estuarienne
  • Les poissons migrateurs amphihalins, traits d'union entre la mer et les eaux douces
  • Les végétaux aquatiques : de la biodiversité à la bioindication
  • La biodiversité des rivières intermittentes
  • Biodiversité forestière : état des lieux
  • Succession forestière et biodiversité en milieu tempéré
  • Bois mort, dendro-micro-habitats et biodiversité
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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

La biodiversité des rivières intermittentes

Thibault Datry
Chargé de recherche - IRSTEA

1. Les rivières intermittentes

Une rivière intermittente est une rivière qui cesse de s'écouler ou qui s’assèche de manière ponctuelle dans le temps. Ça peut être aussi une rivière qui cesse de s'écouler ou qui s’assèche de manière ponctuelle dans l'espace, c'est-à-dire qu'au même moment, une rivière peut avoir des secteurs en eau qui coule, des secteurs en eau qui ne coule pas et des secteurs asséchés.

Les rivières intermittentes sont nombreuses et prévalentes. On les trouve sous tous types de continents, incluant l'Antarctique, et sous tout type de climat, même les plus humides. Des travaux qui proviennent d'un travail de modélisation par régionalisation estiment qu’entre 20 et 40 % du réseau hydrographique français est intermittent. À l'échelle mondiale, on estime qu'on a la moitié des rivières qui sont intermittentes. Ces rivières intermittentes ne sont pas cantonnées aux régions les plus sèches et les plus chaudes comme la zone méditerranéenne. On les trouve en abondance sur le pourtour de la façade atlantique ou dans le centre de la France.

Des rivières intermittentes peuvent être naturellement intermittentes, en lien avec des facteurs climatiques, hydrologiques, hydrogéologiques, elles peuvent s'assécher mais on a aussi des rivières intermittentes qui s’assèchent sous l'action de l'homme que ce soit en lien avec des prélèvements d’eau en surface ou dans les eaux souterraines en lien avec la construction de barrages. Evidemment on a une influence du réchauffement climatique. Ce sont donc des systèmes qui sont en expansion.

Aujourd'hui, on a sept des plus grands cours d'eau mondiaux qui se sont asséchés dans les 30 dernières années. C'est le cas par exemple de la Rivière Jaune en Chine, du Mékong ou du Colorado.

2. Biodiversité

D'un point de vue écologique, ce sont des systèmes qui sont fascinants puisqu'en fait ils sont constitués d'habitats et donc de communautés aquatiques et terrestres qui coexistent, qui interagissent. À titre d'exemple, on a observé une petite rivière du Poitou-Charentes qui s’appelle le Thouaret. L'état d’écoulement de cette rivière a été observé tous les 15 jours en période estivale et les observations montrent que tous les 15 jours, la mosaïque d’habitats est en perpétuelle réorganisation et réagencement en fonction des variations du débit de la rivière et du niveau des nappes phréatiques.

Ces mosaïques sont colonisées par des communautés à la fois terrestres et aquatiques et malgré ce qu'on peut penser, une rivière qui s’assèche peut être très riche d'un point de vue biologique. Tout d’abord, si les assèchements ne sont pas trop sévères, on a l'ensemble des espèces aquatiques qu'on trouve dans les cours d'eau pérennes. Ça peut être des crustacés, des insectes aquatiques, des poissons, plus toutes les communautés qui sont associées sur les berges, que ce soit des mammifères ou des oiseaux. On a aussi des espèces qui sont typiques des cours d'eau intermittents. Par exemple le laurier rose est un arbre caractéristique des cours d'eau intermittents du pourtour méditerranéen. En zones arides, on a des grands mammifères qui viennent coloniser les lits asséchés pour y trouver de l'eau, pour y trouver de l’ombre, pour se disperser ou effectuer des migrations. On a des exemples en Australie ou dans le sud des États-Unis où ces lits asséchés ont des valeurs culturelles, des valeurs spirituelles très fortes.

Enfin, récemment, nos recherches ont mis en évidence que même sous nos latitudes, les lits de rivières asséchées pouvaient être colonisés par des communautés d'arthropodes terrestres qui pouvaient être très riches : on a par exemple plus de 120 espèces qui ont été récoltées sur une petite rivière qui s’assèche au nord de Lyon.

3. Adaptations

On a des espèces aquatiques qui ont adopté des adaptations spécifiquement pour résister à l'assèchement. Ce sont des espèces qui peuvent laisser des kystes, des larves ou des œufs en vie ralentie et qui peuvent résister à la désertification pendant des semaines voire des mois. Pour le mettre en évidence, il suffit de collecter des sédiments sur le lit d'une rivière asséchée et de la remettre en eau en laboratoire. Après quinze jours de remise en eau, on peut avoir 20, 30, 40 espèces qui émergent de ces sédiments. On sait que la richesse de ces communautés une fois la remise en eau effectuée va être intimement dépendante de la durée d'assèchement de la rivière avant d'avoir collecté ces sédiments, ce qui montre qu'il faut protéger les lits asséchés même si on aurait l'impression en surface d'avoir en face de nous des écosystèmes qui sont morts ou qui sont inactifs.

Il y a aussi des espèces terrestres qui ont des adaptations cette fois pour résister à l'inondation. On a le cas du giant water bug, une punaise semi-aquatique qui vit en Amérique du Nord et qui est un prédateur féroce qui vient prédater les poissons, les grenouilles et les invertébrés qui sont prisonniers dans les piscines pendant les phases d'assèchement. Ces organismes sont capables de détecter l'arrivée d'une crue éclair simplement à partir d'un signal de pluie et donc ils peuvent s'échapper sur les berges. On a aussi le cas des fourmis de feu qui sont capables de résister à la submersion en créant des radeaux voire en créant des ponts.

4. Conservation

De manière générale, la biodiversité des cours d'eau intermittents est une biodiversité fragile. On a une diminution très forte de la diversité biologique quand la durée "à sec" augmente. C'est-à-dire que toute action qui va modifier dans un sens ou dans l'autre le régime d'assèchement naturel d'une rivière va avoir des conséquences sur sa biodiversité.

Comme ce sont des systèmes qui sont souvent perçus comme sans intérêt ou anecdotiques, ils n'ont pas de place dans la législation et les politiques de gestion de l'eau dans la plupart des pays. Ainsi, ils sont fortement dégradés par l'homme : quand il n'y a pas d’eau, l'homme a tendance à venir chercher du sable, des sédiments dans ces rivières et ce sont aussi des conduits faciles pour évacuer des effluents agricoles et industriels. Dans le sud de la France, il y a un certain nombre d'exemples de rivières qui coulent simplement parce qu’elles sont alimentées par des rejets de stations d'épuration.

5. Connaissances scientifiques

Ces rivières sont peu reconnues par les gestionnaires tout simplement parce qu'elles sont encore peu connues par les scientifiques. Pendant très longtemps, les recherches se sont focalisées sur les cours d'eau pérennes. L'ensemble des modèles que nous avons à disposition, des modèles conceptuels pour étudier les cours d'eau ont été produits à partir et pour des recherches sur les rivières pérennes. Ainsi, on a des notions de directionnalité, de flux amont-aval d’eau, de loticité, c'est-à-dire de présence de courant et des modèles qui sont très centrés sur les organismes aquatiques, ce qui fait qu'on n'a pas de place sur les périodes, les phases et les communautés terrestres. Il y a donc un développement conceptuel important à faire, ce qui représente un challenge pour les chercheurs en écologie aquatique.

Un autre type de challenge posé par les rivières intermittentes est un genre de phénomène très spectaculaire et qui arrive pourtant très souvent : une rivière, après six mois d'assèchement, est en train de se remettre en eau de manière spectaculaire. L'ensemble des organismes terrestres et la matière organique qui était déposé dans le lit de la rivière est ainsi entraîné à l’aval sur des distances parfois très grandes. Ce genre d'événement pourrait être une voie de dispersion encore inconnue pour un certain nombre d'invertébrés terrestres. On pense aussi que les quantités massives de matières organiques qui sont ainsi exportées à l’aval pourraient changer complètement la vision que nous avons aujourd'hui de combien les cours d'eau participent à la dégradation de la matière organique à l'échelle globale et quelle est l'émission des gaz à effet de serre, des cours d'eau en général.

Il n'y a donc aucun doute que les rivières intermittentes sont des systèmes fascinants dont les recherches sont en pleine explosion. Dans les cinq - six années à venir, on en saura sans doute beaucoup plus.

Contributeurs

BAHUCHET Serge

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

MACHON Nathalie

CURY Philippe

BOEUF Gilles

Sorbonne Université

Ratnadass Alain

CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

COUVET Denis

Fontaine Colin

GOSSELIN Marion

HAINZELIN Etienne

CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Gouyon Pierre-Henri

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Maurel Marie-Christine

David Bruno

ancien Président , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Chavance Pierre

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Mouillot David

Université de Montpellier

Darnaude Audrey

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Bonhommeau Sylvain

IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer

Dagorn Laurent

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Bertrand Sophie

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Fromentin Jean-Marc

IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer

Chaboud Christian

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Galletti Florence

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Rochard Eric

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Lobry Jérémy

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Datry Thibault

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Chauvin Christian

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Blanchart Eric

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Swynghedauw Bernard

Sarrazin François

Robert Alexandre

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Casas Stellio

Dumez Richard

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Wahiche Jean-Dominique

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Roué Marie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Demeulenaere Elise

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Artaud Hélène

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Chartier Denis