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Description

Les découvertes scientifiques de ces dernières décennies ont changé notre regard sur les autres animaux. Il en découle des questionnements sur nos relations avec eux, aujourd'hui et demain. Ce parcours vous apporte des repères pour vous permettre de vous situer sur ces questions de plus en plus discutées et débattues.

Mobilisant une grande diversité d'experts, issus d'horizons variés, il est organisé autour de trois axes :

  • Les animaux : approches des sciences biologiques, humaines et sociales
  • Des animaux et des humains : représentations d'hier et d'aujourd'hui
  • Vivre demain avec les animaux

Deux niveaux de difficulté sont proposés selon les contenus de ce parcours : le niveau "Débutant" s'adresse aux apprenants de niveau Bac à Bac+3 (Licence), tandis que le niveau "Approfondi" est plutôt destiné aux apprenants de niveau Master et +.

Objectifs d'apprentissage : 

- Savoir ce qu'est un animal.
- Situer l’humain par rapport aux autres animaux.
- Comprendre l'évolution de notre regard sur les autres animaux.
- Mieux appréhender la relation des humains aux autres animaux.
- Mieux comprendre ce dont les autres animaux sont capables : pensée, empathie, intelligence, communication,...
- Situer vos connaissances par rapport à un sujet de société complexe et controversé.
- Avoir un point de vue et des éléments de compréhension pour pouvoir mieux orienter vos réflexions et vos échanges.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
anthropologieéthologierelation homme-animalbien-être animal
  • L'humain est-il un animal ?
  • Outils et cultures chez les autres animaux
  • Sciences comportementales et changement de regard sur les animaux
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Sabrina Krief, Professeure au MNHN, responsable du Sebitoli Chimpanzee Project en Ouganda

Jusqu'aux années 60, l'outil est considéré comme étant le propre de l'homme. C'est pour cette raison que lorsque le fameux anthropologue Louis Leakey, dans les gorges de l'Olduvaï en Tanzanie, découvre des ossements humains associés à des outils de pierre, il nomme son spécimen Homo habilis, considérant que ça ne peut être qu'un représentant du genre humain, Homo donc, qu'il a découvert. Quelques mois plus tard, il envoie Jane Goodall, la primatologue, étudier les chimpanzés à Gombe, en Tanzanie, pour essayer de mieux comprendre l'évolution humaine. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsque, quelque temps plus tard, Jane Goodall lui envoie des nouvelles indiquant que les chimpanzés de Gombe utilisent des outils, à savoir des brindilles pour pouvoir attraper des insectes. Ceci remet évidemment en cause sa définition de l'homme et de l'outil, et les préhistoriens et les anthropologues s'attachent à penser que l'industrie lithique, donc celle qui utilise des outils en pierre, reste associée au genre humain.

Pourtant, dans les années 80, Christophe et Edwige Boesch, travaillant dans la forêt Taï en Côte d'Ivoire, mettent en évidence que les chimpanzés utilisent des pierres pour casser des noix. Ceci met bien en exergue le fait que, en fonction des définitions et des disciplines, un outil peut prendre différentes formes. Celle qu'on va utiliser ici est celle qui considère que : Un outil est un objet de l'environnement, détaché de son substrat ou bien attaché, mais manipulable, qui est utilisé pour modifier efficacement la forme, la position ou la condition d'un autre objet, d'un autre organisme ou de l'utilisateur lui-même. Il est porté et manipulé directement par l'utilisateur pendant ou avant son usage et est orienté avec un objectif précis qui est atteint correctement et efficacement grâce à cet outil.

Avec cette définition, on voit qu'il y a une diversité de contextes et d'espèces qui finalement font usage d'outils. Au cours des années de recherche qui vont suivre, on va pouvoir mettre en évidence que des outils sont utilisés par différentes espèces comme, par exemple, des loups, des mangoustes, des éléphants, donc des mammifères vertébrés, à la fois pour se procurer de la nourriture, mais aussi pour chasser, pour se battre, pour se protéger, avoir des activités de maintenance, donc se nettoyer par exemple, et dans le cadre d'interactions sociales. Mais ce qui est le plus étonnant probablement est que non seulement des vertébrés, à la fois dans les airs, sur terre et sous l'eau, comme par exemple des oiseaux, vont faire usage d'outils, mais également des invertébrés. Sous l'eau, on observe que les dauphins peuvent utiliser des éponges pour protéger leur rostre et se procurer de l'alimentation dans les fonds marins sans se blesser, mais également des poulpes qui vont utiliser des coques comme abris et se protéger de prédateurs, ce qui n'est évidemment pas la même chose que le bernardl'hermite qui, lui, va utiliser une coquille, mais l'utiliser de façon constante et dans ce cas-là, on n'a pas affaire à un outil.

Quant aux pierres qui font un peu l'objet des discussions au sein des préhistoriens, des anthropologues et des primatologues, elles sont utilisées dans différents contextes par les primates pour casser des noix, non seulement par les grands singes, mais aussi par les capucins, mais aussi pour la production d'éclats et ce sera aussi une découverte majeure dans les années 2016 qui montre que l'humain n'est pas le seul à produire des éclats et que ce comportement est bien partagé par des espèces animales. Certains comportements relatifs aux pierres restent tout à fait mystérieux, par exemple, celui dans lequel les macaques japonais entrechoquent, accumulent des pierres ou bien encore celui des chimpanzés qui utilisent et accumulent des pierres qu'ils vont lancer contre des troncs.

Donc on voit que la définition de l'outil est complexe et il semble que tous les outils ne se valent pas. Pour essayer d'établir une sorte de gradation dans ces outils, les chercheurs ont mis en évidence qu'il était parfois nécessaire que les utilisateurs comprennent leur tâche, mais aussi qu'il pouvait y avoir un répertoire plus ou moins large d'outils pour chaque espèce, avec une utilisation dans des contextes parfois différents et que la complexité ne se limitait pas uniquement à l'outil, mais également à sa fabrication et donc on pouvait avoir à la fois des proto-outils, mais aussi des associations d'outils et des métaoutils, avec utilisation d'un outil pour en fabriquer un autre par exemple.

Si on prend le cas des chimpanzés, des baguettes sont utilisées à la fois pour se procurer des insectes ou bien le produit de ces insectes, donc des termites, des fourmis ou bien le miel d'abeille, à la fois à partir de nids qui peuvent être extérieurs, mais aussi de nids qui peuvent être souterrains, comme c'est le cas pour les abeilles mélipones. Dans ce cas-là, les chimpanzés vont utiliser des baguettes fines pour sonder et explorer le tour de l'émergence de la galerie des abeilles, puisque le nid n'est pas construit à l'aplomb de cette ouverture, mais est excentré. Ces premiers outils vont servir à sonder, et un second outil va être utilisé pour creuser un tunnel et pouvoir accéder directement au miellat.

Sur ces vidéos, on voit un chimpanzé de Sebitoli en action et on comprend la difficulté, la complexité de la tâche qui est associée à la fabrication de l'outil. Il va d'abord détacher la branche de son substrat, l'utiliser sans vraiment l'effeuiller, puis l'effeuiller. Ensuite, faire usage de force pour perforer le sol et essayer d'atteindre le nid et sur la troisième vidéo, on se rend compte que le chimpanzé va devoir raccourcir son outil pour limiter la flexibilité et avoir plus de force afin d'arriver à son objectif, qui est celui d'atteindre le miellat.

Ces comportements, on le voit, sont complexes, mais ce qui a le plus marqué les dernières années de recherches autour de ces utilisations d'outils, est probablement l'article paru peu de temps avant 2000, en 1999, qui fait référence à des cultures dans le monde animal et tout particulièrement chez les chimpanzés. Cet article compile 151 ans d'observation, qui ont été accumulés sur 7 sites différents par 9 auteurs et met en évidence 65 comportements tout à fait particuliers, parmi lesquels 39 sont vraiment spécifiques et variants à certaines communautés.

En effet, pour qu'un comportement soit décrit comme étant culturel, il ne faut pas qu'il soit universel. Il faut qu'il soit présent et fréquent dans certains groupes sociaux, donc avec un certain taux d'observation, et il ne faut pas que leur absence soit expliquée par des conditions écologiques. De cette façon, on peut décrire pour chaque groupe social un répertoire d'activités qui sera différent du groupe social voisin, et donc pas seulement sur des distances géographiques très longues, mais même dans une même population.

Il ne faut donc pas que l'on puisse observer de déterminisme génétique, pas de déterminisme environnemental. Il faut observer des innovations, des transmissions entre les individus, soit par imitation, apprentissage ou facilitation sociale. Ces utilisations d'outils ou ces comportements doivent être standardisés et diffusés au sein du groupe social et entre les générations. Cette définition met en évidence qu'il peut cependant y avoir quelques exceptions. C'est le cas, par exemple, pour les chimpanzés dont la longueur de la baguette va être ajustée probablement à l'agressivité de la fourmi, lesquelles vont essayer de se mettre le plus loin possible de leur proie qui est agressive et qui va mordre, et donc adapter la longueur de la baguette à des conditions qui peuvent être environnementales malgré tout.

Une étude tout à fait passionnante a été publiée, mettant en évidence un site archéologique du cassage de noix chez les chimpanzés et montrant cette transmission au cours des générations, puisque les objets de pierre qui ont été récupérés possédaient à leur surface des grains d'amidon qui ne venaient pas de plantes utilisées par les humains. On est donc sûr que ce sont des outils de chimpanzés et que ce site de cassage de noix était présent depuis 4 300 ans, donc 200 générations de chimpanzés qui se sont succédé pour utiliser ces outils.

Une des remarques que font les préhistoriens et les anthropologues est que la principale différence, probablement, aujourd'hui qui subsiste entre les cultures humaines et les cultures animales est que la culture humaine est cumulative et donc petit à petit, les objets s'améliorent et évidemment évoluent. Certains primatologues ont mis en avant qu'on voyait aussi ce phénomène exister chez les chimpanzés, par exemple. Ainsi, la baguette peut être utilisée comme un outil pour collecter, tout simplement, mais elle peut aussi être déviée de sa tâche primaire et être utilisée comme pilon ou comme élargisseur et on voit donc des améliorations à partir d'un même substrat.

Il est important aussi de noter que ces comportements culturels ne s'observent pas uniquement dans un contexte alimentaire et donc de survie et donc d'augmenter les ressources que l'animal peut se procurer, elles existent aussi lors de comportements sociaux et, qui plus est, des comportements non matériels. On peut ainsi citer la poignée de main au- dessus de la tête de certains chimpanzés pour s'épouiller, ou encore la danse de la pluie ou les charges des cascades. Et puis, rapporter l'existence de dialectes, tout particulièrement chez les baleines à bosse, qui de plus évoluent au cours du temps et des migrations des animaux.

Au final, on se rend compte que si l'outil et les cultures étaient jusqu'à présent utilisés comme le propre de l'homme, c'est bien partagé avec les autres animaux, mais qu'il serait encore plus intéressant de pouvoir décrire un propre de chaque espèce pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Ces études mettent aussi en évidence un point crucial, à savoir que l'on ne peut compenser la perte d'une partie d'une espèce, d'un groupe social, par la préservation d'un autre groupe social. Si on garde ce processus de préservation, on va perdre la diversité culturelle et donc l'érosion de la diversité de la biodiversité sera associée à une érosion de la diversité culturelle du monde animal.

Contributeurs

BOEUF Gilles

Sorbonne Université

Dumez Richard

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Krief Sabrina

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Huchard Elise

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Saint-Jalme Michel

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Sueur Cédric

Université de Strasbourg (UNISTRA)

Lecointre Guillaume

professeur , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Brunois-Pasina Florence

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Roulot Justine

Ministère de la transition écologique

Tavernier-Dumax Nathalie

Université de Haute-Alsace (UHA)

Burgat Florence

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Lesur Joséphine

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Baratay Eric

Université Jean Moulin Lyon 3

Salines Georges

Dardenne Emilie

Université de Rennes 2

Béata Claude

Trinquier Jean

Ecole Normale Supérieure (ENS/PSL)

Césard Nicolas

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Dufour Valérie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Beauchaud Marilyn

Université jean Monnet Saint-Etienne

Delahaye Pauline

Société française de zoosémiotique

Meunier Joël

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Laffitte Béatrice

Boivin Xavier

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Grandgeorge Marine

Université de Rennes

Dugnoille Julien

Université d'Exeter

Moutou François

Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

Degueurce Christophe

EnvA - Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort

Espinosa Romain

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Laprade Marie-Laure

Éducation Éthique Animale