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Description

Les découvertes scientifiques de ces dernières décennies ont changé notre regard sur les autres animaux. Il en découle des questionnements sur nos relations avec eux, aujourd'hui et demain. Ce parcours vous apporte des repères pour vous permettre de vous situer sur ces questions de plus en plus discutées et débattues.

Mobilisant une grande diversité d'experts, issus d'horizons variés, il est organisé autour de trois axes :

  • Les animaux : approches des sciences biologiques, humaines et sociales
  • Des animaux et des humains : représentations d'hier et d'aujourd'hui
  • Vivre demain avec les animaux

Deux niveaux de difficulté sont proposés selon les contenus de ce parcours : le niveau "Débutant" s'adresse aux apprenants de niveau Bac à Bac+3 (Licence), tandis que le niveau "Approfondi" est plutôt destiné aux apprenants de niveau Master et +.

Objectifs d'apprentissage : 

- Savoir ce qu'est un animal.
- Situer l’humain par rapport aux autres animaux.
- Comprendre l'évolution de notre regard sur les autres animaux.
- Mieux appréhender la relation des humains aux autres animaux.
- Mieux comprendre ce dont les autres animaux sont capables : pensée, empathie, intelligence, communication,...
- Situer vos connaissances par rapport à un sujet de société complexe et controversé.
- Avoir un point de vue et des éléments de compréhension pour pouvoir mieux orienter vos réflexions et vos échanges.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
anthropologieéthologierelation homme-animalbien-être animal
  • Préserver la biodiversité demain
  • Biodiversité et santé, amies ou ennemies
  • S'inspirer du vivant
  • Introduction à l'éthique animale
  • Bien-être animal : les associations comme acteurs du changement politique
  • Quelle valeur donner aux animaux vivants ?
  • Intégrer l’animal et l’éthique animale à l’école
  • Nous et les autres animaux demain : approche philosophique
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Nathalie Tavernier, Maîtresse de conférences à l'Université de Haute-Alsace

Aujourd'hui, nous allons parler du trafic d'animaux et d'un moyen qui pourrait nous aider à contrer ce trafic, qui est de mieux estimer la valeur des animaux vivants. Je vais commencer avec quelques chiffres clés pour nous permettre de poser le problème.

Tout d'abord, le trafic d'animaux fait partie du crime environnemental. Le crime environnemental dans son ensemble est estimé générer entre 91 et 258 milliards de dollars par an, avec un taux de croissance entre 5 et 7 % par an, c'est-à-dire 2 à 3 fois le taux de croissance de l'économie mondiale. Ces chiffres font du crime environnemental le quatrième crime mondial derrière le trafic de drogue, le trafic de contrefaçon et le trafic humain. À l'intérieur du crime environnemental, le trafic d'animaux sauvages est estimé générer entre 7 et 23 milliards de dollars par an. Cela concerne tous les animaux, des insectes aux mammifères, des plus iconiques comme les éléphants et les rhinocéros, aux moins connus comme les pangolins et les insectes. Cela concerne aussi bien des espèces vivantes que mortes, ou encore des produits faits à partir d'animaux ou de plantes sauvages qui peuvent être ensuite utilisés dans la médecine traditionnelle.

Le deuxième chiffre concerne les pangolins. Le pangolin est un fourmilier localisé en Afrique et en Asie. C'est aujourd'hui le mammifère le plus braconné au monde : on estime qu'entre 500 000 et 2,7 millions de pangolins sont capturés chaque année. Depuis 2007, le braconnage des rhinocéros en Afrique du Sud a augmenté de 9 300 %, avec un record de 1 215 animaux tués en 2014. Enfin, sachez qu'il ne reste plus que 3 890 tigres vivants dans la nature dans le monde.

Quelles sont les conséquences de ce trafic mondial ?

Le risque d'extinction est la plus grande menace qui pèse sur les animaux à cause du braconnage, car celui-ci vient s'ajouter aux pressions déjà fortes qui existent sur leur habitat et aux risques associés au réchauffement climatique. Dans la dernière édition de l'Union internationale de conservation de la nature, nous apprenons que 40 % des amphibiens, environ 30 % des conifères, des coraux, des requins et des raies, 25 % des mammifères et 14 % des oiseaux sont aujourd'hui menacés d'extinction à l'échelle mondiale. Chaque année, ce sont plus de 26 000 espèces qui disparaissent, soit un taux d'extinction 100 fois supérieur à ce qui existait avant l'intervention des hommes. Le braconnage est également dangereux pour l'équilibre des écosystèmes. Par exemple, quand le loup gris d'Amérique du Nord était à la limite de l'extinction, la population d'élans dans le parc de Yellowstone a explosé. Sans prédateurs naturels, les élans ont failli conduire à la disparition du tremble, un arbre natif de la région. On voit bien ainsi qu'impacter un seul animal peut remettre en question l'équilibre de tout un écosystème.

Comment est-ce qu'on peut traduire ce problème environnemental en problème économique ?

La principale raison qui pousse les individus au braconnage, c'est que dans certaines régions du monde, cette activité est plus lucrative que toutes les autres activités que l'on pourrait pratiquer. Même si ce sont des marchés parallèles, des marchés noirs, des marchés existent pour les animaux ou pour les produits issus de ces animaux. Par exemple, un pangolin peut être vendu jusqu'à 1 000 euros pour un kilo d'écailles, ou 1 750 euros pour un animal. De la même façon, le tigre peut rapporter jusqu'à 5 000 dollars pour l'ensemble de ses pièces. Économiquement, ces chiffres correspondent à la valeur de ces animaux morts.

Face à cela, la valeur des animaux vivants dans la nature, elle, va rencontrer le même problème finalement que tous les actifs environnementaux, comme l'air pur ou la forêt amazonienne : c'est que ces animaux n'ont pas de prix. Or, on a trop souvent tendance à considérer que ce qui n'a pas de prix n'a pas de valeur. Et on ne protège pas ce qui n'a pas de valeur. Pourquoi pas ? Eh bien, tout simplement parce que protéger un animal ou une espèce, ça va générer des coûts. Le premier coût, c'est tout simplement le coût de la non-utilisation de ces espèces, ou des produits issus des animaux. Mais à cela, il faut ajouter également ce qu'on appelle des coûts de réglementation, c'est-à-dire des coûts de mise en œuvre d'une politique environnementale pour protéger les animaux, et également les coûts associés au contrôle de cette politique une fois qu'elle a été mise en place. Engager toutes ces dépenses pour quelque chose qu'on estime ne pas avoir de valeur autre que la valeur morale, c'est quelque chose qui peut être difficile à défendre, en particulier dans des pays où la pauvreté peut être très présente et où ça ne constitue pas une priorité.

L'économie de l'environnement est une discipline de l'économie qui a vocation à trouver des solutions pour pallier ce type de problèmes. Ici, la solution va consister à développer des méthodes d'évaluation pour mieux estimer la valeur des animaux vivants. Mais de quelle valeur est-ce qu'on parle exactement ?

En économie, nous ne pouvons estimer que la valeur que les choses apportent aux hommes. Donc ici, il va falloir estimer la valeur que les animaux vivants vont pouvoir apporter aux hommes.

Pour cela, on utilise une valeur spécifique qui s'appelle la valeur économique totale. Celle-ci englobe plus de choses que ce qu'on peut penser a priori et notamment plusieurs sortes de valeurs qu'on va distinguer en deux catégories principales. D'un côté, les valeurs d'usage, et de l'autre, les valeurs de non-usage. À l'intérieur des valeurs d'usage, la première d'entre elles est ce qu'on appelle la valeur d'usage direct. Celle-ci découle d'une utilisation consciente de la nature. Elle peut être soit extractive, c'est le cas du braconnage, c'est également le cas quand on va couper du bois dans une forêt. Mais elle peut également être non extractive, c'est le cas du tourisme qui consiste à aller voir les animaux vivants dans leur habitat naturel. La deuxième valeur est une valeur d'usage, cette fois indirecte. Celle-ci apparaît quand la nature permet de procurer des biens et services de meilleure qualité, qui seront ensuite utilisés par les hommes. Nous savons par exemple que les animaux vont améliorer la biodiversité en transportant des graines et qu'ils vont également améliorer la qualité des sols parce qu'ils vont venir les labourer sur leur passage. La troisième valeur est ce qu'on appelle une valeur d'option. En fait on va accorder de la valeur au fait de protéger une espèce, tout simplement parce que ça nous permet de garder la possibilité d'aller voir cette espèce dans son habitat naturel dans le futur.

On distingue ces valeurs d'usage de ce qu'on appelle des valeurs de non-usage. La première d'entre elles est la valeur de legs. On va souhaiter protéger les espèces animales pour faire en sorte que les générations futures puissent également en profiter. La deuxième est ce qu'on appelle une valeur d'existence. Celle-ci découle du fait que certaines personnes éprouvent de la satisfaction à savoir que les espèces sauvages existent et qu'elles ont la possibilité de vivre librement dans leur habitat naturel, même si elles n'ont pas du tout l'intention d'aller les voir. Elles accordent donc de la valeur à la simple existence de ces animaux.

L'économie de l'environnement a donc développé différentes méthodes d'évaluation permettant d'estimer ces différentes sortes de valeurs. Par exemple, un moyen couramment utilisé pour déterminer la valeur d'une espèce vivante va consister à estimer les bénéfices que cette espèce va pouvoir apporter aux hommes grâce au tourisme. On va ainsi pouvoir opposer une valeur d'usage non extractive à la valeur d'usage extractive qu'est le braconnage. Plusieurs études ont été menées dans ce sens et donnent des valeurs annuelles pour différentes espèces d'animaux qui vont de 3 300 dollars par an pour un requin vivant aux Maldives jusqu'à 250 000 dollars par an pour un requin vivant aux Caraïbes.

Alors évidemment, toutes les méthodes d'évaluation ont leurs limites, tous les chiffres peuvent être discutés. Néanmoins, nous pouvons utiliser ces chiffres au moins comme ordre de grandeur pour faire quelques comparaisons. Si on prend par exemple la valeur d'un éléphant vivant au Kenya qui est estimée à plus de 14 000 dollars par an et qu'on la compare à la valeur de l'ivoire à l'époque à laquelle l'étude a été menée, qui est estimée à seulement 1 000 dollars, on obtient bien une valeur pour l'éléphant vivant qui est nettement supérieure à celle de l'ivoire qu'on peut espérer récupérer. Et pourtant, il ne s'agit ici que d'une partie seulement de sa valeur économique totale, qu'on peut considérer comme étant sous-estimée.

La principale limite à ces solutions est qu'il s'agit ici principalement d'estimations et pas d'espèces sonnantes et trébuchantes, contrairement à ce qu'on obtient avec le braconnage. C'est pourquoi, selon moi, il est très important, quand on met en place une politique publique visant à protéger une espèce ou à protéger une zone naturelle, de faire en sorte d'impliquer les populations locales et surtout de faire en sorte qu'elles puissent en bénéficier directement. De cette façon, peut-être la population sera-t-elle incitée à protéger les animaux plutôt qu'à participer au braconnage.

Contributeurs

BOEUF Gilles

Sorbonne Université

Dumez Richard

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Krief Sabrina

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Huchard Elise

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Saint-Jalme Michel

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Sueur Cédric

Université de Strasbourg (UNISTRA)

Lecointre Guillaume

professeur , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Brunois-Pasina Florence

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Roulot Justine

Ministère de la transition écologique

Tavernier-Dumax Nathalie

Université de Haute-Alsace (UHA)

Burgat Florence

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Lesur Joséphine

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Baratay Eric

Université Jean Moulin Lyon 3

Salines Georges

Dardenne Emilie

Université de Rennes 2

Béata Claude

Trinquier Jean

Ecole Normale Supérieure (ENS/PSL)

Césard Nicolas

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Dufour Valérie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Beauchaud Marilyn

Université jean Monnet Saint-Etienne

Delahaye Pauline

Société française de zoosémiotique

Meunier Joël

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Laffitte Béatrice

Boivin Xavier

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Grandgeorge Marine

Université de Rennes

Dugnoille Julien

Université d'Exeter

Moutou François

Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

Degueurce Christophe

EnvA - Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort

Espinosa Romain

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Laprade Marie-Laure

Éducation Éthique Animale