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Description

Les découvertes scientifiques de ces dernières décennies ont changé notre regard sur les autres animaux. Il en découle des questionnements sur nos relations avec eux, aujourd'hui et demain. Ce parcours vous apporte des repères pour vous permettre de vous situer sur ces questions de plus en plus discutées et débattues.

Mobilisant une grande diversité d'experts, issus d'horizons variés, il est organisé autour de trois axes :

  • Les animaux : approches des sciences biologiques, humaines et sociales
  • Des animaux et des humains : représentations d'hier et d'aujourd'hui
  • Vivre demain avec les animaux

Deux niveaux de difficulté sont proposés selon les contenus de ce parcours : le niveau "Débutant" s'adresse aux apprenants de niveau Bac à Bac+3 (Licence), tandis que le niveau "Approfondi" est plutôt destiné aux apprenants de niveau Master et +.

Objectifs d'apprentissage : 

- Savoir ce qu'est un animal.
- Situer l’humain par rapport aux autres animaux.
- Comprendre l'évolution de notre regard sur les autres animaux.
- Mieux appréhender la relation des humains aux autres animaux.
- Mieux comprendre ce dont les autres animaux sont capables : pensée, empathie, intelligence, communication,...
- Situer vos connaissances par rapport à un sujet de société complexe et controversé.
- Avoir un point de vue et des éléments de compréhension pour pouvoir mieux orienter vos réflexions et vos échanges.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
anthropologieéthologierelation homme-animalbien-être animal
  • La domestication animale
  • Condition animale, sensibilité et humanité au XVIIIe siècle
  • L'attachement, un lien unique
  • Les "nuisibles" et les Hommes en ville
  • Les partenariats hommes-chiens
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Claude Béata, Vétérinaire

L'attachement, c'est un mot banal dont le sens est souvent dilué : on est attaché à sa voiture, un vêtement, un appartement. Mais si nous parlons de l'attachement au sens strict, biologique, défini par Bowlby. Dans ce cas-là, on dit que l'attachement est une fonction vitale qui permet au petit de survivre en maintenant la distance avec sa mère. Cette notion a été établie par l'observation des orphelinats par Spitz et suite aux expériences de Harlow. Aujourd'hui, nous connaissons beaucoup de choses de l'attachement, nous en connaissons ses processus, ses supports, une partie de sa génétique et son expression. Et ce qui est extraordinaire dans l'attachement, c'est qu’il peut sauter par-dessus la barrière des espèces.

On peut dire de l'attachement aussi qu'il va de l'universel à l'individuel, parce que c'est un processus fascinant. De très nombreuses espèces le partagent avec des mécanismes très proches. Il y a donc une universalité de ce processus. Et en même temps, c'est le mécanisme qui fait, soudainement dans la nature, apparaître l'individu comme une valeur. Pour au moins un autre individu — et dans la plupart des cas, c’est la mère, parfois c'est tout un groupe —, le petit a une valeur supérieure à la vie, par exemple, de la mère ou à la vie de plusieurs individus. Donc soudainement, dans le paysage naturel, l'individu prend une valeur tout à fait particulière. Cet individu devient le sujet de son existence, mais aussi le sujet des préoccupations d'un autre être. Et dans ces cas-là, la réussite de l'espèce passe par la réussite d'histoires individuelles. Et comme l'attachement est une histoire d'individus, il peut réunir des espèces différentes.

Par ailleurs, par nature, l'attachement est dissymétrique : il est vital pour le jeune, et pour lui, il est destiné à s'effacer. En revanche, il n'est pas vital pour la mère, mais pour elle, il pourrait durer beaucoup plus longtemps. Donc, on a vraiment cette relation dissymétrique qu'il faut garder en tête.

L'attachement est un processus, on l’a dit, assez universel chez beaucoup d'espèces. Et s'il existe de cette façon aussi importante, c'est qu'il a des fonctions. Il est classique de distinguer une fonction principale et des conséquences proximales et distales. Selon Bowlby, la fonction principale de l'attachement, c'est la protection contre les prédateurs. Et la deuxième fonction tout aussi importante, c'est la préparation à l'autonomie. Donc, des conséquences proximales, c'est tout ce qui assure la survie de l'individu : l'alimentation, l’homéothermie afin de pouvoir conserver sa température, l'imprégnation et donc la reconnaissance de l'espèce et notamment du futur partenaire sexuel. Et puis, la proximité permet aussi l'apprentissage par imitation, les apprentissages sociaux, les apprentissages complexes comme la chasse ou par exemple la pharmacognosie, c'est-à-dire, le fait de connaître les plantes qui peuvent aider à soigner un individu.

Et puis, il y a des conséquences distales, conséquences beaucoup plus éloignées : la paternité par exemple. C’est une des conséquences de l'attachement, les attachements interspécifiques, la solidarité, l'empathie qui permet de se mettre à la place de l'autre et qui est vraiment à la base de l'attachement maternel, mais aussi l'amitié, l'amour. Et comme un processus ne peut pas avoir que des conséquences positives, eh bien, on va voir aussi venant dans ce train de l'attachement, la perte, la jalousie et le deuil.

Les images de l'attachement sont extraordinaires et je crois qu'elles nous émeuvent toujours. Il existe dans de très nombreuses espèces, les images de maternité par exemple : elles sont touchantes, elles sont familières et elles montrent qu'il y a énormément de proximité entre les femelles de toutes les espèces quand elles s'occupent de leurs petits.

Et en même temps, il y a des différences vraiment marquées entre les espèces qu'on appelle nidicole, c'est-à-dire, qui ne quittent pas le nid, et celles qui n'ont pas de nid, qui doivent tout de suite suivre leur mère. Évidemment, une mère, une jument ou une vache, elle ne peut pas prendre son petit dans ses bras, et donc quand elle doit fuir devant un danger, il faut que ça soit le petit qui la suive, alors qu'une chienne, une guenon, etc., peut transporter son petit, ou une chatte peut transporter son petit et donc elle va pouvoir intervenir de façon beaucoup plus active et la mère va jouer un rôle plus marqué dans la protection encore du petit, dans la protection active.

Donc, ces images d'attachement peuvent aussi concerner des attachements interspécifiques entre deux espèces. Et au premier rang de cela, évidemment, on va voir l'attachement entre l'humain et le chien. Avec là carrément, une possibilité de double empreinte, c’est-à-dire que des chiens développés au contact d'humains peuvent avoir une imprégnation à leur propre espèce, mais aussi une imprégnation à l'espèce humaine et cela va se caractériser par le fait que par exemple, un chien mâle est capable de faire la cour à une femme humaine parce qu’il va la considérer comme étant quasiment de sa propre espèce, en tout cas, étant d’une espèce à laquelle il est imprégné.

Ces mécanismes de l'attachement sont complexes, mais pour le résumer, on peut dire que l'attachement, c'est ce qui fait le pont entre la peur et le plaisir. La peur, c'est l'émotion fondamentale de la vie, et l'attachement permet d'empêcher à certains moments, le fait que cette émotion de peur ne s'exprime de façon trop forte, parce que la mère ne doit pas avoir peur du petit et parce que le petit ne doit pas avoir peur de sa mère. Il y a donc des mécanismes qui bloquent cette peur primaire et qui permettent la rencontre. Et puis, on le dit, un pont entre la peur et le plaisir, et le plaisir, il est pour la mère, pour l'être d'attachement qui va avoir comme une récompense pour les soins prodigués, et évidemment, il y aura aussi beaucoup de plaisir pour le petit dont on s'occupe.

Les mécanismes sont connus et avec une grande universalité, au niveau hormonal par exemple, l'ocytocine et la prolactine interviennent dans toutes les espèces pour établir ces liens d'attachement. Au niveau des circuits neuronaux, on sait que les circuits de la récompense, circuits qui nous donnent cette sensation de plaisir, vont avoir des projections sur le circuit de la peur et vont les inhiber le temps de l'attachement. Et enfin, au niveau génétique et épigénétique, l'expression de certains gènes est conditionnée par le comportement de la mère. On voit, par exemple, des lignées entières qui sont peureuses, qui ont du mal à établir une relation sociale, parce que les mères ne lèchent pas assez leurs petits rats, puisque c'est chez le rat que ça se passe. Alors que quand les mères les lèchent assez, il va y avoir la production d'une protéine qui permet l'expression du gène et qui va permettre un attachement et une vie sociale de meilleure qualité.

Des preuves de cet attachement et même en interspécifique, la science aujourd'hui nous en apporte quasiment tous les jours. Récemment, Gregory Berns a fait des travaux en IRM fonctionnelle montrant qu'il y avait une activation du noyau caudé pour les chiens quand ils sentent l'odeur de leur être d'attachement, manifestation d'anticipation du plaisir. Et les travaux de Nagasawa ont montré l'augmentation du taux circulant d'ocytocine à la fois chez le maître et chez le chien qui se regardent, montrant que le lien d'attachement existe chez les deux.

Mais aucun mécanisme n'est totalement positif et n'a que des avantages. Il y a donc aussi des risques à l'attachement. S'attacher par exemple, c'est risquer d'être jaloux, ce que l'on voit dans certaines espèces, c'est ce qu'on voit même chez le chien avec des comportements qui sont régulièrement décrits par les propriétaires, quand le chien a la sensation que la relation privilégiée qu'il entretient avec un être d'attachement est en danger par la présence de quelqu'un d’autre. Et puis, le deuxième risque évidemment, c'est de souffrir de la perte de l'être d'attachement, et dans toutes nos espèces familières, le deuil existe et peut conduire à des états, par exemple, dépressifs. Enfin, un autre risque consiste à ce que le détachement ne se produise pas. Et l'absence de ce processus de détachement conduit à des hyperattachements avec des états anxieux. Chez le chien, cela donne ce que l'on appelle une autonomopathie, c'est-à-dire un animal qui souffre d'une absence d'autonomie. On appelait ça avant des anxiétés de séparation, avec toujours le même triptyque de symptômes : des vocalises, des destructions et éventuellement de la malpropreté. Cela pourrait paraître banal ou peu important. Il faut savoir que c'est encore, aujourd'hui, la première cause d'abandon ou d’euthanasie des animaux de moins de deux ans.

L'attachement est réellement un mécanisme fascinant qui unit tous les individus des espèces qui partagent ce processus, et qui parfois, on le disait, permet de sauter la barrière des espèces. Ce mécanisme rend simplement la vie plus jolie et plus riche.

Contributeurs

BOEUF Gilles

Sorbonne Université

Dumez Richard

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Krief Sabrina

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Huchard Elise

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Saint-Jalme Michel

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Sueur Cédric

Université de Strasbourg (UNISTRA)

Lecointre Guillaume

professeur , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Brunois-Pasina Florence

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Roulot Justine

Ministère de la transition écologique

Tavernier-Dumax Nathalie

Université de Haute-Alsace (UHA)

Burgat Florence

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Lesur Joséphine

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Baratay Eric

Université Jean Moulin Lyon 3

Salines Georges

Dardenne Emilie

Université de Rennes 2

Béata Claude

Trinquier Jean

Ecole Normale Supérieure (ENS/PSL)

Césard Nicolas

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Dufour Valérie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Beauchaud Marilyn

Université jean Monnet Saint-Etienne

Delahaye Pauline

Société française de zoosémiotique

Meunier Joël

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Laffitte Béatrice

Boivin Xavier

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Grandgeorge Marine

Université de Rennes

Dugnoille Julien

Université d'Exeter

Moutou François

Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

Degueurce Christophe

EnvA - Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort

Espinosa Romain

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Laprade Marie-Laure

Éducation Éthique Animale