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Description

Catherine Massonnet, chargée de recherche à l'INRAE, discute dans cette vidéo (11’03) des effets du changement climatique sur les arbres. Elle examine à la fois l'impact de l'évolution tendancielle du climat et celui des évènements extrêmes. Puis elle met en évidence quelques pistes pour une gestion adaptative des forêts.

Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre l'impact du changement climatique sur les arbres
- Identifier les facteurs de risque et de vulnérabilité pour un peuplement d'arbres
- Appréhender les solutions pour une gestion adaptative de la forêt

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 13. Lutte contre le changement climatique
  • 15. Vie terrestre
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
arbreschangement climatiqueclimatforêtmanagement des forêtsadaptationniche écologiquepréservation des espaces naturelscatastrophes naturelles
L'arbre et la santé humaine
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L'arbre, fournisseur de bois
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L'arbre, un allié des cultures dans la transition écologique
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De l'arbre fruitier au verger nourricier
De l'arbre fruitier au verger nourricier
Le rôle des arbres face aux pollutions
Le rôle des arbres face aux pollutions
L'arbre et le droit en France
L'arbre et le droit en France
Contributeurs

Massonnet Catherine

Chargée de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

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Vulnérabilité et adaptation des arbres au changement climatique
Catherine MASSONNET, Chargée de recherche à l'INRAE

Dans le changement climatique, il y a deux composantes importantes à considérer pour son impact sur les arbres. Il y a, d'une part, l'évolution tendancielle du climat, principalement le réchauffement des températures et l'augmentation de la concentration en CO₂, et d’autre part la récurrence et l'intensité des événements extrêmes.

1. La notion de niche écologique
Il faut savoir que chaque espèce vit dans des zones géographiques de températures et de précipitations qui correspondent bien à sa survie. On parle de niche écologique. Sur ce graphique, vous voyez qu'à chaque combinaison de températures et de précipitations correspond un climat, et à chaque climat un type de végétation. Cela définit la présence des espèces et l'aire de répartition des espèces.

Ici, sur la carte, vous avez l'aire de répartition du hêtre en Europe. Au-delà d'une certaine latitude, on ne retrouve plus de hêtres, et en-deçà d'une certaine latitude au sud, on ne retrouve également pas de hêtres dû à une limitation des températures et des précipitations pour la survie du hêtre.

2. La migration des espèces
Avec l'évolution tendancielle du climat, on va avoir un changement des conditions de vie potentielles pour les espèces, ce qui va les amener à évoluer, à migrer plus au nord en latitude et plus en altitude. Dans une étude récente de Lenoir, en 2008, des chercheurs ont mesuré l'évolution des températures entre deux périodes dans les montagnes françaises, entre la période de 1986-2005 et la période de 1905-1985. Ils ont constaté une augmentation de 165 mètres des isothermes en altitude, en montagne. Et cette augmentation en altitude s'est accompagnée également d'une migration des espèces de 66 mètres pour les plantes mesurées. Et ils se sont aperçus que les plantes herbacées avaient une capacité de migration plus importante que les plantes pérennes, notamment les arbres. 

Ils ne produisent des graines qu'à partir d'une certaine maturité, à partir de plusieurs décennies. Donc il va falloir attendre que ces arbres puissent produire des graines pour se disperser et pour migrer. Les espèces sont donc capables de se déplacer vers le nord et vers l'altitude plus haute pour s'adapter à ce réchauffement climatique. Mais il va falloir aussi qu'elles s'adaptent aux conditions plus sèches et plus chaudes, à la marge sud ou en basse altitude. Sinon, il y a un risque de mortalité ou d'extinction de ces espèces dans ces zones. 

3. La mortalité des arbres
Qu'en est-il de la mortalité des arbres dans nos forêts tempérées ? Depuis une trentaine d'années, en Europe, on observe une augmentation du pourcentage de mortalité dans nos forêts tempérées. 
 
Maintenant, on peut se demander quelle part de cette augmentation de la mortalité peut être attribuée au changement climatique. C'est une récente étude de Taccoen, en 2022, qui s'est intéressée à cette question. Ils ont comparé le taux de mortalité, en France, dans les réseaux de surveillance de la santé des forêts de l'Inventaire forestier national, entre deux périodes : la période de 1988-2015, par rapport à une période de référence de 1961 à 1987, pour différentes espèces de la forêt française. Sur ces cartes, le vert représente une baisse de la mortalité en réponse au changement climatique, alors que les couleurs jaunes à violettes représentent une augmentation de la mortalité en réponse au changement climatique. On voit des situations contrastées suivant les espèces.

Par exemple, pour Betula pendula, on voit que la carte est verte, ce qui signifie que le changement climatique a eu pour effet de réduire la mortalité pour cette espèce. Alors que par exemple, au contraire, pour Robinia pseudoacacia, qui est le robinier, ces effets du changement climatique ont été négatifs, avec une augmentation accrue de la mortalité. Et le changement climatique a pu jouer un rôle jusqu'à 5 % d'augmentation de la mortalité. Pour Fagus sylvatica et Pinus sylvestris, par exemple, on s'aperçoit que c'est dans la marge sud de présence des espèces que le changement climatique a eu le plus fort effet, à savoir une surmortalité, ce qui correspond bien aux marges sud de présence des espèces.

4. Impacts des évènements climatiques extrêmes
En termes d'impact des événements climatiques extrêmes, par exemple les événements de canicule et de sécheresse, quels sont ces impacts sur les arbres ? Ces aléas climatiques directs vont perturber le fonctionnement physiologique des arbres, provoquant soit directement la mortalité des arbres, si ces aléas atteignent un certain seuil physiologique de survie de l'arbre, ou vont provoquer progressivement une perte de santé de l'arbre, avec observation de pertes foliaires, de mortalité de branches, ou de dépérissement et d'affaiblissement de ces arbres, et de perte de capacités de défense de ces arbres. On parle alors d'augmentation de la vulnérabilité des arbres face à d'autres aléas qui peuvent être également climatiques, si on a la récurrence d'événements extrêmes, ou d'autres aléas indirects qui peuvent être biotiques, ou des incendies. Par exemple, des insectes ravageurs peuvent profiter de la faiblesse des arbres pour les attaquer. Par exemple, les scolytes ont récemment attaqué des épicéas et ont provoqué de grandes mortalités dans le nord-est de la France. Il faut savoir que le réchauffement climatique favorise en plus la présence de ces ravageurs secondaires qui attaquent les arbres. 

À chaque aléa, tout n'est pas perdu pour l'arbre. Les arbres ont aussi la capacité de récupérer un fonctionnement optimal après un certain nombre d'années, qui peut être variable suivant les espèces. Cette capacité de retour à un état initial avant l'aléa s'appelle la trajectoire de résilience et la capacité de résilience. S’il n'y a pas enchaînement d'aléas, si on laisse à l'arbre suffisamment de temps pour récupérer, il retrouve un fonctionnement optimal qui lui permet de résister à nouveau aux aléas futurs. Par contre, si le temps de récupération n'est pas permis, s'il y a récurrence des événements climatiques extrêmes ou interaction entre différents aléas, on va avoir de plus en plus augmentation de la vulnérabilité de ces arbres, ce qui va amener ces arbres vers une trajectoire de mortalité.
 
5. Comprendre le risque de mortalité
Pour comprendre les risques de mortalité liés au changement climatique et aux événements climatiques extrêmes, il faut s'intéresser à trois composantes. On a vu les aléas directs climatiques, ou indirects biotiques ou incendies. Il faut s'intéresser aussi à l'exposition à ces aléas, puisque les changements climatiques vont de plus en plus exposer les arbres à ces aléas, avec la récurrence d'événements climatiques extrêmes, par exemple. Il faut s'intéresser également à des facteurs de vulnérabilité, puisque les arbres ont des facteurs qui les prédisposent ou pas à subir plus ou moins fortement ces aléas. 

Par exemple, vous avez l'âge, qui est un facteur de vulnérabilité connu chez les arbres. Plus les arbres vieillissent, plus ils vont avoir tendance à être fortement impactés par les aléas climatiques. On a également des facteurs génétiques. Certaines provenances vont être mieux adaptées à résister aux sécheresses, par exemple, que d'autres. On a également des facteurs écologiques. Les arbres qui poussent, par exemple, sur des sols profonds, avec de grandes réserves en eau, vont être moins fortement impactés en cas de sécheresse que les arbres qui poussent sur des sols plus épais, avec de faibles réserves en eau. 
 
Avec ces changements climatiques, on va avoir à la fois aggravation des aléas, aggravation de l'exposition à ces aléas, augmentation des facteurs de vulnérabilité, mais également réduction de cette capacité de résilience, ce qui augmente le risque de mortalité pour les arbres. Nous avons un exemple récent de mortalité dans le nord-est de la France, suite aux aléas climatiques de 2015, 2018, 2019 et 2020. Il y a eu de la mortalité de sapins, d'épicéas. On a aussi observé le dépérissement du hêtre dans le nord-est de la France, suite aux aléas de sécheresse.

6. L’adaptation au changement climatique 
Maintenant, voyons quels sont les leviers pour aider l'adaptation des arbres et des forêts au changement climatique. Des stratégies d'adaptation assistée sont développées pour essayer d'accompagner les arbres en place, pour aider les populations à supporter ces conditions climatiques plus sèches et plus chaudes et pour favoriser la résilience et baisser la vulnérabilité des écosystèmes. Des adaptations sylvicoles sont mises en place, avec des stratégies de nouvelle gestion. 

Par exemple, on peut favoriser la présence de plusieurs espèces avec différentes classes d'âge en futaie irrégulière. Pour favoriser l'adaptation des forêts au changement climatique, une autre stratégie est de réduire la densité d'arbres, ce qui permet de réduire la compétition entre les arbres pour la ressource en eau, par exemple, en cas de sécheresse, ce qui permet de favoriser la résilience des arbres à cet épisode de sécheresse. On peut également réduire l'âge de récolte des arbres, ce qui permet de réduire à la fois la vulnérabilité liée à l'âge, mais également l'exposition aux aléas. Enfin, des stratégies de migration assistée sont en cours d'évaluation. Cela concerne certaines provenances du sud, que l'on plante plus au nord pour favoriser le brassage génétique et l'enrichissement génétique de provenances plus adaptées au climat futur. Cela concerne également des migrations assistées d'espèces françaises, ou européennes ou exotiques, que l'on plante également dans des zones plus humides pour favoriser le développement des forêts et l'adaptation des forêts au changement climatique futur. Par contre, il existe encore des difficultés et des incertitudes face à ces nouvelles essences, notamment liées au climat. Il faut qu'elles soient adaptées à la fois au climat d'aujourd'hui, à savoir un climat dans lequel il y a encore parfois des hivers rigoureux, mais également au climat futur, plus chaud et plus sec. 

On voit qu'il y a tout un panel de solutions à disposition. Il n'y a pas une solution ou une espèce miracle, mais il faut miser sur tout un éventail de solutions pour favoriser l'adaptation des forêts au changement climatique.