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Description

Meriem Fournier, présidente du centre INRAE Grand-Est-Nancy, discute dans cette vidéo (9'16) du service de fourniture de bois par les arbres. Après un aperçu des différents usages du bois par les sociétés, elle explique ce pourquoi il constitue un matériau de grand intérêt, et met en lumière plusieurs problématiques actuelles.

Objectifs d'apprentissage :
- Connaître les principaux usages du bois par les sociétés humaines
- Comprendre ce qui fait l’intérêt du matériau « bois »
- Appréhender les problématiques actuelles liées à la fourniture de bois par les forêts

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Economie
  • Génie civil
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 12. Consommation et production responsables
  • 15. Vie terrestre
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
forêtsarbresboismatériauxéconomieconsommationécosystèmes forestiers
L'arbre et la santé humaine
L'arbre et la santé humaine
L'arbre, un allié des cultures dans la transition écologique
L'arbre, un allié des cultures dans la transition écologique
De l'arbre fruitier au verger nourricier
De l'arbre fruitier au verger nourricier
Le rôle des arbres face aux pollutions
Le rôle des arbres face aux pollutions
Vulnérabilité et adaptation des arbres au changement climatique
Vulnérabilité et adaptation des arbres au changement climatique
L'arbre et le droit en France
L'arbre et le droit en France
Contributeurs

Fournier Meriem

présidente du centre INRAE Grand-Est-Nancy

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L'arbre, fournisseur de bois
par Meriem Fournier, présidente du centre INRAE Grand-Est-Nancy

Dans cette vidéo, nous allons aborder comment, entre autres services, l'arbre nous fournit du bois, support matériel de nos sociétés. 

1. Le bois, présent dans toutes les activités humaines
Comme l'illustre cette photo, qui reconstitue l'intérieur d'une habitation gauloise, le bois est depuis toujours un matériau d'habitat, pour la construction ou pour le mobilier.
 
C’est également un matériau pour fabriquer des outils : du simple bâton qui aide à marcher, à fouir ou à frapper, jusqu'à des choses bien plus sophistiquées, faites avec du bois durci au feu ou du bois naturellement très dur de certaines espèces qu'on appelle bois de fer dans les langues locales. Une autre activité humaine que le bois a développée est la guerre, illustrée par ces machines de siège.
 
Le bois a surtout été une ressource stratégique pour la marine de guerre, car les bateaux ont d'abord été en bois. Vous voyez, sur ces illustrations, le savoir-faire des forestiers d'antan pour trouver les pièces courbes qui étaient recherchées par les charpentiers de marine. Les arbres de haute futaie sont connus pour donner des longs fûts bien droits, appréciés de la construction habituelle. Là, au contraire, on valorise des arbres plus tordus, des arbres de lisière, des arbres isolés, des arbres de pleine lumière ou battus par les vents.
 
En résumé, le bois est un matériau essentiel, notamment pour la construction, mais aussi pour d'autres usages auxquels on pense peut-être moins. C'est par exemple le matériau des premiers avions, et le bois est toujours présent et inégalé dans les petits avions d'aujourd'hui. Le bois est aussi présent dans notre développement spirituel et culturel. Il permet de construire des temples, des églises, il permet de fabriquer des instruments de musique, et surtout, il est la matière première du papier, qui a permis l'imprimerie et la diffusion de masse des écrits. Enfin, le bois est à l'origine de toute la chimie moderne. La chimie du bois a inspiré la chimie du pétrole. Elle a, par exemple, permis de créer des textiles artificiels pour remplacer la soie naturelle, des tissus qu'on a appelés viscose. Les textiles à base de bois se développent aujourd'hui largement, sous divers procédés, appelés Lyocell ou Tencel.

2. Consommation de bois dans le monde
Cette carte récapitule les quantités de bois consommées dans le monde. La taille des camemberts donne la quantité de bois consommée dans chaque pays. Les proportions séparent bois matériau, en marron, et bois énergie, en jaune. Il saute aux yeux que la planète est coupée en deux. Les pays développés sont de forts consommateurs de bois matériau. À l'opposé, d'autres pays utilisent surtout du bois énergie, là où le bois reste la seule source d'énergie mobilisable. Le développement s'accompagne donc d'un usage accru du bois. 

3. Intérêts du bois
Pourquoi est-ce que l'engouement pour le matériau bois ne faiblit pas ? On ne dit jamais assez que le bois résume, à différentes échelles, les caractéristiques des matériaux les plus high-tech. D'abord, c'est un matériau cellulaire, que les spécialistes des matériaux cherchent à produire. Le bois, comme tous les tissus vivants, fabrique naturellement des cellules. C'est aussi un matériau stratifié, fait de plusieurs couches, comme les matériaux composites sandwiches qui constituent les ailes d'avions et d'autres objets de haute technologie. C'est aussi un matériau fait de polymères, comme les plastiques. Enfin, c'est un mélange de polymères structurés qui apparente le bois aux composites les plus modernes : composites renforcés par des fibres de carbone ou de kevlar. À ce propos, la production industrielle d'instruments de musique, qui sont des objets mécaniquement très performants, très précis, passe facilement du bois à des composites artificiels. Force est de constater que le bois n'est pas si facilement substituable. Pour revenir à notre propos, on peut dire que toute la conception moderne des matériaux ne fait qu'imiter le bois.

4. Le bois, un matériau 5 en 1
Pourquoi autant de performances et d'atouts du bois ? Ces atouts viennent de l'amélioration continue du bois par les arbres. Dans l'arbre, le bois est en effet un tissu cinq en un, c'est-à-dire qu'il remplit de nombreuses fonctions. Par analogie avec la biologie humaine, le même bois est à la fois le matériau du squelette, qui donne sa rigidité et sa résistance mécanique à l'organisme, mais c'est aussi mécaniquement le muscle associé à ce squelette, qui permet des mouvements des tiges d'arbres : des mouvements lents, pour nous, animaux rapides, mais des mouvements néanmoins indispensables pour la vie des arbres. Hydrauliquement, le bois est le système vasculaire qui permet à la sève de monter du sol aux feuilles. Le bois prend aussi sa part dans le système immunitaire de l'arbre, en sachant par exemple synthétiser des substances toxiques pour les animaux xylophages. Enfin, c'est aussi un garde-manger qui stocke, dans ses cellules vivantes, des réserves qui vont permettre à un arbre de pousser même quand il n'a pas de feuilles, et donc quand il n'a pas mis en route sa machinerie photosynthétique. 
 
5. Un matériau hétérogène
Par contre, pour nous, qui sommes des consommateurs exigeants, un gros inconvénient du bois, c'est que ce cinq-en-un dans l'arbre, très adapté à la vie de l'arbre, conduit à une matière première complexe, hétérogène, variable. Un même arbre produit toujours du bois de qualité hétérogène. 
Supposons qu'on veuille alimenter une filière charpente. Une fois l'arbre coupé, seulement 30 à 60 % du volume récolté pourra se transformer en billes de bois capables de fournir la qualité souhaitable, parce que le reste sera trop gros, trop petit, pas assez droit ou pas de la bonne qualité, simplement. Ensuite, seulement entre 15 et 30 % du volume de ces billes va donner des pièces réellement utilisables en charpente, parce que la transformation va générer de la sciure et d'autres qualités de bois impropres à cet usage-là en particulier. Au final, seulement entre 4 et 20 % du bois récolté va pouvoir alimenter une même filière. Mais les 80 à 96 % qu'il reste, on ne va pas les jeter. 
Donc tout l'enjeu et le savoir-faire de la valorisation du bois est d'organiser ces flux de matière entre toutes les chaînes de transformation, depuis la forêt jusqu'à tous les usages finaux. 
 
6. L’hétérogénéité : un atout ou une faiblesse ?
Dans une organisation artisanale primitive, la même communauté villageoise va faire en même temps la récolte, la transformation, et va l'utiliser pour ses propres usages. Dans ce cas, on s'accommode très facilement d'une matière première hétérogène. Au contraire, avoir à sa disposition une grande diversité de propriétés du bois, depuis des bois très légers, comme le peuplier, jusqu'au bois de fer, avoir des fûts tantôt droits, tantôt courbes, c'est un atout, face à la diversité des usages, plutôt qu'un problème. 

Avec l'industrialisation et le besoin de beaucoup de matière homogène pour des chaînes de production standardisées, ça devient un problème. Surtout qu'homogénéiser la forêt ne permet pas complètement d'homogénéiser les arbres. Penser l'usage du bois, c'est d'abord se préoccuper d'organiser des chaînes de valeur imbriquées, sans se limiter à un seul usage et un seul marché, même s'il est très demandeur, comme l'énergie, la construction, ou très rémunérateur pour le forestier, comme la fabrication de tonneaux ou de violons.

7. Conclusion
Le bois nous est indispensable. Il est produit naturellement par les arbres. Néanmoins, l'usage du bois nécessite la récolte des arbres. Cette récolte, qu'on appelle par des mots horribles, "abattage des arbres", "exploitation des forêts",  est souvent perçue comme une menace. On peut voir ça autrement. 
Le professeur Julius Natterer, récemment décédé, disait au contraire que seule l'utilisation accrue du bois dans les constructions permettrait de sauver les forêts dans le monde. Ce monsieur ne disait pas cela par provocation ou corporatisme, il portait une réelle vision des relations entre développement, architecture et nature. Comment tirer parti durablement de ce service de production de bois que nous procurent, depuis toujours, les arbres ? Il ne faut pas bloquer sur le fait que récolter un arbre, c'est le tuer. Rappelez-vous que tout être vivant finit par mourir, et il faut renouveler les arbres et les forêts lorsqu'on profite de leur bois. Attention, ça ne règle pas tout, et il faut donc se poser de nombreuses questions. 

Première question : pour lutter contre le réchauffement climatique, est-ce qu'il vaut mieux arrêter d'utiliser le bois et stocker du carbone en forêt ? Ou au contraire, est-ce qu'il faut augmenter la récolte de bois pour substituer le bois à des matières plus nocives pour le climat et l'environnement, ce qu'on appelle la bioéconomie ? 

Quelles forêts et quels arbres doit-on mettre en place pour répondre durablement à une demande de bois en masse pour la construction, l'énergie ? Comment améliorer le recyclage pour utiliser mieux les arbres récoltés ? Est-ce qu'il faut faire des forêts simplifiées, dédiées à la production et même à certains usages particuliers ? Ou au contraire, faut-il partir du principe que la récolte de bois se fera sur les mêmes espaces que les forêts dédiées à d'autres services ? 

À toutes ces questions, il y a toujours une solution simple, caricaturale et fausse. De mon point de vue de chercheur, pour répondre, il faut d'abord comprendre : comprendre les écosystèmes forestiers, comment ils donnent le bois, mais aussi les socio et techno-systèmes qui transforment et qui utilisent le bois, comprendre qui influence, qui décide, qui finance et qui profite du service. Tout ça dans un contexte mouvant de changement climatique et de crise de la biodiversité, vertigineux mais indispensable.