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Description

Pascale Guillermin, maître de conférences à l'Institut Agro Rennes-Angers, parle dans cette vidéo (9'01) de l'évolution, au cours du temps, du regard et des techniques liés aux arbres fruitiers. Elle présente notamment les leviers pour la mise en place de vergers agroécologiques.

Objectifs d'apprentissage :
- Appréhender l'évolution, au cours du temps, des regards et des techniques en lien avec les arbres fruitiers
- Comprendre les fondements d'une approche agroécologique appliquée aux vergers

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 15. Vie terrestre
  • 2. Faim "Zéro"
Thèmes
  • Alimentation
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
arbres fruitiersarbresagroécologieagronomievergersalimentationhistoireservices écosystémiques
L'arbre et la santé humaine
L'arbre et la santé humaine
L'arbre, fournisseur de bois
L'arbre, fournisseur de bois
L'arbre, un allié des cultures dans la transition écologique
L'arbre, un allié des cultures dans la transition écologique
Le rôle des arbres face aux pollutions
Le rôle des arbres face aux pollutions
Vulnérabilité et adaptation des arbres au changement climatique
Vulnérabilité et adaptation des arbres au changement climatique
L'arbre et le droit en France
L'arbre et le droit en France
Contributeurs

Guillermin Pascale

maître de conférences , Institut agro Rennes Angers

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De l'arbre fruitier au verger nourricier
Pascale GUILLERMIN, Maître de conférences à l'Institut Agro Rennes-Angers

1. Ancienneté de la fonction nourricière de l’arbre
La fonction nourricière de l'arbre est une fonction très ancienne, comme l'attestent certaines gravures rupestres ou des traces de domestication d'espèces fruitières retrouvées depuis plus de 6 000 ans.

En Europe, le développement de cette fonction nourricière s'inscrit dans le cadre de l'horticulture, cette branche particulière de l'agriculture qui regroupe les productions végétales cultivées dans l'hortus des Romains ou le jardin du Moyen Âge.

Cette proximité entre l'arbre fruitier et l'habitation est probablement à l'origine d'une double passion, du jardinier ou de l'agronome, autour de ce végétal horticole à la fois pérenne et de grande taille, que l'on va pouvoir observer et manipuler sur du temps long.

2. Sélection et manipulations
Cette passion concerne d'une part les fruits et leur diversité d'usages et de saveurs. Elle a conduit à un long travail d'observation et de sélection entamé dès le XVIIe siècle. Ses variétés, plusieurs centaines par espèce, constituent un patrimoine génétique précieux pour les générations futures. 
Cette passion porte également sur l'arbre lui-même, sa plasticité et sa capacité à réagir ou s'adapter à diverses techniques, très sophistiquées parfois, qui vont conduire à parler d'"art", comme l’art du greffage ou l'art de la taille. Ainsi, dès l'Antiquité, les humains ont compris tous les avantages du greffage, qui permet de multiplier à l'identique les individus les plus remarquables et de stabiliser ainsi les variétés, mais aussi d'obtenir une entrée en production plus rapide. Aujourd'hui encore, les arbres fruitiers sont en majorité greffés. On plante non pas un arbre mais un scion greffé, c'est-à-dire une association porte-greffe / variété. 
 
L'art de la taille occupe également de très nombreux ouvrages anciens d'arboriculture.
Par contre, la conception de la taille, illustrée ici par cette diversité de structures rigides, n'est plus d'actualité dans le verger moderne, car trop coûteux en main-d'œuvre et aussi trop centré sur le maintien d'une forme au détriment parfois de l'intérêt porté aux structures réellement productives représentées par ces petits coursons. Ainsi, le dogme de la taille rigoureuse a évolué vers la notion de conduite de l'arbre où il s'agit d'accompagner sa croissance "naturelle" et le développement de son potentiel de production, en couplant les tailles avec d'autres interventions, type l'arcure.
 
Bien avant cette évolution sur la taille, à partir du XIXe siècle, l'extension des villes et le développement des transports ont conduit à une délocalisation des vergers loin des habitations et à l'émergence d'une production fruitière de masse et de rente plus que d'agrément et de proximité. En s'éloignant de l'emprise patrimoniale, l'art de la taille et du greffage va alors se raisonner en termes d'heures de travail, et donc de coûts de production. L'arbre fruitier va également perdre les avantages naturellement conférés par la fertilité des sols et la biodiversité du jardin. Comme pour beaucoup de productions agricoles à partir des années 1950, le recours aux engrais minéraux et aux produits phytopharmaceutiques va devenir la norme, et parfois, au détriment de la qualité, à coup sûr, au détriment de l'environnement.
     
3. L’agroécologie
Pour sortir de cette spirale négative, un tournant important s'opère depuis une quinzaine d'années. C’est celui de l'agroécologie, portée par l'évidence que face aux diverses agressions biotiques et abiotiques, il faut raisonner prioritairement en visant à améliorer les capacités de défense propres de l'arbre, et à lui trouver des alliés et des ressources dans son environnement naturel. 

3.1. Le levier génétique
Sur le premier point, améliorer les capacités de défense, le levier génétique fournit une première réponse avec la sélection, par hybridation naturelle, de variétés résistantes ou moins sensibles à certains ravageurs ou maladies. L'utilisation de telles variétés dans des vergers monovariétaux a déjà permis de diminuer le nombre de traitements.

Une autre voie prometteuse est le mélange de variétés plus ou moins résistantes au sein même d'une parcelle, en vue de ralentir la propagation de la maladie ou du ravageur. Certaines pratiques récentes visent également à renforcer les défenses immunitaires naturelles des arbres face aux bioagresseurs. Grâce à la pulvérisation de molécules spécifiques appelées "éliciteurs" au sein de stratégies dites de "biocontrôle". Elles impliquent de bien connaître à la fois les stades de développement et l'état physiologique de l'arbre, ainsi que les cycles et le comportement des bioagresseurs visés. 

3.2. Le levier écosystémique
Par ailleurs, le changement d'échelle et le passage à un raisonnement systémique global intégrant toutes les composantes du verger est au cœur des démarches agroécologiques. En s'appuyant au maximum sur toutes les régulations naturelles au niveau de la canopée et du sol, l'objectif est d'installer un équilibre fonctionnel du verger favorisant les méthodes de lutte biologique, grâce à la présence d'auxiliaires de culture, et assurant une certaine résilience des arbres face au stress abiotiques. À titre d'exemple, une bonne gestion de la couverture végétale des sols des vergers peut venir renforcer les interactions existantes entre auxiliaires, ravageurs et arbres. En fonction des essences choisies, elles auront en effet une plus ou moins grande capacité, d'un côté, à garder les auxiliaires dans la parcelle, tout au long de l'année, en leur assurant "gîte et couvert", c'est-à-dire des refuges pour s'abriter et de la nourriture, même quand leurs proies principales ne sont pas ou plus présentes au verger, mais aussi une plus ou moins grande capacité pour interagir avec certains ravageurs en émettant, par exemple, des composés volatiles répulsifs capables de les éloigner. Par contre, ces plantes ne doivent pas entrer en compétition nutritionnelle avec l'arbre. Il est souhaité, au contraire, qu'elles participent à la fertilité du verger en fixant l'azote atmosphérique de l'air, comme les Fabaceae, par exemple, ou en fournissant une forte biomasse qui viendra enrichir le sol en matière organique lors des tontes.
 
3.3. Levier technologique
Des alternatives plus technologiques peuvent venir compléter ces stratégies agroécologiques. Nous pouvons citer parmi beaucoup d'autres les systèmes de protection par filets, quasi incontournables dans les zones très infectées par des tordeuses comme les carpocapses, les pratiques de confusion sexuelle à base d'hormones perturbant l'accouplement de certains ravageurs et la ponte des œufs, ou des méthodes d'évaluation de l'état hydrique de l'arbre par des mesures de microvariations de diamètre des troncs permettant de piloter l'irrigation au plus juste.

4. Conclusion
Il faut d'abord réaffirmer qu'une production fruitière suffisante et de qualité, au plus près des lieux de consommation, est indispensable au regard de la nécessaire transition des régimes alimentaires vers plus de produits végétaux, dont les fruits. Mais la vision renouvelée du verger, telle que présentée, ouvre d'autres perspectives. Ainsi, le verger maraîcher, un système agroforestier particulier combinant production fruitière et légumière, semble très bien adapté pour des exploitations en zones périurbaines souhaitant proposer une offre diversifiée en fruits et légumes de proximité. L'introduction d'animaux d'élevage au sein de vergers peut également répondre à de nouveaux enjeux conjoints, entre producteurs et éleveurs.
 
Sur un autre registre, le verger bien conduit peut apporter divers autres services écosystémiques, dont un service de régulation du climat, à travers le stockage de carbone dans la biomasse ligneuse et dans le sol enherbé. Divers travaux sont en cours pour quantifier avec précision l'importance de ce service. À l'échelle des territoires, la présence des vergers structure le paysage et participe à l'identité culturelle et économique de certaines régions ou terroirs. 

Ainsi, riche de toutes les connaissances empiriques accumulées par les jardiniers passionnés et des apports scientifiques permettant de mieux comprendre le fonctionnement de l'arbre dans son environnement, le verger est donc un espace productif aux multiples ressources, dont certaines encore à développer, et un terrain de recherche pluridisciplinaire passionnant pour les équipe