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Description

Jacques Tassin, chercheur au CIRAD, discute dans cette vidéo (11'35) de la relation entre les arbres et notre santé physique, mentale et sociale. Il met en lumière les différents processus d'activation et d'apaisement induits par les arbres ainsi que leur place dans notre histoire et notre culture.

Objectifs d'apprentissage :
- Identifier les bénéfices et les risques des arbres pour notre santé
- Appréhender la place des arbres dans notre histoire et notre culture

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Psychologie
  • Sciences sanitaires et sociales
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Objectifs de Développement Durable
  • 15. Vie terrestre
  • 3. Bonne santé et bien-être
Thèmes
  • Environnement - Santé
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
arbresforêtsSanté humaineculturesrésilience
L'arbre, fournisseur de bois
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L'arbre, un allié des cultures dans la transition écologique
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De l'arbre fruitier au verger nourricier
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Le rôle des arbres face aux pollutions
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Vulnérabilité et adaptation des arbres au changement climatique
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L'arbre et le droit en France
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Contributeurs

Tassin Jacques

chercheur , CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

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L'arbre et la santé humaine
Jacques TASSIN, Chercheur au CIRAD

Comment aborder cette question des relations entre notre santé et la présence des arbres ? On peut vite tomber dans des excès, voire des formes de charlatanisme, mais on peut aussi se rappeler qu'il y a quelque chose de fondé là-dedans. Ne serait-ce qu'en se souvenant des vieilles images d'hôpitaux, en regardant des cartes postales, par exemple, hôpitaux qui étaient largement plantés d'arbres.
 
1. Activation de notre résilience
Ce que l'on sait, de manière empirique ou de manière avérée, c'est-à-dire scientifiquement démontré, c'est que les arbres activent notre résilience. On le sait dans la mesure où, quand on n'est pas bien, quand on n'est pas en très bonne santé, l'air de la campagne et l'air de la forêt nous font du bien. Mais on peut aller quand même beaucoup plus loin que ça. Des scientifiques se sont penchés sur la question. Le premier a été un Américain, Roger Ulrich, qui était un architecte qui s'est intéressé à des dossiers qu'il a retrouvés dans un hôpital de Pennsylvanie. Il a regardé comment avaient séjourné des patients qui avaient subi la même opération, une ablation de la vésicule biliaire. Il a surtout regardé, parmi ces patients, lesquels avaient la chance, depuis leur chambre, de voir des arbres, et lesquels avaient la moindre chance de voir des murs de briques. Il a observé que ceux qui avaient cette chance d'avoir des arbres en face d'eux sortaient plus vite de l'hôpital, c'est-à-dire un jour à un jour et demi plus tôt, et prenaient moins d'antalgiques, c'est-à-dire moins d'antidouleurs. Ça a été publié en 1984, dans une revue prestigieuse, "Science". Ça a été un déclenchement.
 
D'autres scientifiques ont commencé à s'y intéresser de manière de plus en plus approfondie. Les avancées les plus récentes sont représentées par des équipes asiatiques, chinoises et japonaises, menées principalement par le Dr Qing Li qui a beaucoup parlé du Shinrin Yoku, le fameux bain de forêt qui est pratiqué les Japonais. Ses équipes ont travaillé vraiment jusqu'au niveau cellulaire et ont montré que l'inhalation de substances volatiles produites par les arbres, telles que des terpènes, notamment des limonènes, avaient le pouvoir d'activer notre immunité, et donc notre immunité cellulaire, jusqu'à même permettre de produire davantage de cellules anticancéreuses.
 
2. Apaisement
On sait aussi, ce sont plutôt les psychologues voire les géographes qui ont travaillé sur la question, que les arbres apaisent notre mental. Par exemple, dans les villes, lorsque l'on roule en voiture sur une route bordée d'arbres, on a tendance à lever le pied de l'accélérateur. On est plus paisible, on prend son temps. On prend davantage son temps que s'il n'y avait pas d'arbres le long de cette même route. Évidemment, tout cela étant comparé avec un même niveau de limitation de vitesse.
 
Ce qui est encore plus intéressant, c'est que des géographes associés à des psychologues américains, ont travaillé sur les taux de criminalité qu'on peut observer en Amérique du Nord. Ils ont montré de manière tout à fait fiable que les villes les mieux arborées correspondent à celles où on a le taux de criminalité le plus bas, tout cela en tenant compte d'autres effets possibles puisque les villes plus arborées sont plutôt plus riches, donc mieux dotées en systèmes de surveillance, etc. Les arbres réduisent notre criminalité. On sait d'ailleurs que dans un immeuble qui est bordé d'arbres, les étages inférieurs connaissent un taux de violence domestique plus bas que les étages supérieurs qui, eux, ne voient plus les arbres. 
 
On sait aussi que lorsqu'on se promène en forêt en groupe, non seulement de manière individuelle, notre confiance en nous est augmentée, notre estime de soi, mais aussi notre estime des autres. Les personnes qui mènent des groupes en forêt observent cela, à savoir moins d'agressivité au sein des groupes.
 
3. Spiritualité
Les relations entre les arbres et notre santé touchent aussi à des dimensions spirituelles, donc profondément culturelles. Saint-Exupéry disait : "L'arbre est le chemin de l'échange entre les étoiles et nous." Il y a vraiment cette idée de faire le lien. Les Grecs, eux, parlaient plutôt de lien entre l'Ouranos, le ciel, et le Chthonos, l'obscurité de la Terre. On retrouve toujours cette notion de bipôle. Aussi, dans tous les grands récits d'apparition de l'homme, dans les grandes traditions spirituelles, il y a quasiment toujours un arbre. C'est l'arbre de vie dans la Bible, le Banian, Ficus Religiosa, dans les traditions bouddhistes, le grand frêne Yggdrasil dans les traditions scandinaves, etc. Même dans d'autres traditions davantage locales ou païennes, il y a encore des arbres.
 
Aujourd'hui, ils sont encore autour de nous, sous forme d'arbres remarquables. Souvent, ces arbres remarquables sont là, ils ont survécu aux dommages possibles des activités humaines, parce que les personnes sur place savaient qu'il y avait quand même quelque chose à préserver et à maintenir dans ces arbres. On peut aussi penser à tous ces proverbes, ces adages, qui vantent notre intervention en faveur des arbres. On peut penser au merveilleux livre de Jean Giono "L'Homme qui plantait des arbres", où on est invité à planter des arbres. 

Cela nous interpelle aussi sur nos origines, puisqu'on peut justement se souvenir que nous sommes des primates, et des primates frugivores qui consommaient, qui continuons à consommer des fruits, et qui donc sommes voués à disperser dans l'espace ces fruits que nous consommons dans les arbres. Nous sommes nous-mêmes le fruit d'une longue évolution dans le compagnonnage des arbres. Cela remonte à plus de 60 millions d'années. Notre corps et notre physiologie résultent de ce long compagnonnage. Notre visage, notre système digestif, la forme de nos mains, de nos articulations, sont liés au fait que nous sommes fondamentalement arboricoles, même si maintenant on a un peu plus de mal à grimper aux arbres. On peut se souvenir que Lucy, elle-même est morte après être tombée d'un arbre.
 
Enfin, on peut aussi se plonger dans la lecture du merveilleux livre de David Abram, qui est un écologue philosophe américain, qui s'appelle : "Comment la terre s'est tue" et qui nous rappelle aussi tout cela. Il nous rappelle combien nous ne pouvons être pleinement nous-mêmes qu'en convivialité avec l'ensemble de ces êtres vivants qui, encore une fois, nous ont façonnés, à force que nous les touchions, à force qu'eux-mêmes nous touchent, etc. Ça vaut pour l'ensemble des sens.

4. Risques
Il ne faut pas non plus être excessif. Comme le dit le vieil adage : "In medio stat virtus", c'est-à-dire que la vertu se trouve toujours dans le milieu. C'est le discours de la sagesse. N'oublions pas, quand même, que dans les villes, en tout cas dans les villes polluées, les arbres produisent du pollen, qui peut nous être néfaste, surtout lorsque nos voies respiratoires ont été sensibilisées par des polluants d'origine humaine. Ça vaut pour le bouleau, pour les cyprès, pour les saules, les peupliers, les charmes, les frênes, etc. Ces quelques arbres peuvent donc nous poser quelques problèmes, encore une fois lorsque nous sommes en situation exposée aux polluants. 
 
On retrouve quelque chose de similaire en période de canicule puisqu'à ce moment-là, les composés organiques volatiles produits par les arbres peuvent se recombiner avec des oxydes d'azote qui sont produits par l'activité industrielle en milieu urbain, y compris par le fonctionnement des véhicules. Tout cela entraîne des réactions chimiques dont résulte la production de particules fines, voire d'ozone qui, comme on sait, nous sont particulièrement néfastes.

Enfin on peut parler des fameux câlins, qui sont parfois recommandés lorsque l'on est au contact des arbres. N'en abusons pas. Un câlin de temps en temps, pourquoi pas, mais trop de câlins nuit à la santé. Parce que, tout simplement, sur l'écorce des arbres il peut y avoir des chenilles urticantes, des acariens, des mousses, des lichens, qui peuvent être agressifs à l'égard de notre peau. Surtout lorsqu'il s'agit de pins. 

5. Conclusion
Les arbres ont le pouvoir merveilleux de réguler le monde, aussi bien les composantes non-vivantes, abiotiques, telles que le climat, le sol, les eaux, etc., que les composantes vivantes. L'arbre est un grand facilitateur et nous avons tout à en tirer profit. L'arbre nous régule, nous apaise, et il fait du bien à notre santé. Alors, au bout du compte pourquoi s'en priver ?