En ligne depuis le 28/02/2025
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Description
Brigitte Musch, coordinatrice nationale des ressources génétiques forestières à l'ONF, discute dans cette vidéo de l'adaptation des forêts au changement climatique. Elle met en évidence les différentes stratégies, du statut quo à l'introduction d'espèces exotiques, en passant par la migration assistée, qui peuvent être mobilisées.
Objectifs d'apprentissage :
- Définir la mesure dans laquelle la forêt française est vulnérable au changement climatique
- Définir la notion de migration assistée et la distinguer de concepts apparentés
- Expliquer les différentes stratégies devant être combinées pour aider la forêt à s’adapter au climat futur
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Sciences de la vie
Nature pédagogique
- Cours
Objectifs de Développement Durable
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 15. Vie terrestre
Thèmes
- Atténuation, Adaptation & Résilience
- Ecosystèmes et biodiversité
- Enjeux Climat/Biodiversité
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Musch Brigitte
coordinatrice nationale des ressources génétiques forestières à l'ONF
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée d’une vidéo du MOOC UVED « Arbres ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Comment adapter la forêt face au changement climatique ?
Brigitte Musch, ONF
Lorsque le dimanche, on se promène en forêt, ou lorsqu'on lit les médias, on est alerté par les dépérissements de la forêt, et les forestiers se doivent d'adapter la forêt face au changement climatique pour qu'elle continue à donner les services écosystémiques. La forêt française est en difficulté.
- Eléments de contexte
Qu'est-ce que c'est qu'une forêt qui est en difficulté ? C'est une forêt qui n'arrive plus à se renouveler naturellement, qui n'a plus ses moteurs d'évolution, qui n'a plus de dynamique. Et au niveau de la forêt publique, qui représente 25 % de la surface forestière française, on considère que 300 000 hectares de la forêt sont dépérissants, dont 50 000 qu'il va falloir complètement renouveler. C'est aussi un puits de carbone qui est divisé par deux en dix ans. C'est une croissance qui réduit de 10 %, alors qu'on a un taux de CO₂ qui augmente dans l'atmosphère et une mortalité décennale qui augmente très vite sous l'effet combiné à la fois du changement climatique et du commerce international, qui apporte des ravageurs, comme la chalarose du frêne ou encore la pyrale du buis.
Face à ces constats, il est nécessaire de mettre en place des suivis sur le long terme et des outils pour pouvoir se projeter. C'est ce qui est fait à travers le réseau RENECOFOR, qui comporte 102 parcelles forestières qui sont suivies sur le long terme en termes de croissance, donc on mesure les arbres, en termes de retombées atmosphériques, de litières...
Et toutes ces données sont complétées par d'autres observations par le réseau de santé des forêts ou des sites ateliers. Toutes ces données sont ensuite analysées de manière statistique par l'IGN et mises à notre disposition. Ces suivis doivent être complétés par des outils qui nous permettent de nous projeter dans le futur, comme les cartes de compatibilité climatiques. Ici, le chêne sessile à l'horizon 2070, où l'on voit, en vert, la surface disponible compatible climatiquement pour le chêne sessile qui se réduit.
Ou encore l'utilisation du LiDAR haute définition, qui nous permet d'avoir une croissance des arbres régulière dans le temps sans intervenir en forêt.
2. Stratégies
Mais quelle stratégie pour adapter les forêts ? Il y a différentes options qui s'offrent à nous.
La première, c'est le statu quo, c'est continuer à faire ce que l'on a toujours fait, et 50 % des forêts vont continuer à être renouvelées naturellement. Elles ne sont pas atteintes par les problèmes climatiques, et on va continuer à faire exactement ce que l'on faisait jusqu'à présent. La pratique actuelle, avec reconduction des peuplements en place, est poursuivie.
- Le statut quo
Mais on peut avoir des dépérissements qui s'installent, et dans ce cas-là, on peut essayer de trouver des solutions locales. Ça va être de changer un petit peu la composition en termes d'espèces. Et lorsque l'on a une forêt qui est relativement diversifiée, on a des espèces qui vont mourir, mais localement, d'autres vont pouvoir prendre la place, et on va avoir un panel d'espèces qui va être un petit peu différent, un mélange et des proportions différentes.
- Trouver des solutions localement
Une autre possibilité va être de trouver des solutions en Europe. En Europe, il y a énormément d'espèces présentes sur le territoire, plus de 136, et donc, on va pouvoir, s'il y a des dépérissements au sein de nos forêts, faire de la migration. "Migration", c'est quoi ? Comparons la migration naturelle des forêts, que l'on connaît bien, d'après les travaux qui ont été faits après les dernières recolonisations postglaciaires, et que l'on compare à la vitesse d'évolution du climat. En bas, vous avez les différents scénarios climatiques et en haut, la vitesse que peuvent parcourir les différentes espèces tous les dix ans, en kilomètres.
On se rend compte très rapidement que les arbres, ce sont vraiment les espèces qui migrent le moins vite. Ce sont des espèces très longévives. Les seuls qui tiennent la vitesse par rapport au climat, ce sont les insectes. Si les espèces ne peuvent pas migrer naturellement aussi vite que le climat, on va leur donner un petit coup de pouce et on va faire de la migration assistée. Quand on parle de migration assistée, c'est quoi ?
La migration assistée
Il y a deux catégories. La première catégorie, c'est : on va choisir des individus, des peuplements qui se trouvent en limite de l'aire de répartition d'une espèce, comme ici, sur le chêne sessile, on va choisir des peuplements plus secs, plus chauds, et on va introduire ces graines, ces plans, dans la zone naturelle du chêne sessile. Et puis, une autre stratégie en migration assistée, ça va être d'introduire, à la limite de l'aire de répartition actuelle de l'espèce, cette espèce. Par exemple, dans le chêne pubescent, on va choisir des provenances, des peuplements qui se situent dans le Sud-Ouest et les introduire dans l'Oise. Donc on va avoir des solutions présentes en Europe et plus de 130 espèces présentes dans notre flore, et l'intérêt, c'est que ces espèces ont coévolué au moment des dernières glaciations, dans les refuges espagnols, italiens et des Balkans, et qu'elles ont partagé les mêmes micro-organismes, la même fonge, et c'est les mêmes types d'écosystèmes.
On peut aussi chercher à trouver des solutions dans le monde, et dans ce cas-là, on va parler d'introduction d'espèces. On a de forts dépérissements. Localement, on n'a pas de solutions. Les climats que vont subir ces forêts-là, il n'y a pas d'équivalent, actuellement, en Europe, et donc on va chercher au-delà. Et dans ce cas-là, on va parler d'introduction, comme par exemple le cas du cèdre de l'Atlas, de l'autre côté de la Méditerranée, et on va introduire ces espèces en France, dans des conditions qui vont leur être favorables. Et dans ce cas-là, on va avoir une forêt qui sera plus diversifiée, mais avec des espèces qui ne sont pas présentes actuellement, ni en France ni sur le continent européen. On va introduire ces espèces dans des dispositifs expérimentaux pour suivre leur évolution avec l'écosystème qui les entoure, pour éviter tout souci, ensuite, d'invasion biologique, par exemple.
- Migration assistée et introduction
3. Conclusion
Face à ces différentes solutions, on peut imaginer des dégradations, mais c'est sur tout le territoire sur lequel on va mettre en place ces solutions, et au sein d'un même territoire, on peut avoir des zones plus ou moins humides, des zones plus ou moins sèches, où cela va être plutôt le statu quo, donc on va renouveler nos peuplements à l'identique, ou on va faire appel à un panel d'espèces un petit peu différent qui est juste dans la même parcelle, de la migration assistée ou de l'introduction, tout en maintenant des milieux ouverts et humides ou des trames de vieux bois pour que l'écosystème continue à rendre tous ses services.
La forêt française est touchée par des dépérissements dus au changement climatique, il n'y a aucun doute là-dessus. La vitesse de ce changement est supérieure à ce que les espèces forestières ont déjà pu expérimenter. Et pour cela, les forestiers ne misent pas sur une solution mais des solutions, qui vont être mises en œuvre au sein de forêts mosaïques pour les rendre plus résilientes. Mais les forestiers ne vont pas pouvoir, seuls, lutter contre les effets néfastes du changement climatique sur les forêts, et il faut que l'on travaille ensemble à des solutions.