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Description

Dans un contexte d'érosion de la biodiversité, Gilles Boeuf pose un certain nombre d'arguments en faveur du maintien de cette biodiversité : santé humaine, innovation technologique, bio-inspiration ou encore économie.

Objectif d'apprentissage :
- Appréhender les arguments en faveur du maintien de la biodiversité dans un contexte d'érosion de la biodiversité

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 4. Education de qualité
Thèmes
  • Les enjeux environnementaux
Types
  • Grain audiovisuel
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Etat actuel de la planète et de la biodiversité
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Biodiversité : perception et usages
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Le progrès
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Contributeurs

BOEUF Gilles

Sorbonne Université

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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

État actuel : pourquoi faut-il se préoccuper de la biodiversité ?

Gilles Boeuf
Professeur, Université Paris Sorbonne

La Terre bouge en permanence et l'humain crée des conditions de changement incroyables. C’est pour cela qu’il faut se préoccuper de la biodiversité.

1. Exemples

Vous avez quelque part dans une vallée perdue de l'Himalaya la réponse à un problème de virus par exemple. En 2007, en Inde, un virus rend le riz tout petit. Il faudra tester 6400 variétés de riz pour qu'on puisse répondre à l'agression du nanisme du riz. Cette variété couvre 100 000 kilomètres carrés de cultures riz en Asie aujourd'hui.

On va chercher dans la diversité biologique en mer 25 000 molécules : anticancéreux, antiviraux, immunostimulants, d'animaux apparemment ou de plantes sans intérêt. Les éponges marines représentent 30 % de ces molécules.

Des prix Nobel de médecine ont été acquis à partir de modèles apparemment insignifiants. « On ne sauve que ce qui sert à quelque chose » : on est incapables aujourd'hui de dire ce qui va servir à quelque chose. Regardez Metchnikoff avec l'étoile de mer : il découvre la phagocytose ; Charles Richet : le venin de méduse ; Andrew Huxley, un des plus beaux prix Nobel de médecine en 63 grâce à un cadeau de la biodiversité et ne me demandez pas pourquoi : le nerf de calamar est 1000 fois plus grand en section qu'un nerf humain ; Alois Alzheimer, prix Nobel en 2000, qui découvre les bases moléculaires de la mémoire, sur une limace de mer ; Timothy Hunt, qui découvre la molécule clef du cancer, le couple cycline-kinase, grâce à un oursin ; Shimomura, les protéines fluorescentes vertes de méduse ; et le prix Nobel 2009 de Carol Greider, Elizabeth Blackburn et Jack Szostak, ce sont les mécanismes fondamentaux du vieillissement, y compris chez l'humain grâce à un truc qui vit dans les flaques d'eau avec des poils, qu'on aurait jeté et écrasé d'un coup de talon auparavant.

2. Conférences

On fait des conférences pour sauver cette diversité biologique, à Rio, à Johannesbourg, à Paris... On constate en 2010 qu'on a raté l'enjeu de 2002 qui avait dit : on s'engage pour 2010 à arrêter l'érosion de la biodiversité. Ce n'est pas grave, on remet l'échéance à 2020. Mais comment on va réussir entre 2010 et 2020 ce qu'on a complètement raté entre 2002 et 2010 ? Nous sommes en 2014 et c'est bien pire qu'en 2010. Conférence de Rio 2012 : on a oublié l'océan et on a oublié la biodiversité. En France, on fait des conférences environnementales, comme celle de Chantal Jouanno à Chamonix en mai 2010. On lance un cri : « quelle gouvernance pour réussir ensemble ? »

3. Gouvernance

Il faut réconcilier économie et écologie si chères à Robert Barbault et à Jacques Weber. Le drame de la biodiversité est qu'elle n'a aucune valeur pour l'humain aujourd'hui en dehors du travail que l'humain fait dessus. Ça ne peut pas rester comme ça. Le monde politique, élu sur une petite surface pour quelque temps, ne prend pas la réalité en fait de ces questions particulières. Comme le disait Groucho Marx : « pourquoi j'irais me préoccuper de mes descendants, ils n'ont jamais rien fait pour moi ? » Bonne question. Et le droit n'est pas du tout préparé à répondre à ces questions de nos enfants ou petits-enfants.

Enfin, les pays du Sud ont aussi besoin de se développer dans un système où si on gère les biens communs de façon privée, on détruit ce bien commun. Ca veut donc dire qu'il faut absolument se remettre sur des schémas écologiques avec des approches économiques. Il faut simplement très sérieusement ré-encadrer ces lois du marché qui sont fondamentales. On ne peut pas laisser un système totalement ouvert, ce n'est pas possible. Les lois du marché, en économie, doivent être ré-encadrées par des vraies réalités écologiques. Dahle, le patron d'Esso Norvège disait : « le socialisme ou le communisme s'est effondré parce qu'il ne tenait pas compte des réalités du marché ». Le capitalisme libéral non encadré ouvert à l'infini s'écroulera si l'on ne tient pas compte des réalités écologiques.

4. Biomimétisme

Parmi les possibilités de choix, d'intérêt et d'espoir, il y a la bio inspiration et le bio mimétisme. Barbault et Weber disaient : « la vie, quelle entreprise ! Une entreprise qui a presque 4 milliards d'années. ». S'inspirer des formes, des mécanismes, des relations durables établies, est très important. Dans la nature il n'y a pas de déchets, tout est recyclé avec une seule énergie, le soleil. C'est la seule qu'utilise effectivement le vivant. Un arbre sait très bien durant la journée faire de la photosynthèse et stocker son énergie pendant la nuit : voilà un fabuleux lieu d'inspiration. Pour ça, il faut développer beaucoup moins d'arrogance, et beaucoup plus d'humanité, d'humilité. Il faut partager et beaucoup mieux respecter.

Cette bio inspiration intéresse beaucoup d'ailleurs les produits des cosmétiques. On me dit : « ma cible, c'est la peau de la femme de 50 ans ». Alors regardons comment cette peau de la femme de 50 ans peut trouver des moyens extrêmement intéressants de régénération grâce à l'étude de la survie des océans il y a 450 millions d'années. Un train japonais, qui va très vite, a un nez extraordinaire, inspiré de la tête du martin-pêcheur. Et pour ne pas faire de bruit on l'a recouvert de particules qui imitent les ailes du hibou. Le hibou, s'il fait du bruit, il ne mange pas, sa proie est partie, Là vous avez également un train espagnol inspiré de la tête des rapaces.

On peut s'inspirer de l'océan ou des continents. Regardez le premier avion de Clément Ader : ce sont les chauves-souris ; le premier modèle de Vinci, la patte du gecko ; la bardane qui nous permet de faire le scratch aujourd'hui grâce à une plante apparemment banale ; la puissance et la force de la toile d'araignée, sa résistance ; ou ici ces combinaisons de plongée inspirées de derme de requin qui non seulement permettent d'aller beaucoup plus vite pour pénétrer l'eau mais en plus ne laissent aucune bactérie s'installer sur ces revêtements particuliers ; les couleurs des charançons ; les ailes d'avions relevées qui sont inspirées effectivement de ces oiseaux qui remontent le bout des ailes pour aller très vite.

5. Conclusion

Cette biodiversité est une vraie priorité scientifique. Il faut absolument qu'on travaille dessus, de plus en plus, pour comprendre sa genèse et enrayer son érosion. C’est un enjeu économique évidemment et de partage, pour aller chercher des ressources pour l'ensemble de l'humanité. C’est un enjeu éthique : on a aucune raison d'accepter en deux siècles de faire disparaître la moitié des espèces vivantes. C’est enfin un enjeu social. Chaque fois qu'on touche à l'environnement et à la biodiversité, on a un impact social.

C'est un ensemble extrêmement intime de sciences fondamentales et de sciences humaines et sociales. Il nous faut avec les mathématiciens, les physiciens, les chimistes, les biologistes et les écologues, des sociologues, des anthropologues, des économistes et même des philosophes.

Une image est celle d’un colloque qu'on avait développé au Muséum il y a quelques années, et qu'on a repris au Collège de France. C'est la vraie question : l'humain est-il capable de s'adapter à ces comportements de cupidité et d'arrogance, en particulier pour revenir à des modes de pensée différents, un grandissement intérieur, plus de spiritualité ?