En ligne depuis le 17/11/2015
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Description
Bruno David revient sur les grandes crises d'extinction de la biodiversité. Il se focalise sur deux aspects : d'une part l'enregistrement de ces crises en montrant que contrairement à ce que l'on peut imaginer, il y a peu de fossiles en période de crises, et d'autre part la sortie de crise, en montrant que la cicatrisation est d'une durée variable, sans que l'on sache précisément quels en sont les mécanismes.
Objectif d'apprentissage :
- Appréhender les crises anciennes de la biodiversité, leurs modes d'expression et leur enregistrement dans le registre fossile.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Mentions Licence
- Sciences de la Terre
- Sciences de la vie
- Sciences de la vie et de la Terre
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
David Bruno
ancien Président , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Enregistrement des crises de la biodiversité
Bruno DAVID
Directeur de recherche - CNRS
Les crises ne sont pas des hécatombes, avec des mortalités en masse. Une crise est une diminution du succès reproducteur d'un certain nombre d'espèces qui finissent par doucement disparaître par absence d'individus. La crise est un banc fossile sans fossile.
1. L’exemple des ammonites
Une fois que la crise est passée, comment est-ce que les groupes en sortent ? Comment est-ce que tout ceci s'enregistre ? Un exemple nous est donné par les ammonites de la limite Permien-Trias, c'est-à-dire la limite paléozoïque-mésozoïque (ou primaire-secondaire). Seules deux ou trois espèces survivent après cette crise ; et une seule espèce donne la radiation subséquente. La cicatrisation est très lente : elle dure 10 millions d'années. Du moins c'est ce qu'on pensait jusqu'à présent. Mais il y a eu une étude extrêmement poussée qui a été faite avec 77 régions échantillonnées, pas mal d'intervalles de temps, et plus de 10 000 spécimens qui ont été recueillis. On a vu que la vie rebondissait beaucoup plus vite qu'on ne le pensait quand la crise était passée. En fait, la vie rebondit un million d'années après la crise. On observe par exemple des bancs de fossiles avec 30 genres différents ce qui montre que la cicatrisation est complètement faite, et que la crise est vraiment derrière. Un million d'années, c'est beaucoup plus court que ce qu'on pensait mais néanmoins, c'est très long... Si on regarde ce qui se passe dans la crise actuelle qui est potentiellement également très importante, nos sociétés n'auront peut-être pas la patience d'attendre un million d'années après la crise pour voir une biosphère refleurir.
2. L’exemple des oursins
L’exemple des oursins lors de la même crise du Permo-Trias montre que l'adaptation est quelque chose de difficile. Au Permien, beaucoup d'oursins existent. Puis l’éradication est presque totale au moment de la crise. Il subsiste, en gros, un seul genre et deux à trois espèces. La radiation post-crise est très lente : 6 millions d'années après, il y a trois espèces ; 23 millions d'années après, une dizaine d'espèces ; 50 millions d'années après 80 espèces seulement. La survie de cet oursin qui a survécu a-t-elle été fortuite ou pas ? Les oursins du primaire ont beaucoup de colonnes de plaques. Les oursins qui survivent sont des oursins à deux colonnes de plaques seulement, à deux colonnes interambulacraires, alors que les autres en ont beaucoup plus. Mais pourquoi ces oursins à deux colonnes interambulacraires ont-ils dominé et ont-ils survécu ? Que seraient devenues les faunes modernes sans la crise Permo-Trias ? Est-ce qu'on aurait eu des oursins avec beaucoup de plaques ou pas beaucoup de plaques ? La réponse on ne la connaît pas.
3. Conclusion
La moralité de tout ça c'est que 1) les crises frappent très fort, 2) que leur intensité dépend de la manière dont elles affectent les morphologies, 3) que la cicatrisation peut être rapide mais qu'un million d'années c'est quand même très long, 4) que le rebond post-crise pourrait être d'autant plus intense que la crise a été forte et 5) que par moment, on ne sait pas et on ne comprend pas pourquoi certaines espèces ont survécu alors que d'autres se sont éteintes.