En ligne depuis le 26/11/2015
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Description
Dans cette vidéo, Jean-François Guégan s'intéresse aux conséquences du changement climatique sur le risque infectieux pour les populations humaines. Il montre bien que les oscillations de température et de pluviométrie sont liées à l'activité de certains pathogènes mais appelle pour les projections à une prise en compte de tous les paramètres, notamment dans le cadre des maladies vectorielles comme le paludisme.
Objectifs d’apprentissage :
- Appréhender les conséquences du changement climatique sur le risque infectieux pour les populations humaines
- Comprendre que les oscillations de température et de pluviométrie sont liées à l'activité de certains pathogènes.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Sciences sanitaires et sociales
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Objectifs de Développement Durable
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 3. Bonne santé et bien-être
Thèmes
- Environnement - Santé
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
Guegan Jean-François
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Changement climatique et maladies infectieuses
Jean-François GUEGAN
Directeur de recherche – IRD
Parmi les conséquences des changements climatiques attendues ou prévisibles, il en est une qui concerne les effets sanitaires. Les effets sanitaires peuvent être vrais pour les populations de plantes, pour les populations animales mais aussi pour les populations humaines. Cette présentation porte sur les populations humaines. On peut se poser la question, avec la modification du climat notamment ici dans la région parisienne, si les populations humaines dans la région parisienne souffriront beaucoup plus de pathologies tropicales et en particulier du paludisme, de la dengue.
1. Exemple du choléra
Prenons un premier exemple avec le choléra qui est dû à une bactérie aquatique, Vibrio cholerae qui est une bactérie qui vit dans les systèmes marins côtiers et en général des zones tropicales comme ici le Bangladesh, dans le golfe du Bengale. Si vous analysez l’évolution du nombre de cas que l'on va appeler ici des épidémies de cas de choléra au cours d'une année, on va remarquer que ces épidémies et l'augmentation du nombre de cas est hautement corrélée avec un paramètre en particulier qui est la température de surface de l'eau. Au cours d'une année, on observe en général deux pics épidémiques et le lien entre les cas de choléra, la bactérie responsable du choléra - Vibrio cholerae -, et la température de surface de l'eau s'explique par la niche écologique occupée par la bactérie qui va dépendre pour sa dynamique de population de l'augmentation de la température de surface de l'eau. Qu'observe-t-on maintenant si on prend et on considère cette même bactérie, ces mêmes épidémies de cas de choléra mais au cours de plusieurs années ? On observe cette même régularité, c'est-à-dire une cyclicité ou périodicité dans les épidémies pour deux villes qui sont Calcutta et Matlabe au Bangladesh et en Inde. Ces pics épidémiques de cas de choléra sont conditionnés et hautement corrélés à plusieurs paramètres dont, toujours, cette température de surface de l’eau. Pour le moment nous n'avons pas introduit l’idée du et des conséquences du changement climatique sur cette dynamique d'épidémie. Lorsqu'on prend les cas de choléra sur plus de 100 ans, c'est-à-dire des séries temporelles très longues que l'on croise avec un paramètre en particulier qui est ici l'oscillation de l'océan Indien qui est un paramètre hautement corrélé avec le phénomène El Nino / El Nina donc qui va dépendre de dérèglements climatiques à large échelle, on remarque que les cas de choléra sont hautement conditionnés par les valeurs prises par cette oscillation de l'océan Indien et dans la partie terminale de cette courbe à partir des années 90 - 2000, on observe une augmentation de cas de choléra au Bangladesh, conditionnée par une variabilité et une irrégularité de l'oscillation de l'océan Indien.
2. Exemple de l’ulcère de Buruli
Si nous prenons maintenant un deuxième exemple, toujours une bactérie, toujours aquatique mais qui vit dans les écosystèmes d'eau douce et qui est présente en Guyane française où on va observer des cas d'une deuxième maladie que l'on appelle l'ulcère de Buruli, qu'observe-t-on ? Les cas d’ulcère de Buruli qui vont produire des épidémies sont corrélées à un paramètre qui est la pluviométrie dans la zone. On analyse d'un point de vue statistique ces données sur environ 47 ans et que l'on corrèle avec la pluviométrie dans la zone. On observe que les pics épidémiques de cas d'ulcère de Buruli en Guyane française sont toujours ou apparaissent préférentiellement dans les périodes de moindre pluie. On observe aussi dans la phase terminale de cette série temporelle qu’avec une augmentation de la quantité de pluie déversée dans la sous-région et en particulier en Guyane française, avec cette augmentation que vous observez, on observe aussi une augmentation du nombre de cas d'ulcère de Buruli en Guyane française. Comment l'explique-t-on ? On l’explique simplement par le fait qu'avec une diminution du nombre de pluies dans la zone, vous allez avoir un assèchement d'un certain nombre d'écosystèmes et en particulier des marécages. Cela montre que lorsque que ces marécages sont asséchés, un certain nombre d'individus de populations vont pouvoir fréquenter ces nouveaux habitats desséchés alors qu'ils ne pouvaient pas le faire au préalable, pour en particulier la pêche ou la chasse et dès lors ils seront mis en contact et exposés avec une mycobactérie, Mycobacterium ulcerans, qui naturellement est présente dans ce type d'écosystèmes. On a un lien indirect entre changement climatique, modification d’habitat et maladie infectieuse qui augmente, tout simplement parce que de nouveaux habitats sont créés qui permettent une plus grande exposition par les individus et les populations humaines.
3. Exemple du virus du Nil occidental
À partir des années 90 et jusqu'aux années 2000, nous avons vu une quantité impressionnante de productions scientifiques, de travaux sur le thème « changement climatique et maladies infectieuses » avec énormément de productions montrant des cartes, pour le paludisme dans le monde, montrant une très nette augmentation du nombre de cas de paludisme dans le monde avec le dérèglement climatique et notamment l'augmentation de la température sur terre. Que sait-on aujourd'hui ? Peut-on essayer de faire le point sur ce sujet ? Nous prenons un exemple d'un travail extrêmement récent qui concerne le virus West Nile, virus du Nil occidental, et qui est aussi transmis par des insectes - donc on parle de maladie vectorielle. Ici ce ne seront plus des anophèles qui transmettent le parasite responsable du paludisme, mais des culex qui vont transmettre le virus du Nil occidental. Ce virus est apparu aux États-Unis et en particulier dans le nord du continent. Il est aussi présent au Canada dans la partie Est de ce territoire. On voit sa très nette augmentation sur plusieurs années puisqu'il est aujourd'hui présent dans les états du sud-ouest des États-Unis. Si l'on modélise maintenant l'évolution possible ou attendue de la distribution du virus du West Nile, ou plutôt du vecteur qui est responsable de sa transmission, en regard du changement climatique et que l'on adresse des projections à 2050 pour le Nord du continent américain, on observe une très nette progression parce que les niches écologiques seront beaucoup plus favorables à la progression de ces fameux culex qui transmettent ce virus plus au nord des États-Unis mais aussi dans certaines provinces du Canada. Tout simplement, les conditions seront propices pour les populations de culex vecteurs de ce virus pour se développer. Mais ces travaux ne tiennent absolument pas compte de savoir si ces populations de culex seront en possession du vecteur ou pas. Et s'ils sont en possession de ce virus du Nil occidental, quelle sera la réaction du virus du Nil occidental par rapport à ces nouvelles conditions de température ? Autrement dit, ces projections modélisent la distribution de l'insecte potentiellement vecteur du virus mais ne modélisent pas les projections de l'agent infectieux lui-même mais aussi des interactions qu'il est important de comprendre entre le virus et les fameuses populations de culex qui vont transmettre ou pas ce virus du Nil occidental. Donc, globalement, toutes ces cartes sont très exagérées parce qu'elles ne regardent qu'un acteur du jeu qui est bien plus compliqué.