En ligne depuis le 02/11/2017
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Description
Annamaria Lammel, maître de conférences à l'Université Paris 8, évoque dans cette vidéo (10'02) la question de la perception sociale du changement climatique, changement qui porte sur des échelles d'espace et de temps variées. Après en avoir défini le cadre conceptuel, elle propose des études de cas sur l'évaluation du risque climatique dans différents types de milieux.
Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre la question de la perception sociale du changement climatique.
- Appréhender l'évaluation du risque climatique dans différents types de milieux (urbain, insulaire, etc.).
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Mentions Licence
- Psychologie
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Thèmes
- Atténuation, Adaptation & Résilience
- Ecosystèmes et biodiversité
- Les adaptations
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Lammel Annamaria
Université Paris 8
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED «Biodiversité et changements globaux ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Changement climatique et cognition humaine
Annamaria Lammel,
Maître de conférences, Université Paris 8
Le changement climatique fait partie des changements globaux. C’est un des défis les plus importants pour la vie sur Terre. Les climatologues ont mis en évidence le changement climatique depuis l’ère préindustrielle et ils ont mis aussi en évidence d’autre part le fait que ces changements climatiques sont liés à l’activité humaine qui produit beaucoup de gaz à effet de serre. Comment les animaux et les plantes peuvent s’adapter au réchauffement climatique ? Il y a beaucoup d’études qui montrent qu’ils choisissent bien la migration vers les endroits plus froids, ou bien qu’il y a des changements dans les comportements, ou parfois, malheureusement, la disparition des espèces.
1. Problématique
Comment l’être humain peut-il s’adapter au changement climatique ? Nous considérons que la cognition humaine, spécifique, a permis à notre espèce de s’adapter à toutes sortes de conditions climatiques. Toutefois, l’accélération actuelle du changement climatique est trop rapide. La terre est aussi surpeuplée. Nous avons donc formulé l’hypothèse que la cognition humaine se trouve maintenant dans des difficultés de s’adapter à ces changements, de comprendre ces changements, de réagir, et de trouver des solutions. Nous sommes peut-être en face d’une sorte de vulnérabilité cognitive.
2. Le modèle
Cette vulnérabilité peut dépendre d’un ensemble d’éléments qui entourent l’individu et qui vont influencer la cognition (figure ci-dessous). Ce peut être notamment l’environnement, si on vit dans un environnement où il y a beaucoup de risques climatiques. C’est différent quand on vit dans un environnement protégé. Ce peut être aussi des éléments comme la culture, les signes, les symboles, les outils qui peuvent être mis à la disposition de l’individu, les modèles de comportement et aussi les cognitions, le style cognitif dominant dans une culture donnée. Ces éléments vont influencer la manière dont l’individu va pouvoir comprendre les phénomènes de changement climatique.
3. L’étude
Pour étudier cette adaptation cognitive, nous avons choisi de faire des recherches en équipe, en différents endroits du monde dans des environnements climatiques très contrastés avec une méthodologie d’enquête de terrain s’appuyant sur des entretiens, des passations de questionnaires, des passations d’expérimentations, et même des discussions et des focus groups.
Nos études ont confirmé ce que la littérature, déjà en partie, a pu montrer aussi : dans les grandes villes, notre cognition humaine est limitée dans la compréhension de ce changement climatique qui fait partie des changements globaux. On a pu mettre en évidence les limites des mécanismes sensoriels humains pour percevoir les changements climatiques, le décalage entre cause et effet, ou encore la sous-estimation systématique de la fréquence relative des évènements rares. On considère souvent par exemple que l’inondation ne va pas arriver l’année prochaine, même si maintenant on sait que dans certaines régions les inondations sont tout le temps présentes. On observe aussi une distance spatiale, temporelle et même sociale entre acteurs et victimes. Comment ce que nous faisons à Paris va-t-il influencer la vie des gens sur les petites îles ? Comment nos comportements vont-ils transformer ou menacer la vie des générations futures ? Est-ce ce que ce que je fais peut avoir un impact sur ce phénomène qui est tellement complexe ?
4. Les résultats
Pour vous montrer un exemple d’utilisation de notre modèle interconnecté par rapport à une des problématiques du changement climatique, je vais montrer quelques résultats d’une étude concernant l’évaluation cognitive du risque.
Nous avons mené des recherches à ce sujet à Paris. Paris est considéré comme un endroit protégé et peu vulnérable par rapport au changement climatique. Nous avons vu que les habitants y ont une perception du risque simple, linéaire, réversible : si on élimine les causes, le changement climatique va disparaître.
Dans les Alpes, où nous avons mené des recherches pendant 3 ans dans la vallée de Chamonix, les habitants ont une évaluation du risque multiple. Ils ont une vision itérative, ils essaient de revoir l’exposition au risque en fonction des évènements constamment, et aussi ils sont capables de voir l’interaction dans les différentes composantes qui peuvent modifier le processus de changement climatique, et aussi bien sûr à la modalité des techniques d’adaptation en fonction de calculs de multiples indices.
Enfin, je cite ici quelques résultats de nos recherches qui ont été menées en Nouvelle-Calédonie et en Guyane française, où déjà les risques climatiques sont beaucoup plus visibles. Nous avons pu identifier, surtout auprès de la population canaque en Nouvelle-Calédonie et amérindienne en Guyane française, une vision systémique du changement climatique qui permet de prendre en considération les facteurs, les différents sous-systèmes comme la biosphère, l'atmosphère, l'hydrosphère, la troposphère et la cryosphère, et qui permet aussi de relier les dimensions spatiales et temporelles du changement climatique et de prévoir justement les conséquences de ces risques.
5. Conclusion
Ces études menées dans différents endroits dans le monde montrent que les habitant des grandes villes sont les plus vulnérables cognitivement puisqu’ils ont plutôt une pensée analytique, ils isolent les différents phénomènes par l’interaction, et ça rend difficile la compréhension d’un phénomène si complexe et chaotique qu’est le changement climatique. Cela correspond aux données de la littérature en général. On considère qu’il faut donc travailler plus et développer la cognition complexe qui inclut aussi l’émotion et les intentions, une pensée plus systémique, plus holistique, et aussi favoriser la mise en place des processus mentaux simultanés qui traitent les informations simultanément.
Pour finir, je vais présenter un petit projet qui permettra une remédiation cognitive en milieu urbain pour améliorer les processus d’adaptation cognitifs avec des outils qui ont une validité écologique dans la vie des gens, des jeunes et même des enfants. Ce projet s’appuiera sur le développement de jeux éducatifs, d’outils expographiques, et de MOOC qui peuvent participer à l’amélioration des capacités de compréhension des phénomènes complexes.