Aller au contenu principal
Description

Laurence Pourchez, professeur à l'INALCO, évoque dans cette vidéo (9'33) le rôle du savoir des femmes dans les îles Mascareignes situées dans l'océan indien. Historiquement, ces savoirs ont surtout porté sur les plantes médicinales mais avec l'exigence de la préservation de la biodiversité, les savoirs et les pratiques évoluent aujourd'hui...

Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre le rôle du savoir des femmes dans les îles Mascareignes (Océan indien).
- Comprendre l'évolution des savoirs et des pratiques aujourd'hui.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
femmesMascareignes
Peuples autochtones et communautés locales en prise avec le changement
Peuples autochtones et communautés locales en prise avec le changement
Sociétés arctiques et subarctiques : adaptation et savoirs autochtones
Sociétés arctiques et subarctiques : adaptation et savoirs autochtones
Les feux anthropiques, anciennes pratiques et nouveaux services
Les feux anthropiques, anciennes pratiques et nouveaux services
Changements et biodiversité chez les autochtones des forêts d'Afrique centrale
Changements et biodiversité chez les autochtones des forêts d'Afrique centrale
Changement climatique et cognition humaine
Changement climatique et cognition humaine
Apprendre autrement la protection de la biodiversité
Apprendre autrement la protection de la biodiversité
Contributeurs

Pourchez Laurence

INALCO - Institut National des Langues et Civilisations Orientales

Télécharger le fichier

Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED «Biodiversité et changements globaux ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Savoirs locaux, femmes et biodiversité dans les Mascareignes

Laurence Pourchez
Professeur, INALCO

Je vais vous parler des femmes, des savoirs locaux et de la biodiversité dans les Mascareignes.

1. Localisation des Mascareignes

L’archipel des Mascareignes se situe dans l’océan Indien, à l’est de Madagascar (voir carte ci-dessous). Il comprend trois îles : l’île de La Réunion, l’île Maurice qu’en général on connaît, et l’île Rodrigues que personne ne connaît, ou rarement.

La Réunion est un Département Français d’Outre Mer. Maurice est une république et l’île Rodrigues est toujours reliée à Maurice.

2. Peuplement des Mascareignes

Ces îles de La Réunion, l’île Maurice et l’île Rodrigues ont un peuplement qui est un peuplement à la fois relativement ancien et très récent. La Réunion a été peuplée à partir de la deuxième moitié du XVIIè siècle. L’île Maurice, un tout petit peu plus tard pour le peuplement permanent puisque les précédentes tentatives avaient avorté. L’île Rodrigues encore beaucoup plus tard puisque, tout simplement il n’y avait pas d’utilité à occuper cette île, autre que récupérer des tortues pour les bateaux qui partaient sur la route des Indes.

Ce peuplement s’est fait de manière un peu différente selon les trois îles, puisque La Réunion et Maurice ont été des îles à sucre. Il y a donc eu une importation massive de personnes qui ont été amenées en esclavage depuis l’Inde, depuis l’Afrique, depuis Madagascar, depuis l’archipel des Comores et puis après sur une période ultérieure qui a été la période de l’engagisme, la période où les gens venaient sous contrat. Il y a eu beaucoup d’arrivants qui sont venus d’Asie notamment et d’Europe encore et d’autres partis de l’Inde, etc. L’île Rodrigues quant à elle, elle s’est peuplée surtout avec des arrivants de l’île de La Réunion et de l’île Maurice.

3. Place de la femme dans les peuplements des Mascareignes

L’histoire de ces peuplements est importante par rapport aux femmes et à leur savoir. Les femmes ont toujours été dans ces trois îles numériquement très minoritaires par rapport aux hommes. Il y a eu à certains moments à l’île de La Réunion jusqu’à huit hommes pour une femme. Il y a eu, à un certain moment à l’île Rodrigues, huit femmes seulement dans l’île, pour un nombre d’hommes qui était 10 à 15 fois supérieur. En fait ces femmes ont été les détentrices de savoirs locaux qui se sont construits tout au long de l’histoire. Ces savoirs locaux étaient très souvent liés au corps, à la manière de se soigner et notamment à l’utilisation des plantes, à l’utilisation de la phytothérapie, puisque bien entendu, jusqu’à une période très récente, jusqu’à une période qui s’est poursuivie jusqu’aux années 1950, 1960, la médecine occidentale moderne était très peu présente dans les îles Mascareignes et donc il fallait se soigner avec les moyens du bord. Les moyens du bord étaient très souvent les plantes médicinales. Les femmes ont donc été les gardiennes, très souvent, de ces savoirs locaux constitués pour soigner les gens à partir des plantes médicinales.

4. Savoirs locaux liés aux plantes médicinales : problématique

Pendant très longtemps, ces plantes médicinales ont été récoltées sur le mode de la prédation. Ces plantes étaient ramassées et cueillies. On utilisait beaucoup aussi les écorces d’arbre. Mais un arbre qu’on dépouille de son écorce meurt. Pendant très longtemps, toute la récolte de plantes s’est faite sur ce mode de la prédation et cette prédation pouvait avoir un impact très important sur la biodiversité puisqu’un nombre important d’espèces, dans les Mascareignes, sont des espèces endémiques. Or si on les surexploite, elles meurent et elles disparaissent de la surface de la planète.

A partir du moment où on a pris conscience en fait de l’importance de ces espèces endémiques et de la manière dont il fallait les préserver, la question s’est posée de savoir comment on pouvait faire pour à la fois respecter les savoirs locaux, respecter les savoirs des femmes, respecter les recours thérapeutiques des populations et dans le même temps faire en sorte que les espèces endémiques ne disparaissent pas et que les comportements de prédation puissent se transformer de manière à ce que les gens puissent continuer à se soigner par la phytothérapie sans impacter les ressources en termes de biodiversité.

5. Réponses apportées

Deux types de réponses ont été trouvés à l’île Maurice, à l’île Rodrigues et à La Réunion. A l’île Maurice et à l’île Rodrigues, l’organisme qui intervient le plus et qui agit le plus sur ces campagnes est le Mauritian Wildlife Foundation qui s’intéresse énormément à la préservation de la biodiversité animale et végétale. Il intervient énormément autour de l’éducation à l’environnement avec un focus très important mis sur l’utilisation des plantes médicinales. Par exemple à Rodrigues, la Mauritian Wildlife Foundation organise des sessions de formation dans les écoles auprès des associations de femmes, de manière à les sensibiliser aux plantes médicinales, à les former pour leur apprendre à reconnaître les plantes, notamment les plantes endémiques et à leur proposer des alternatives à l’utilisation de ces plantes endémiques en allant leur montrer d’autres plantes médicinales qui peuvent avoir des effets tout à fait équivalents aux plantes endémiques. Cela permet de les préserver et de mettre en place des programmes de replantation des plantes endémiques. Cela permet aussi d’alimenter ce stock de plantes endémiques qui est présent à Maurice comme à Rodrigues. Les mêmes types de sensibilisation se font à l’île Maurice.

À l’île de La Réunion, l’approche est quelque peu différente. Elle passe d’abord par un effort très important au niveau des populations scolaires par deux types d’organismes : des associations privées d’une part, du type de l’APLAMEDOM qui est l’association pour la préservation et la promotion des plantes aromatiques et médicinales, et le Conservatoire Botanique de Mascarin qui prend souvent le relais de l’APLAMEDOM, ou tout au moins, qui agit de concert avec lui. Ca passe notamment par un concours qui est organisé de manière annuelle depuis de très nombreuses années. Il s’agit du concours Zerbaz Péi, pendant lequel les enfants sont incités à récolter des plantes médicinales, à constituer des herbiers et à recueillir des savoirs auprès de personnes de leur famille, de voisins, et de personnes habilitées à donner ces savoirs dans la communauté. Chaque année, un prix est décerné à une école pour l’action qui est engagée. A partir de ces actions-là, qui sont largement médiatisées, le Conservatoire Botanique de Mascarin travaille de son côté de manière à rebondir sur ces actions de sensibilisation pour aller dans le sens d’une réduction des comportements de prédation au niveau de la nature.

6. Conclusion

Ces actions sont encore relativement modestes, mais elles ont un impact réel sur la population. Elles sont menées que ce soit à La Réunion, à Maurice, à Rodrigues depuis maintenant une grosse quinzaine d’années et les effets commencent à se faire sentir sur la population qui s’intéresse de plus en plus aux plantes endémiques et aux plantes médicinales. On voit bien que les comportements sont en train de changer. Ca change également puisque d’un point de vue universitaire, un relais a été mis en place avec, à l’île de La Réunion, l’ouverture depuis 2011 d’un diplôme universitaire d’ethnomédecine qui comprend à la fois de l’ethnomédecine, de l’anthropologie médicale, mais également de l’ethnobotanique. C’est un diplôme qui est suivi à la fois par des professionnels de santé, mais aussi par des agents du parc national, puisque La Réunion a été inscrite par l’UNESCO au patrimoine de l’humanité. Ca permet donc d’aider à la préservation de ces plantes médicinales et de manière plus globale, d’aider à la préservation de la biodiversité dans les îles Mascareignes.