En ligne depuis le 29/10/2014
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Description
Hélène Artaud présente le champ de l'anthropologie maritime dont la vocation est d'étudier la nature et la diversité des relations entre les populations humaines et les espaces maritimes. Elle met en lumière la pluralité des rapports construits, et, à l'heure où les océans suscitent des intérêts de plus en plus vifs, invite à considérer au mieux cette dimension.
Objectifs d'apprentissage :
- Appréhender le champ de l'anthropologie maritime
- Comprendre la pluralité des rapports construits entre les populations humaines et les espaces maritimes
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Mentions Licence
- Sciences de l’Homme, Anthropologie, Ethnologie
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
Artaud Hélène
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Ce document est la transcription révisée et chapitrée d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Anthropologie maritime, une introduction
Hélène ARTAUD, Maître de Conférences, MNHN
1. Introduction
L'anthropologie maritime pose souvent problème en raison de la position, dans cet énoncé, de deux éléments que l'on a souvent tendance à dissocier :
- l'anthropologie d'une part qui étudie les différents aspects des sociétés humaines et se décline en anthropologie de la parenté, anthropologie économique, anthropologie politique, etc. ;
- la nature d'autre part ou la mer en l'occurrence qui relève davantage du champ d'étude des sciences naturelles.
Certes, depuis quelques décennies maintenant, les frontières sont devenues plus poreuses entre les objets de l'une et l'autre discipline et les énoncés qui forment ce type d'association oxymorique, foisonnent, comme le démontre par exemple le champ de l’ethnozoologie, de l'ethnobotanique ou la mention plus récente d’anthropologie de la nature.
Pourtant, en dépit de cette tendance, la mer occupe toujours une place à part que seul un retour vers les fondations épistémologiques et culturelles de nos sociétés occidentales est semble-t-il en mesure d'expliquer.
2. Objet de l’anthropologie maritime
L'étrangeté qui subsiste à parler d'une anthropologie maritime, à concevoir cet espace comme également investi par l'homme, par la culture, est souvent et sans doute liée au fait que pendant très longtemps la mer a représenté en Occident l'espace du sauvage. On l'a traversée, on en puisait voir en épuisait les ressources mais à aucun moment on ne pensait pouvoir la domestiquer.
Des exemples contemporains comme les revendications qui s'élèvent de part et d'autre en faveur de la revendication des droits autochtones sur la mer, démontrent pourtant le contraire et nous invitent à nous interroger plus précisément sur la façon qu’ont ces sociétés issues de cultures diverses de s'approprier et de se représenter ce milieu maritime.
Alors, c'est l'un des objectifs de l'anthropologie maritime contemporaine, de mettre en évidence à travers des études monographiques ou comparatives, la variété des savoirs et des usages que la mer stimule ainsi que ses transformations sous la pression d'enjeux contemporains divers tels que l'émergence d'un droit de la mer, la création d'espaces marins protégés ou encore les prospections off-shore.
3. Exemples d’études en anthropologie maritime
Pour bien saisir en effet en quoi la mer est cet espace investi par l'homme, il convient de comprendre la mer comme le support de représentation varié dans le temps.
Dans son livre "Le territoire du vide", un auteur comme Alain Corbin essaye de montrer le contenu et la succession des représentations associées à la mer dans une culture occidentale. Alors, il part des mythes antiques jusqu'à la popularisation des rivages grâce aux cures maritimes pour montrer que cet espace est investi par une histoire affective spécifique et fluctuante.
Il faut également se rappeler que la mer est l'espace de représentation varié dans l'espace. Un auteur comme John Mack, dans son livre "The sea, a cultural history" décline les différentes représentations associées à cet espace dans des zones géographiques aussi diverses que l'Europe, les îles Fidji, l'Australie ou le Japon.
En Europe, on l’a brièvement vu, la mer est souvent perçue comme un espace menaçant, indifférencié, « veuf de route » selon l'expression de Détienne et Vernant, tandis que dans les îles Fidji, la mer est un espace ouvert, en espace de liens entre les hommes et auquel le corps du pêcheur est très sensiblement lié.
En Australie, la mer est au même titre que le continent un espace qui est transi par les itinéraires mythologiques des êtres du rêve tandis qu'au Japon, la mer est un espace trop ouvert pour être un espace apaisant et propice à la contemplation.
Chacune de ces façons qu'on les populations humaines de s'approprier cet espace maritime, font qu’un champ comme l'anthropologie maritime a été énormément travaillé par une diversité d'approches et de partis pris.
Au début des années 80, lorsque ce sous-champ disciplinaire, comme l'appelle Breton, émerge, deux textes paraissent qui mettent en évidence les différentes approches qu'on peut avoir sur ce même objet.
- D'une part, un texte de Breton qui définit les lignes de force d'une anthropologie maritime française et canadienne dans laquelle les relations de l'homme à la mer seront essentiellement appréhendées dans un prisme technique et socio-économique.
- De l'autre, dans le texte d'un auteur qui s'appelle Johannes qui sera le chef de file d'une anthropologie maritime soucieuse d'appréhender les relations de l'homme et la mer par une entrée épistémologique en déclinant les différents savoirs et représentations qui sont associés à ce milieu.
C’est davantage sur cette seconde approche que les bouleversements contemporains liés à la gouvernance et à la gestion des ressources marines, nous poussent vers cette analyse et ce recueil des savoirs écologiques locaux ou traditionnels liés à la mer qui réhabilitent les sociétés qui y sont associées.
4. Conclusion
Il importe de retenir trois éléments.
Tout d'abord, l'amplitude des réflexions qui irriguent ce champ de l’anthropologie maritime depuis ses commencements montre bien à quel point les sociétés humaines construisent des liens complexes et variés avec cet espace, qu’elles le sociabilisent d'une façon à chaque fois étrange et nouvelle. En cela, le champ de l'anthropologie maritime doit être un champ de réflexion ouvert, un champ attentif aux réalités sociales, qu'elles soient économiques, écologiques, politiques ou techniques, qui façonne les sociétés humaines.
L'anthropologie maritime ne fait pas d’autre part exception à l'ensemble des champs disciplinaires de l'anthropologie, en cela qu'elle est fortement dépositaire des paradigmes culturels et qui sont ceux de son temps. En cela, lorsque l'on étudie les représentations d'une société étrangère, celle-ci nous ramène forcément invariablement vers les principes qui structurent nos propres paradigmes.
Enfin, c'est sans doute à raison que l'on peut penser que le champ de l'anthropologie maritime, loin d'occuper la marge de la discipline anthropologique, va sans doute en investir le cœur car la mer, soumise à des enjeux contemporains extrêmement variables, institutionnels, législatifs, politiques ou économiques, va devenir cet espace humain fondamental dans ce XXIe siècle.