En ligne depuis le 01/04/2025
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Description
Ce parcours porte sur la dynamique actuelle de l'océan et sur ce que cela implique pour les activités humaines qui lui sont liées. Il propose tout d'abord, sur la base des connaissances scientifiques les plus récentes, un panorama des bouleversements que connaissent les milieux marins, que ce soit sur le plan physique ou écologique. Puis il explore les démarches qui sont en cours dans les grands secteurs d'activité liés à l'océan pour à la fois réduire les impacts écologiques et s'adapter à ces bouleversements. Il examine enfin différents leviers pour parvenir à ces transitions.
Objectifs d’apprentissage :
- Identifier les multiples bouleversements que connaît aujourd'hui l'océan et expliquer pourquoi nous devons nous en inquiéter
- Présenter les dynamiques de transition enclenchées dans les principaux secteurs d'activité liés à l'océan (ex : transport, pêche, énergie)
- Justifier de l'importance du droit, de la formation et de la sensibilisation pour atténuer ces bouleversements, voire s'y adapter
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Géographie et aménagement
- Sciences de la Terre
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+1
- Bac+2
- Bac+3
- Bac+4
Objectifs de Développement Durable
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 14. Vie aquatique
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Parcours thématique
Mots-clés

Introduction sur l'Océan

L'océan : un bouleversement des équilibres de plus en plus…

De nombreuses transitions pour un océan durable

Les leviers pour l’engagement et l’action
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée, d’une vidéo du MOOC UVED « L’Océan au cœur de l’Humanité ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Les zones littorales face au changement climatique : une approche culturelle
Jean Richer, Architecte des Bâtiments de France
- Le littoral, un espace vulnérable
Comment parler du littoral lorsque l'on est architecte ? Les architectes postmodernes ont par exemple investi l'idée qu'il était possible de bâtir de nouvelles cités dans l'océan, échappant ainsi aux vices d'une terre polluée. Déjà, il existe un quartier flottant à Amsterdam où les maisons suivent les variations du niveau de la mer. À Dubaï, trois archipels artificiels en forme de palmiers ont colonisé la mer. Ces projets ne doivent pas nous faire oublier pourtant que la vie littorale est très vulnérable. Pour ne prendre qu'un exemple, l'archéologie sous-marine a mis à jour en 2000 une cité immergée datant de l'Égypte antique appelée Thônis-Héracléion et située près de l'actuelle Aboukir. La submersion serait due à plusieurs tremblements de terre suivis d'un raz-de-marée, qui auraient provoqué l'effondrement de 110 kilomètres carrés du delta du Nil. Ce dernier exemple est symptomatique de la vulnérabilité littorale. Or, l'ONU annonce que d'ici 2050, environ 70 % de la population mondiale vivra dans des zones urbanisées, dont près de 90 % se trouveront au bord de l'eau.
2. Le postulat de l’architecte
Comme architecte, je pars donc du postulat que la Terre est totalement architecturée au sens où elle est totalement artificialisée par des pratiques anthropiques. Débarrassés de l'opposition naturalité/artifice, nous pouvons désormais développer un nouvel artifice plus lié à la ruse, à l'habileté, pour imaginer des futurs possibles de l'habitat humain bordant les rivages. "L'habitat" ne désigne pas ici uniquement les constructions dans lesquelles les humains vivent, mais l'ensemble du terroir qu'ils arpentent dans leur vie quotidienne. C'est cet habitat qui m'intéresse particulièrement, car il permet des redirections importantes en matière de restauration. La nature, ici, relève d'une approche multispéciste où l'homme fait partie des solutions parmi les autres vivants, animaux et végétaux.
3. Qu’est-ce que le littoral ?
Techniquement, le trait de côte correspond à la laisse des plus hautes mers dans le cas d'une marée astronomique de coefficient 120 et dans des conditions météorologiques normales. Mais cela ne dit rien du littoral, qui doit être considéré comme une marge beaucoup plus large où les influences de la mer et de la terre se font mutuellement sentir. Concrètement, cela demande de considérer un espace géographique important. Pour moi qui vis à l'extrémité du marais poitevin, à 40 kilomètres de la mer, je ressens quotidiennement la présence de l'océan.
Dans l'histoire, seules les activités liées à la mer subsistaient le long des rivages européens. Il faut attendre un évènement culturel très important pour que le littoral se voie habiter différemment. Les vertus de l'eau salée sont plébiscitées par l'aristocratie anglaise à partir du XVIIIe siècle, et la mode va très rapidement se répandre à travers le monde. Des peintres et des poètes vont alors radicalement modifier l'appréhension que nous avons du littoral par leur vision romantique. Cette invention d'un paysage pittoresque s'accompagne de la construction d'un paysage réel réglée à partir du rivage. La grève devient plage, et derrière la promenade de bord de mer s'alignent villas, casinos et de vastes opérations immobilières.
L'artificialisation du littoral repose donc sur deux ressorts. L'urbanisation du rivage d'une part, mais aussi et peut-être avant tout sur la construction d'un imaginaire littoral qui s'accompagne d'une imagerie conditionnant notre rapport de proximité à la mer. En Europe, la promotion d'un tourisme populaire a d'ailleurs considérablement accru les pressions anthropiques sur des milieux pourtant sensibles. Plus grave encore, cet imaginaire balnéaire s'est répandu à travers le monde pour offrir aux touristes occidentaux des expériences paradisiaques sur des rivages lointains.
4. Pour une approche culturelle du littoral
Vous l'aurez compris, je me rattache intellectuellement au mouvement des études culturelles, mouvement né dans les années 1960 au Royaume-Uni, à la croisée de la sociologie, de la philosophie, de l'ethnologie, de la littérature, et pour moi, de l'architecture. En matière littorale, cette approche transversale est particulièrement pertinente pour déconstruire des situations de domination culturelle. Elle permet par exemple de démilitariser le discours alors que le vocabulaire littoral est empreint de nombreux termes militaires : "trait de côte", "défense marine", "stratégie de retrait", etc.
Pour mieux l'expliquer, il faut rappeler que mon intérêt pour le littoral est né de l'évènement météo marin Xynthia qui, en 2010, a touché la côte atlantique française. Juste après la submersion, je me suis rendu à La Faute-sur-Mer, en Vendée, pour aider les personnes sinistrées. C'est un travail très physique de dégagement des laisses de mer et de tout un tas de débris qui jonchaient les routes. J'ai alors compris plusieurs choses, ces jours-là.
La première concerne l'auto-organisation des bonnes volontés, puisque des agents communaux, des entreprises de travaux publics, des agriculteurs et bien d'autres ont collaboré par instinct. Les services de l'État étaient trop occupés aux missions de sécurisation. Le second souvenir est le regard hagard de certains habitants totalement dépassés par la démesure de l'évènement. Cela se voyait bien que nous n'étions pas préparés à vivre une telle crise. Enfin, le troisième enseignement vient du traitement très vertical et médiatique de la crise, où l'État français a géré l'urgence sans réelle réflexion sur l'avenir de ces espaces. J'ai alors compris qu'il fallait impérativement déconstruire nos réflexes et faire avec les communautés locales, à leur rythme, et que les politiques publiques uniquement descendantes n'étaient pas opérantes par temps de crise.
5. Des exemples à travers le monde
Nous aurions tout intérêt à nous inspirer des projets de restauration des rivages aidés par le programme des Nations unies pour le développement à travers le monde, car ils disent quelque chose d'essentiel sur la nécessité de faire avec les communautés locales. Et en voici un exemple.
Les communautés vivant le long de la côte cubaine subissent régulièrement des tempêtes tropicales. Les impacts du changement climatique sont une réalité immédiate pour elles. Lancé en 2022, le projet Mi Costa est une initiative ambitieuse sur 30 ans pour protéger 1 300 kilomètres de rivage sur la côte sud de Cuba. Basé sur la restauration des écosystèmes et dirigé vers les communautés, Mi Costa vise plus précisément à restaurer les flux d'eau douce naturels pour que les nutriments favorisent la croissance des mangroves et des herbiers marins. En échange, ces mangroves restaurées réduisent les inondations et limitent la salinisation des sols et de l'eau. Ces efforts sont complétés par des systèmes de surveillance environnementale et hydrologique pour l'alerte précoce des inondations et des submersions. L'originalité de la démarche tient à la participation active des communautés locales.
Le gouvernement cubain donne aux communautés les moyens de devenir actrices des solutions climatiques avec 30 centres de formation qui servent de centres d'apprentissage communautaires et de coordination des activités d'adaptation locale. Un programme de renforcement des capacités est conçu pour améliorer les connaissances locales sur l'adaptation au climat par une démarche dite de formateurs de formateurs. Dans ce modèle, des experts nationaux et internationaux forment des leaders communautaires qui transmettent ensuite leurs connaissances à leur communauté locale, visant à atteindre 60 % de la population dans les zones ciblées. En seulement deux ans, plus de 6 000 personnes, dont la moitié étaient des femmes, ont déjà reçu une formation en adaptation basée sur les écosystèmes, en surveillance hydrologique et en restauration forestière, leur permettant de concevoir des solutions climatiques dans leur propre communauté.
Il existe bien d'autres programmes internationaux dont le principe reste le même. Ils ne visent pas un résultat théorique, mais s'appuient sur un processus d'agentivité des communautés locales, les rendant actrices de leur résilience, avec une attention sur les inégalités sociales et celles de genre. Ces programmes démontrent une économie de moyens face à de puissants risques naturels en combinant des solutions rentables fondées sur la nature avec un renforcement de la capacité d'action des populations.
6. Discussion et perspectives
Il n'y a aucune innocence dans ce détour par les programmes internationaux. La solution de l'adaptation littorale se situe dans l'interdisciplinarité, d'une part, et dans la combinaison des savoirs entre connaissances savantes et pratique des lieux, ainsi que dans la manière dont les vivants peuvent s'entraider entre humains et non-humains.
Il existe de nombreuses solutions techniques pour renforcer la résilience littorale, ainsi que de très beaux projets de paysages vantant des futurs désirables, puisque réglés au cordeau par le dessin. De tout cela, nous n'en ferons pas le catalogue ici, puisque c'est avant tout un changement culturel qui est attendu.
À Cuba et dans d'autres situations s'inventent de nouvelles manières d'habiter, de travailler et de manger. Nous devrions autant nous intéresser à la cuisine qu'au génie civil pour abandonner notre vision trop condescendante.
Plus encore, favoriser l'agentivité des individus est indispensable pour renforcer leurs propres possibilités d'invention face aux nouvelles conditions écologiques et économiques auxquelles ils sont confrontés. Concrètement, il faut le savoir-faire pour replanter une mangrove, et la connaissance des gestes à pratiquer est aussi importante que d'établir un vaste schéma directeur. Dès lors, il importe de ménager plutôt que d'aménager.
Il va aussi nous falloir délaisser des lieux de vie lorsque la situation devient trop inquiétante. Dans le Pacifique, c'est le cas pour l'archipel des Tuvalu, qui est emblématique. Ces neuf atolls coralliens tous habités seront inhabitables d'ici moins d'un siècle. Le gouvernement des Tuvalu a donc pris la décision très médiatique de devenir la première nation numérisée du monde en créant un jumeau de l'archipel dans le métavers pour sauvegarder un patrimoine immatériel, immortalisant ces îles pour les générations futures. En recréant une terre virtuelle, en archivant sa culture, cette nation veut continuer à exister alors même que les îles auront disparu.
Le renoncement par la désurbanisation s'avère être une solution nécessaire dans certains cas et pensée d'abord comme un acte culturel pour ne pas abandonner les populations. On parle de repli stratégique. Ce repli stratégique est clairement un vocable militaire concourant à avoir vis-à-vis des flots une attitude militariste. Il serait préférable de parler d'abandon dans un premier temps.
À quoi tenons-nous ? Dans cet abandon, il faut travailler la consolation, car ce ne sont pas que des constructions que nous allons abandonner, mais des histoires de vie, comme c'est le cas à Soulac-sur-Mer avec la démolition de l'immeuble Le Signal.
Voici donc le plus grand enjeu que nous ayons à relever : l'esthétique de la disparition. Comment rendre psychologiquement soutenable le délaissement sans créer des traumatismes ? À nouveau, favoriser l'agentivité des individus est indispensable pour qu'ils soient acteurs de leur destin. L'esthétique de la disparition ne relève donc pas d'une planification d'ensemble descendante. Non, l'esthétique de la disparition repose sur le ménagement des individus et des situations.
L'urgence climatique est là, il faut faire vite, mais lentement, pour que chacun s'empare de son destin.
Contributeurs
Grataloup Christian
professeur émérite
BOEUF Gilles
Sorbonne Université
Gaill Françoise
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Speich Sabrina
ENS - PSL
Houssais Marie-Noëlle
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Castelle Bruno
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Durand Gaël
directeur de recherche au CNRS
Samadi Sarah
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Matabos Marjolaine
chercheuse , IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer
Bertrand Arnaud
IRD - Institut de Recherche pour le Développement
Lévy Marina
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Bopp Laurent
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Beaugrand Grégory
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Paul-Pont Ika
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Massé Cécile
référente Espèces non indigènes au sein de PatriNat
Olivier Frédéric
professeur , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
David Bruno
ancien Président , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Prazuck Christophe
directeur de l'Institut de l'océan , Sorbonne Université
Foulquier Éric
maître de conférences , Université de Bretagne Occidentale (UBO)
Massé Guillaume
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Le Pape Olivier
L'institut Agro
Gascuel Didier
Institut agro Rennes Angers
Sadoul Bastien
maître de conférences , Institut agro Rennes Angers
Bas Adeline
Chercheuse , IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer
Thébaud Olivier
IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer
Rivot Étienne
L'institut Agro
Kerbiriou Christian
maître de conférences , Sorbonne Université
De Wever Patrick
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Ybert Sébastien
coordinateur France 2030 Grands fonds marins
Chlous Frédérique
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Mariat-Roy Émilie
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Deldrève Valérie
INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Queffelec Betty
maîtresse de conférences , Université de Bretagne Occidentale (UBO)
Galletti Florence
IRD - Institut de Recherche pour le Développement
Mongruel Rémi
IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer
Duron Sophie-Dorothée
Directrice du Parc national de Port-Cros
Beuret Jean-Eudes
Professeur , Institut agro Rennes Angers
Richer Jean
laboratoire PoLiCEMIES , Université de La Rochelle
Guillou Elisabeth
Université de Bretagne Occidentale (UBO)
Améziane Nadia
professeure du , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Le Viol Isabelle
maîtresse de conférences , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Lucas Sterenn
Maître de Conférences , Institut agro Rennes Angers
Becquet Lucas
chef de projet IPOS au sein de la Fondation OSF