En ligne depuis le 01/04/2025
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Description
Ce parcours porte sur la dynamique actuelle de l'océan et sur ce que cela implique pour les activités humaines qui lui sont liées. Il propose tout d'abord, sur la base des connaissances scientifiques les plus récentes, un panorama des bouleversements que connaissent les milieux marins, que ce soit sur le plan physique ou écologique. Puis il explore les démarches qui sont en cours dans les grands secteurs d'activité liés à l'océan pour à la fois réduire les impacts écologiques et s'adapter à ces bouleversements. Il examine enfin différents leviers pour parvenir à ces transitions.
Objectifs d’apprentissage :
- Identifier les multiples bouleversements que connaît aujourd'hui l'océan et expliquer pourquoi nous devons nous en inquiéter
- Présenter les dynamiques de transition enclenchées dans les principaux secteurs d'activité liés à l'océan (ex : transport, pêche, énergie)
- Justifier de l'importance du droit, de la formation et de la sensibilisation pour atténuer ces bouleversements, voire s'y adapter
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Géographie et aménagement
- Sciences de la Terre
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+1
- Bac+2
- Bac+3
- Bac+4
Objectifs de Développement Durable
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 14. Vie aquatique
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Parcours thématique
Mots-clés

Introduction sur l'Océan

L'océan : un bouleversement des équilibres de plus en plus…

De nombreuses transitions pour un océan durable

Les leviers pour l’engagement et l’action
Olivier Thébaud, chercheur à l'Ifremeret Étienne Rivot, enseignant chercheur à l'Institut Agro
Nous allons vous parler, dans cette présentation, de la gestion et de la conservation des ressources halieutiques. Les ressources halieutiques ont trois attributs clés. Elles sont rares, elles sont renouvelables et elles sont communes. Le fait qu'elles soient rares pose la question de leur gestion et des choix qu'impose leur utilisation. Le fait qu'elles soient renouvelables pose la question de la durabilité de cette exploitation et de la connaissance de la dynamique des populations qu'on exploite. Et le fait qu'elles soient communes pose la question de la régulation de l'accès à ces ressources. Nous allons, dans cette présentation, aborder ces deux grandes questions de l'exploitation durable et de la régulation de l'accès.
1. Les modèles d'évaluation des stocks
Je vous propose de définir, maintenant, la façon dont les principes de la dynamique des populations sont mobilisés pour produire des outils d'aide à l'évaluation des stocks et à leur exploitation durable. Les approches monospécifiques, stock par stock, sont largement utilisées dans la pratique. Il faut commencer par définir ce qu'est un stock. Un stock, c'est peu ou prou une population. On parlera, par exemple, du stock de soles du golfe de Gascogne.
Justement, pour aider à l'évaluation de ces stocks, on va construire des modèles d'évaluation des stocks qui sont des représentations mathématiques simplifiées des processus écologiques, biologiques qui contrôlent le renouvellement, la dynamique des populations. Dans ces modèles, on va s'intéresser en priorité à représenter l'effet direct de la pêche sur les populations, la pêche agissant comme un prélèvement qui augmente, du coup, la mortalité directe de ces populations. Ces modèles vont nous permettre de caractériser un concept fondamental de la gestion des ressources renouvelables, le rendement maximum durable, le RMD.
Le RMD va traduire un compromis optimal entre exploitation de la ressource et durabilité. La définition du RMD, c'est la quantité maximum de ressources que l'on va être capable de prélever sur un stock tout en garantissant la pérennité du renouvellement de ce stock sur le long terme. Voyons un petit peu plus dans le détail comment fonctionnent ces modèles. Ces modèles vont nous permettre de prédire l'évolution de l'abondance d'un stock en fonction de l'intensité de l'exploitation par la pêche. On voit ici que, globalement, l'abondance du stock va décroître naturellement lorsque l'intensité de la pêche va augmenter.
Parallèlement, les captures vont évidemment augmenter dans un premier temps, lorsqu'on augmente l'intensité de la pêche, jusqu'à atteindre un maximum, pour ensuite se mettre à décroître une fois qu'on aura dépassé ce maximum. Et on voit apparaître ici le RMD, qui est défini comme le point qui maximise les captures, qui s'obtient pour une certaine intensité de la pêche, qu'on appelle ici le FRMD, et qui va correspondre à un niveau de biomasse, le BRMD. Le BRMD, naturellement, est plus faible que la biomasse à l'état vierge, c'est-à-dire la biomasse du stock non exploitée. Dans la pratique, on constate que ce BRMD représente environ 30 % de la biomasse à l'état vierge, dans la plupart des cas. Alors, ce RMD, c'est vraiment un point de référence fondamental sur lequel on va s'appuyer pour définir le statut du stock et orienter la gestion. Globalement, pour simplifier, l'objectif de la régulation des pêcheries, ça va être d'essayer de maintenir la pêcherie dans cette zone autour de ce RMD pour éviter de se situer dans une zone de sous-exploitation, à gauche du graphique, ou dans une zone de surexploitation qui représente un danger pour le renouvellement de la ressource.
On peut utilement compléter ces diagnostics par ce que l'on appelle le diagramme de Kobe. Le diagramme de Kobe consiste à représenter l'évolution de l'état du stock au cours d'une série chronologique en fonction de deux indicateurs. Le premier indicateur, c'est, donc sur l'axe des x, le niveau de biomasse par rapport à la biomasse au RMD. Le deuxième indicateur, c'est le niveau de l'intensité de la pêche par rapport à celui qu'on devrait avoir au RMD. On voit ici, sur cet exemple (ci-dessous), qu'en 2009, donc première année, dans cet exemple, de l'évaluation, on était situé dans une zone de fort risque, caractérisée par une biomasse faible et une intensité de la pêche trop forte. Du coup, la pêche a été régulée de manière à baisser l'intensité de la pêche, et on voit alors la biomasse se reconstituer avec un certain effet retard pour atteindre, la dernière année de l'exploitation, en 2021, un bon état écologique caractérisé par un faible risque.
2. Causes de variabilité des modèles de stocks
Il faut noter qu'il existe une grande variabilité des configurations autour de ce principe général. Un premier élément important de cette variabilité, c'est que la réponse des populations à la pression de pêche va varier en fonction des caractéristiques biologiques des espèces. Par exemple, les espèces caractérisées par une forte croissance, une forte fécondité, mais également, ça va avec, une faible longévité, j'ai pris l'exemple ici de la sardine, vont être caractérisées par une productivité forte, c'est-à-dire un RMD qui va représenter une forte proportion de la biomasse au RMD. À l'inverse, des espèces comme le requin, par exemple, caractérisées par une faible croissance, une faible fécondité mais une forte longévité, vont être caractérisées par une productivité faible, c'est-à-dire un RMD qui va représenter une faible proportion de la biomasse au RMD. Bien sûr, ces espèces seront a priori plus sensibles à la surexploitation.
Un deuxième élément important, c'est que l'impact de la pression de pêche sur les populations va dépendre aussi de la structure démographique des captures. Donc là, on est dans des considérations techniques. Par exemple, les mailles d'un chalut ou d'un filet vont conditionner la taille minimum des poissons qui seront retenus par ce filet. Et d'une manière générale, on constate que le RMD et la biomasse au RMD vont augmenter considérablement lorsqu'on va augmenter la taille ou l'âge à la première capture. Un élément très important, un deuxième levier, si vous voulez, pour la gestion des pêches, sera donc un levier technique qui va consister à encourager les mesures techniques qui favorisent le prélèvement des poissons plus âgés et plus gros.
3. Régulation de l'accès aux stocks : le problème de la "course aux poissons"
Abordons maintenant la question de la régulation de l'accès aux ressources halieutiques. Comme on l'a dit, ces ressources sont communes, c'est-à-dire qu'à la différence des moutons dans les alpages dont chacun peut être marqué pour identifier son propriétaire à tout moment, les poissons dans l'océan ne peuvent pas être affectés à un exploitant particulier, a priori. La situation est telle que les poissons, tant qu'ils nagent librement, peuvent être exploités par n'importe quel pêcheur, et c'est au moment où le poisson est prélevé qu'il est approprié par un exploitant, et donc plus disponible pour les autres.
Il s'ensuit que si je suis pêcheur et que je regarde ma stratégie de pêche, mes captures vont dépendre non seulement de mon effort de pêche, mais également de l'effort de tous les autres exploitants qui participent à la même pêcherie. Et si j'augmente mon effort de pêche, je vais avoir un bénéfice à mon niveau, mais également des conséquences défavorables ou négatives sur les autres exploitants de cette pêcherie. Il y a donc une tendance à l'émergence d'une divergence entre la rationalité individuelle, ce qu'il me semblerait intelligent ou intéressant de faire en termes de stratégie d'exploitation, et puis ce que le collectif auquel j'appartiens jugerait pertinent que je fasse en termes de stratégie d'exploitation.
Ce phénomène, qu'on appelle aussi course aux poissons, débouche sur une tendance au développement de surcapacité, puisque chacun va être incité, encouragé à investir pour être le premier à accéder aux poissons accessibles avant que d'autres n'aient pu les pêcher à sa place. Cette surcapacité va induire une raréfaction des ressources qui accroît la tension et les difficultés mais également des manques à gagner, puisque trop de moyens vont être engagés par rapport aux possibilités de capture, des conflits d'usage entre exploitants, et également, à terme, une surexploitation du potentiel de renouvellement des ressources qui va accroître encore l'acuité de ces difficultés, puisque plus les ressources sont rares, plus ces tensions vont être importantes, et le problème va être compliqué.
4. Les fonctions de l'aménagement des pêcheries
Il y a deux fonctions majeures pour l'aménagement des pêcheries.
La première, qui est une fonction de conservation avec un objectif de préservation du potentiel de production et de reproduction des ressources, en fixant des limites aux captures totales et en déterminant ou en sélectionnant les individus dans des populations marines exploitées qui vont être exploitables, mais il y a également les mesures de régulation de l'accès, ces mesures visant, pour le potentiel d'exploitation ou les possibilités d'exploitation identifiés, avec des objectifs de conservation, à déterminer quels exploitants peuvent accéder à quelles parts de ce potentiel d'exploitation, a priori pour éviter la course aux poissons. Observons au passage que les économistes ont proposé des objectifs de conservation qui sont plus protecteurs pour les stocks que ce fameux rendement maximum durable.
Si on reprend le schéma précédemment représenté, avec les captures en fonction, ici, non plus de la mortalité par pêche mais de l'effort de pêche, c'est-à-dire du nombre de navires, de l'intensité de leur activité, on retrouve cette courbe en cloche qui permet de représenter l'évolution des captures avec ce niveau d'effort. Et on retrouve aussi un maximum qui correspond à cette notion de rendement maximum durable pour lequel les pêcheurs, potentiellement, obtiennent aussi les revenus maximum durables, puisque les captures sont ce sur quoi se construit le revenu des activités de pêche. Mais on peut ajouter, dans cette représentation, la notion de coût d'exploitation. Et c'est, ici, la droite grise qui présente un coût évoluant proportionnellement avec l'effort de pêche. Plus il y a d'effort de pêche, plus le coût d'exploitation augmente. Et quand on ajoute cette dimension et qu'on la compare avec l'évolution des revenus, on voit bien, la différence entre la courbe orange et la droite grise, que le profit maximum, ou la rente maximale extraite de cette pêcherie, va s'obtenir pour des niveaux d'effort de pêche plus faibles que ceux qui correspondent au rendement maximum durable, puisqu'on sera à des niveaux qui permettent de maximiser la différence entre revenus et coûts, et donc c'est, ici, l'effort au rendement économique maximum durable, le EREMD.
Quel que soit l'objectif de conservation, ces mesures de conservation vont être nécessaires, mais elles ne vont pas être suffisantes. Elles ne vont pas être suffisantes, car en l'absence de régulation de l'accès, il n'y aura pas de possibilité de limiter ces tendances au développement de surcapacité qui induisent pertes économiques, conflits, mais également qui peuvent atténuer ou affaiblir les efforts de conservation poursuivis dans la gestion.
5. Exemple de régulation : la pêcherie de flétan du Pacifique
Pour s'en convaincre, on peut prendre cet exemple historique de la pêcherie de flétan du Pacifique dans laquelle, au cours des années 80-90, des efforts avaient été faits pour restaurer la ressource par l'adoption de mesures de conservation. On le voit ici avec des barres jaunes qui représentent l'évolution des captures autorisées dans cette pêcherie sur la période, et on voit ces captures augmenter avec la reconstitution de la biomasse au cours des années 80. Mais, dans le même temps, avec la courbe rouge, on voit que la reconstitution de la ressource, l'amélioration de la productivité de cette pêcherie a attiré de nouveaux navires qui sont rentrés pour tirer parti de cette nouvelle possibilité d'exploitation en l'absence de régulation de l'accès.
Et à la fin des années 80, on voit, avec la courbe en bleu, diminuer fortement la durée de la saison de pêche qui n'était plus que de quelques jours, puisque le total de captures possibles du fait des mesures de conservation était capturé avec beaucoup de navires en très, très peu de temps avec des conséquences économiques désastreuses. À la fin des années 80, début des années 90, le régulateur met en place des mesures de régulation de l'accès, ici des quotas individuels, qui permettent d'inverser totalement cette tendance avec un changement des stratégies de pêche, un étalement de la saison de pêche sur quasiment toute l'année, et une diminution du nombre de navires actifs dans la pêcherie, avec un certain succès. Donc, on voit bien l'intérêt de ces mesures de régulation de l'accès complémentairement aux mesures de conservation pour assurer la durabilité d'une pêcherie.
Conclusion
Les causes de la surexploitation des ressources halieutiques sont bien identifiées depuis de nombreuses années. Des solutions existent et sont également relativement bien connues. Les difficultés principales sont souvent pour adopter ces solutions de nature économique, sociale et politique. Et il est important d'inclure ces dimensions dans la science qui sert d'appui à la gestion des pêcheries.
Contributeurs
Grataloup Christian
professeur émérite
BOEUF Gilles
Sorbonne Université
Gaill Françoise
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Speich Sabrina
ENS - PSL
Houssais Marie-Noëlle
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Castelle Bruno
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Durand Gaël
directeur de recherche au CNRS
Samadi Sarah
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Matabos Marjolaine
chercheuse , IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer
Bertrand Arnaud
IRD - Institut de Recherche pour le Développement
Lévy Marina
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Bopp Laurent
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Beaugrand Grégory
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Paul-Pont Ika
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Massé Cécile
référente Espèces non indigènes au sein de PatriNat
Olivier Frédéric
professeur , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
David Bruno
ancien Président , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Prazuck Christophe
directeur de l'Institut de l'océan , Sorbonne Université
Foulquier Éric
maître de conférences , Université de Bretagne Occidentale (UBO)
Massé Guillaume
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Le Pape Olivier
L'institut Agro
Gascuel Didier
Institut agro Rennes Angers
Sadoul Bastien
maître de conférences , Institut agro Rennes Angers
Bas Adeline
Chercheuse , IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer
Thébaud Olivier
IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer
Rivot Étienne
L'institut Agro
Kerbiriou Christian
maître de conférences , Sorbonne Université
De Wever Patrick
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Ybert Sébastien
coordinateur France 2030 Grands fonds marins
Chlous Frédérique
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Mariat-Roy Émilie
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Deldrève Valérie
INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Queffelec Betty
maîtresse de conférences , Université de Bretagne Occidentale (UBO)
Galletti Florence
IRD - Institut de Recherche pour le Développement
Mongruel Rémi
IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer
Duron Sophie-Dorothée
Directrice du Parc national de Port-Cros
Beuret Jean-Eudes
Professeur , Institut agro Rennes Angers
Richer Jean
laboratoire PoLiCEMIES , Université de La Rochelle
Guillou Elisabeth
Université de Bretagne Occidentale (UBO)
Améziane Nadia
professeure du , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Le Viol Isabelle
maîtresse de conférences , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Lucas Sterenn
Maître de Conférences , Institut agro Rennes Angers
Becquet Lucas
chef de projet IPOS au sein de la Fondation OSF