En ligne depuis le 21/02/2025
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Description
Guillaume Massé, chercheur au CNRS, présente dans cette vidéo un aperçu des impacts induits par le transport maritime sur la biodiversité marine. Il évoque à la fois les impacts indirects, liés notamment aux émissions de gaz à effet de serre, et les impacts directs, comme les pollutions, le bruit ou les collisions.
Objectifs d'apprentissage :
- Identifier les principaux impacts, directs et indirects, du transport maritime sur la biodiversité marine
- Expliquer les tendances par rapport à l'évolution de ces impacts.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Sciences de la vie
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Objectifs de Développement Durable
- 12. Consommation et production responsables
- 14. Vie aquatique
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
- Transports et mobilités durables
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Massé Guillaume
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée, d’une vidéo du MOOC UVED « L’Océan au cœur de l’Humanité ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Transport maritime et vie marine
Guillaume Massé, Chercheur au CNRS
- Définition du transport maritime
Typiquement, le transport maritime est le transport de marchandises sur l'océan, en utilisant des cargos, des navires spécialisés, comme les porte-conteneurs, les méthaniers, les pétroliers, et tout un tas de navires. Et le transport maritime, c'est aussi le transport de personnes. Cette fois-ci, on utilise des navires à passagers, comme les ferries, les navires de croisière.
Finalement, on a à peu près 130 000 navires qui sillonnent l'océan. On a jusqu'à 7 000 ou 7 500 navires qui vont faire plus de 300 m. 95 % des marchandises qui sont échangées sur la planète passent par le transport maritime.
Il n'y a plus beaucoup d'endroits à la surface de l'océan qui ne sont pas visités par des navires. Ici, vous avez une carte, et sur cette carte, vous voyez tous les tracés en rouge, tout le rouge, ce sont les zones qui sont les plus fréquentées par les navires. Vous voyez qu'il y a des choses qui sont même rouge bordeaux, avec des lignes qui sont très, très empruntées. Finalement, quand on regarde, il y a vraiment peu d'endroits dans l'océan qui ne sont pas fréquentés par les navires.
Cette utilisation un peu effrénée de l'océan n'est pas sans conséquences.
2. Le changement climatique
La première conséquence est le dérèglement climatique. Parmi tous ces navires, la plupart utilisent des combustibles fossiles, et qui dit combustibles fossiles dit génération de gaz à effet de serre. C'est à peu près mille millions de tonnes de CO₂ qui sont émises par tous les navires impliqués dans le transport maritime. C'est à peu près 2,9 % des émissions de gaz à effet de serre sur la planète.
En dérèglant le climat, le transport maritime a un impact sur la biodiversité marine, que ça soit en augmentant ou en contribuant à l'augmentation de la température de l'océan, il faut savoir que c'est à peu près 1,5 degré, depuis l'ère préindustrielle, de réchauffement, l'acidification, mais aussi la fonte de la banquise, par exemple.
3. Les pollutions
Après, en termes d'impacts directs, on peut parler, par exemple, de pollution. Quand je parle de pollution, je pense immédiatement à la pollution par les hydrocarbures. On se souvient tous des grandes catastrophes, des naufrages de pétroliers tels que l'Amoco Cadiz, le Torrey Canyon, l'Erika, l'Exxon Valdez en Alaska. Là, à chacun de ces naufrages, ce sont des centaines de milliers de tonnes de pétrole qui sont déversées dans l'océan, qui vont dériver et souiller des centaines de kilomètres de côte.
Une huile, c'est un mélange de molécules, donc c'est plusieurs dizaines de milliers de molécules dont certaines sont extrêmement toxiques. Par exemple, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, des molécules qui sont toxiques, vont avoir des effets, des effets importants, sur la faune marine, jusqu'à des effets tératogènes, cancérigènes, et ainsi de suite.
Là, je vous ai parlé des naufrages, mais il y a aussi des pratiques que je qualifierais de volontaires. Souvent, on appelle ça du dégazage, mais ce n'est pas le bon terme. On appelle ça en fait le déballastage. C'est une pratique pour gagner un peu plus d'argent : on va vider des cuves souillées qu'on va nettoyer en mer et on va les vider en haute mer. C'est aussi extrêmement important. Vous avez des nappes d'huile qui sont moins grandes que lors d'un naufrage, mais beaucoup plus nombreuses, qui vont flotter à la surface et impacter tout autant les oiseaux et la faune marine.
Après, le point positif, c'est que, suite à ces naufrages, on a fait évoluer la législation. Maintenant, il y a de nombreux équipements de sécurité qui sont obligatoires sur les navires : on parle de double coque, on parle de redondance de certains équipements de contrôle, les gouvernails, par exemple. Pour ce qui est des déballastages sauvages, on a des unités qui sont spécialisées et qui sont chargées de traquer en permanence les contrevenants.
Après, la pollution par les hydrocarbures est une pollution importante, mais ce n'est pas la seule. Typiquement, quand on pense aux porte-conteneurs, il y a beaucoup de conteneurs qui se retrouvent perdus en mer. Un conteneur qui va arriver dans le milieu marin, que ça soit rapidement ou même à long terme, une fois qu'il sera tout rouillé et dégradé, invariablement, va déverser son contenu dans l'océan.
Et il y a certaines marchandises qui sont transportées dans ces conteneurs qui sont hautement toxiques, avec beaucoup de produits chimiques. Il y a aussi des produits qui sont issus des activités de plasturgie et qui, eux, lorsqu'ils vont être déversés dans l'océan, vont venir contribuer à toute cette pollution plastique dont l'océan est déjà plein.
Point positif quand même, en 2023, l'OMI annonçait que 221 conteneurs ont été perdus. Ce sont des chiffes qui sont difficiles à vérifier, mais c'est historiquement bas. Il y a eu pas mal de nouvelles mesures, notamment sur l'arrimage des conteneurs, les contrôles, etc., qui font que, a priori, les chiffres ont tendance à baisser.
4. Le bruit
Une autre pollution importante à laquelle on peut penser, et celle-là, on n'y pense pas forcément car c'est une prise de conscience assez récente, c'est que la surfréquentation de l'océan par tous ces navires génère énormément de bruit. La pollution sonore est quelque chose d'extrêmement important.
Il y a tout un tas de sources de bruit. Il y a des bruits naturels, ce qu'on appelle la biophonie ou la géophonie, et il y a des bruits qui sont générés par nos activités, l'anthropophonie, donc des bruits non naturels. En particulier, sur cette figure, vous voyez qu'il y a beaucoup de bateaux qui sont liés au transport maritime. Vous voyez un porte-conteneurs, un navire de croisière, etc., des navires océanographiques, et tous ces navires génèrent énormément de bruit. Il faut savoir que les navires, qui sont toujours plus grands, toujours plus nombreux, toujours plus rapides, génèrent des bruits d'une intensité qui peut être vraiment très élevée. On peut atteindre des intensités de l'ordre de 200 décibels. Pour information, c'est quand même plus important, plus sonore qu'un avion au décollage.
Ici, ce que vous voyez, c'est une carte d'une équipe scientifique, dans un article récent, qui montre justement toutes les zones qui sont polluées acoustiquement par le passage des navires de transport. Encore une fois, on voit bien en rouge les zones qui correspondent aux zones les plus fréquentées par les navires de transport.
Cette pollution sonore, qui va toucher l'essentiel de l'océan, a un certain nombre de conséquences sur les animaux marins. Ça peut perturber la communication, leur capacité à s'orienter, leur capacité à détecter des proies, et il y a certaines espèces qui vont changer leur comportement. Certaines espèces vont se déplacer, modifier leurs routes migratoires pour éviter les zones qui sont les plus bruyantes, et dans certains cas extrêmes, il y a certains individus, en particulier des cétacés, qui sont blessés, qui sont atteints de surdité. Chez d'autres espèces, comme les poissons, les bivalves, et ainsi de suite, il y a aussi tout un tas d'effets au niveau de leur physiologie.
Il y a encore beaucoup d'études à réaliser là-dessus pour comprendre ce qui se passe, mais c'est clair que, sur la pollution sonore, qui est une pollution qu'on a identifiée relativement récemment et on a encore beaucoup de travaux à réaliser pour comprendre les effets de cette pollution. Juste quelques chiffres : les auteurs de la publication sur les sons et la pollution sonore dont j'ai présenté la carte estiment que l'intensité des émissions sonores des navires double à peu près tous les 11,5 ans.
L'OMI a décidé de réduire la vitesse des navires, justement pour coller aux objectifs visant à réduire l'émission de gaz à effet de serre. Ils travaillent beaucoup à réduire l'empreinte sonore des navires. Ils vont travailler sur les hélices, éviter la cavitation et ainsi de suite pour éviter de générer des bruits ou les réduire au maximum. Et puis, de plus en plus, on commence à transporter des marchandises de nouveau à la voile.
5. Les collisions
En réduisant la vitesse des navires, on va aussi éviter les risques de collision, puisque, typiquement, des navires qui vont vite, qui sont très nombreux, dans des passages qui sont resserrés, ce sont aussi beaucoup de collisions avec des animaux marins, et notamment des cétacés. Il y a énormément de cétacés qui meurent des suites de collisions avec des navires de transport maritime.