En ligne depuis le 21/02/2025
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Description
Christian Kerbiriou, maître de conférences à Sorbonne Université, discute dans cette vidéo des impacts écologiques liés au développement de l'éolien en mer. Après un rappel sur les relations entre lutte contre le changement climatique et préservation de la biodiversité, il met en évidence les impacts écologiques, négatifs comme positifs, liés à la construction et à l'exploitation des éoliennes en mer.
Objectifs d'apprentissage :
- Localiser les antagonismes entre la protection de la biodiversité et celle du climat
- Expliquer les impacts positifs et négatifs, pour la faune, des éoliennes en mer
- Identifier des pistes d’action pour limiter ces impacts
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Sciences pour l'ingénieur
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Objectifs de Développement Durable
- 14. Vie aquatique
- 7. Energie propre et d'un coût abordable
Thèmes
- Enjeux Climat/Biodiversité
- Enjeux Climat/Énergie
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Kerbiriou Christian
maître de conférences , Sorbonne Université
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée, d’une vidéo du MOOC UVED « L’Océan au cœur de l’Humanité ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Comment concilier développement de l'éolien en mer et biodiversité ?
Christian Kerbiriou, Maître de conférences à Sorbonne Université
Concilier développement des énergies marines renouvelable et biodiversité marine constitue un des défit actuel dans le cadre de la crise environnementale globale. Le rapport conjoint du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) et de l'IPBES (la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) conclue que "La perte de biodiversité et le changement climatique sont tous deux induits par les activités économiques et se renforcent mutuellement. Aucun des deux ne pourra être résolu avec succès si les deux ne sont pas abordés ensemble."
1. Le « green green dilemma »
Si cet enjeu constitue un vrai challenge, un point encourageant est qu’il existe un consensus sur le fait que de nombreux leviers pour lutter contre le réchauffement climatique ont globalement un effet positif pour limiter l’érosion de la biodiversité et réciproquement. Ainsi les actions visant à protéger, gérer durablement et restaurer les écosystèmes peuvent avoir des effets bénéfiques à la fois pour la conservation de la biodiversité mais aussi sur l'atténuation du changement climatique via la capacité de certains écosystèmes (forêt, océans) à séquestrer le carbone. C’est d’ailleurs un des principaux leviers identifiés dans le rapport du GIEC en 2023.
Cependant, si de nombreux leviers pour lutter contre le réchauffement climatique ont globalement un effet positif pour la biodiversité, les actions en faveur du climat centrées sur la décarbonation de la production énergétique via le développement des énergies renouvelables, constitue une exception, car ce levier a globalement un effet négatif pour la biodiversité, d’où le terme « green-green dilemma ».
En France tous les scénarios envisagés par l’ADEME pour atteindre une neutralité carbone en 2050 mentionnent un approvisionnement énergétique qui reposera à plus de 70 % sur les énergies renouvelables, avec une forte composante de l’éolien, dont l’éolien offshore, c’est-à-dire l’éolien en mer. Le développement de l’éolien offshore posé sur le fond est relativement récent il s’agit de la technologie la plus mature et la plus développée parmi les énergies marines renouvelables. Il a été principalement déployé en mer du Nord et en Asie. Nous disposons désormais des premiers retours d’expériences et de quelques expertises collectives quant à l’impact de l’éolien offshore posé sur la biodiversité.
2. Les impacts négatifs
Les premiers impacts concernent les bruits engendrés lors des opérations de forage et de battage lors de la construction. Des impacts significatifs ont été documenté pour certaines espèces de mammifère marins tel que les marsouins, ces impacts peuvent se traduire par une désertion de la zone et ce jusqu’à 30 km du chantier de construction, et jusqu’à des effets traumatiques sur le système auditif. Les recherches et expérimentation se poursuivent pour évaluer les meilleures stratégies d’atténuation de ces bruits. Il s’agit notamment de rideau de bulles qui contribuent à réduire l’amplitude des ondes sonores.
Lors de la phase d’exploitation certaines espèces d’oiseaux, notamment des espèces migratrices ou hivernantes comme l’harelde de Miquelon ou les plongeons vont, une fois le parc éolien construit, éviter de fréquenter le parc, réduisant de fait la superficie des zones potentielles d’alimentation. Ces éoliennes sont par ailleurs susceptibles d’occasionner de la mortalité sur faune volante (oiseaux et chauve-souris), via les collisions avec les pâles. Or même un faible nombre d’évènement de mortalité peut avoir des conséquences en termes de viabilité des populations d’espèces longévives c’est-à-dire d’espèces caractérisées par une survie adulte très élevées, et une faible fécondité. A titre d’exemple, certaines espèces d’oiseaux marins ne se reproduisent parfois pas avant 3-5 ans et ne produisent qu’un ou deux jeunes/an/couple. Ces espèces longévives ont donc un très faible taux de renouvellement et sont très sensibles aux évènements de mortalité d’adulte. Concernant la réduction de ces impacts, des solutions existent comme le bridage des machines lorsque les conditions sont très favorables aux déplacements de la faune volantes. Ces mesures de réductions sont notamment mises en œuvre pour l’éoliens terrestre et ont prouvé leur efficacité à réduire une part de cette mortalité.
Plusieurs autres pressions associées au développement de l’éolien offshore ont été identifiées et leurs impacts sont en cours d’évaluation comme les pollutions lumineuses et chimiques liées aux peintures antifouling, aux anodes sacrificielles ou encore aux champs électromagnétiques générés par le courant dans les câbles électriques qui relient les parcs aux réseaux électriques.
3. Les impacts positifs
Les impacts des éoliennes offshore sur la biodiversité ne sont pas que négatifs, les structures immergées des éoliennes sont en effet susceptibles d’offrir des conditions favorables à l’installation de nombreuses espèces marines, et notamment une faune fixée comme les moules, anémones de mers qui à leur tour vont attirer toute une diversité de petits crustacés et de poissons tacaud, morues qui vont s’en nourrir.
A cet effet récif s’ajoute un effet de réserve pour les parcs où la pêche est exclue du périmètre du parc. Cette absence de pêche se révèle favorable à des espèces des fonds sableux comme les sabelles, des vers tubicoles qui lorsqu’il ne sont pas impactés par le chalutage crée par leur densité des récifs sous-marins, un habitat marin considéré à l’échelle européenne comme prioritaire.
4. Les impacts à plus large échelle
De par les enjeux en termes d’objectifs à atteindre - à titre d’exemple 50 parcs éoliens sur la façade maritime française métropolitaine à l’horizon 2050 - il est nécessaire d’évaluer les impacts cumulés à des échelles plus large que la seule zone des parcs. Les premières projections à l’échelle de la mer du Nord, souligne que les effets de sillages générés par les parties aériennes et immergée des éoliennes sont susceptibles d’induire une réduction de la vitesse des vents de surface, des courants marins, d’augmenter la concentration de sédiments en suspension et de modifier plusieurs paramètres physico-chimiques de la masse d’eau (salinité, température, oxygène). Ce phénomène de dépression induit par l’effet de sillage des éoliennes est ainsi susceptible d’altérer la stratification des masses d’eau, c’est-à-dire l’existence de couches d’eau plus chaudes en surface. Au final, certaines études prédisent une redistribution de la production primaire à l’échelle de la mer du Nord et une diminution de la concentration en oxygène dissous dans des zones où cette concentration était déjà faible, suggérant une possible réduction de la survie des larves de poisson.
5. Conclusion
Ainsi si le changement climatique est devenu le symbole de l’urgence environnementale, cette menace du changement climatique ne doit pas faire oublier les autres aspects de la crise environnementale globale comme l’érosion de la biodiversité. Aux vues des enjeux, il est donc particulièrement crucial de renforcer la convergence entre les enjeux climat et biodiversitépour des actions durables et globales et considérer les impacts qu’auront sur la biodiversité les actions pour le climat. Cet objectif implique une planification orchestrée afin d’éviter l’implantation de ces Energie Marines renouvelables dans les zones les plus sensibles. Il convient aussi d’adopter des mesures de réduction de ces impacts que ce soit en phase de construction, d’exploitation ou de démantèlement. De manière plus générale il est probablement illusoire d’espérer produire de l’énergie, même renouvelable, sans un certain niveau d’impact sur la biodiversité. Ceci questionne ainsi plus généralement notre consommation énergétique. Les scénarii pour atteindre la neutralité carbone reposent sur une réduction de la demande en énergie, elle-même liée à la demande de biens et de services, mais aussi de considérer le vivant comme un élément de la solution pour cette transition permettant de combiner trois leviers stratégiques : le stockage de carbone, la production de biomasse et la réduction des gaz à effet de serre.