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Description

Adeline Bas, chercheuse à l'Ifremer, discute dans cette vidéo de l'éolien en mer comme objet de recherche pour les sciences humaines et sociales. Après une remise en perspective à l'échelle de la France, elle montre quels peuvent être les apports des sciences humaines et sociales pour l'étude de ces projets qui transforment profondément les territoires concernés.    

Objectifs d'apprentissage :

- Expliquer comment va se déployer l'éolien en mer en France dans les prochaines décennies
- Montrer comment l'éolien en mer transforme les territoires marins et littoraux
- Identifier des axes de recherche, pour la science, par rapport à de tels projets

 

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences de l’Homme, Anthropologie, Ethnologie
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 14. Vie aquatique
  • 7. Energie propre et d'un coût abordable
Thèmes
  • Enjeux Climat/Énergie
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
énergie éolienneocéansciences humaines et socialesrechercheénergie marineénergie renouvelableterritoireséconomieacceptabilité
Océan et sociétés : impacts et transitions
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Transport maritime et vie marine
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Les ressources de la pêche et de l’aquaculture : enjeux alimentaires
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L’approche écosystémique des pêches : réconcilier exploitation et conservation
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Chercheurs, citoyens et politiques : agir pour l'océan
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Contributeurs

Bas Adeline

Chercheuse , IFREMER - Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer

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Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée, d’une vidéo du MOOC UVED « L’Océan au cœur de l’Humanité ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.

Les énergies marines renouvelables

Adeline Bas, Chercheuse à l'Ifremer

Dans un contexte de changement climatique de plus en plus prégnant, les énergies marines renouvelables sont l’une des technologies mises en avant pour l’Union européenne pour décarboner la production d’électricité et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Sous l’impulsion du Pacte vert pour l’Europe de 2019, la Commission européenne prévoit d’installer au moins 60 GW d’ici 2030 et 340 GW d’ici 2050. L’éolien en mer est actuellement la technologie la plus mature. Cette technologie a donc la part belle dans ces objectifs puisque l’éolien en mer contribuera seul à l’objectif de 60 GW à 2030 et apportera 300 GW d’ici 2050, sachant que fin 2022, une trentaine de GW étaient installés en Europe.

1. L’éolien en mer en France

Comment se positionne la France vis-à-vis de ces objectifs européens et vis-à-vis de l’éolien en mer ? L’histoire de l’éolien en mer démarre en France dans les années 2000 sans une réelle planification à long terme du développement de cette énergie. Une série d’appel d’offres est lancée pour l’installation et l’exploitation de parcs éoliens en mer au large de nos côtes, avec des durées de développement longues, puisqu’il faut attendre 2022 pour voir le 1er parc entrer en phase d’exploitation après 10 ans de développement. Dans la perspective d’accélérer le déploiement de l’éolien en mer posé et flottant pour atteindre les objectifs ambitieux européens, l’Etat français a fait évoluer les lois et les réglementations. Ces évolutions ont permis entre autres de définir récemment en 2024 une planification à long terme de l’éolien en mer, pour atteindre l’objectif de 18 GW installés en 2035 et 45 GW installés en 2050. Ces objectifs nationaux ont ensuite été déclinés à l’échelle de chaque façade maritime de la France métropolitaine.

C’est ce que montre la carte ci-dessus où l’on peut voir les zones de développement de l’éolien en mer. Les parcs seront installés dans notre espace maritime au large de Dunkerque jusqu’à Oléron, et en Méditerranée au large de Perpignan jusqu’à Marseille. Les points verts sont les 3 parcs actuellement en exploitation (SNA, SBR et FEC), les points oranges sont les parcs en construction (Yeu Noirmoutier, COU, Dieppe Le Tréport). Les points bleus sont les parcs en développement i.e. que les appels d’offres ont été remportés mais la construction n’a pas encore été lancée. Les zones noires sont les zones actuellement mises en concurrence i.e. les zones où des appels d’offres sont en cours. Les aplats roses sont les zones prioritaires à développer d’ici 2035. Il s’agira d’éolien posé. Les zones hachurées en vert sont les zones prioritaires à développer d’ici 2050. Ce sera de l’éolien flottant puisque les parcs seront très éloignés des côtes. L’ensemble de ces parcs permettra de répondre aux objectifs assignés par l’Etat à chaque façade maritime, objectifs que l’on peut lire sur cette slide. On peut remarquer qu’à l’horizon 2050 c’est la façade NAMO (i.e. l’espace maritime au large des régions Pays de la Loire et Bretagne) qui sera la façade qui contribuera plus aux ambitions françaises en matière d’éolien en mer. La planification de l’éolien en mer, telle que présentée à travers cette carte, devrait faire en sorte que la France contribue à hauteur de 15% aux objectifs européens fixés à horizon 2050.

2. Un objet d’étude pour les sciences humaines et sociales

L’éolien en mer est un objet de recherche pour de nombreuses disciplines. Des recherches sont menées sur la technologie en tant que telle, sur les matériaux et les structures. Des recherches sont également conduites dans les champs des sciences de l’environnement pour comprendre les interactions des éoliennes en mer avec le milieu physique et le vivant. L’éolien en mer est aussi un objet de recherche pour les sciences humaines et sociales et c’est ce que je vais m’attacher à développer par la suite. Il s’agit pour nous d’étudier sous toutes les dimensions la mise en place de cette politique publique qu’est l’éolien en mer.

Les parcs éoliens en mer sont une nouvelle activité qui vient s’ajouter à des activités et des usages déjà présents en mer : la pêche, le transport maritime, l’extraction de granulats marins, la plaisance ou encore les activités de défense nationale. Une compétition spatiale peut avoir lieu pouvant entrainer des effets négatifs sur les activités pré-existantes comme des pertes de CA pour les pêcheurs ne pouvant plus accéder à la zone du parc pendant la phase chantier. Des effets positifs entre activités peuvent aussi avoir lieu comme par exemple la création d’une offre touristique avec la visite en bateaux des parcs.

Les parcs éoliens ont aussi des interactions avec la partie terrestre, avec les territoires dans lesquels ils s’insèrent. L’arrivée de l’éolien en mer à des impacts économiques liés aux aménagement des ports pour l’installation et la maintenance des éoliennes en mer. Il y a également des impacts économiques en termes d’emploi liés aux différentes phases d’un parc éolien et aux usines produisant les pales, les nacelles, les sous-stations électriques. Au-delà des effets économiques, les parcs éoliens en mer viennent aussi modifier le cadre de vie des habitants des littoraux avec notamment une évolution du paysage, avec la crainte d’une dépréciation des biens immobiliers.

Enfin, l’éolien en mer, comme tout aménagement, a des effets sur l’environnement marin et littoral. Nous tenons compte de la dimension environnementale dans nos recherches en sciences humaines et sociales puisque les recherches sur le thème de la durabilité impliquent de s’intéresser au socio-écosystème, c’est-à-dire pour faire simple, aux interactions entre écosystèmes et activités humaines.

Je viens d’énumérer quelques effets ou interactions entre les parcs éoliens et les territoires qui donnent du grain à moudre aux chercheurs en économie, en géographie, en sciences politiques, en sociologie, en anthropologie, en droit pour comprendre comment se fait la politique de l’éolien en mer et quelles en sont les conséquences, notamment du point de vue des enjeux de justice sociale et environnementale.

3. Exemples d’apport des SHS

Un des apports de la recherche menée en sciences humaines et sociales est d’amener de la nuance et du recul par rapport aux situations observées et aux discours politiques. Un exemple pour illustrer ceci est le cas de l’emploi. La création d’emploi local et d’emploi en général est un des arguments mis en avant par les industriels, par les collectivités territoriales et par l’Etat au bénéfice du déploiement de l’éolien en mer. Or, les travaux de recherche réalisés en économie montrent la complexité à évaluer de manière robuste l’emploi généré par l’éolien en mer étant donné qu’il s’agit d’une filière européenne, internationale, globalisée. Les dispositifs de statistiques de l’INSEE et d’autres producteurs nationaux de données d’autres pays ne permettent pas d’avoir de la donnée sur l’emploi ou la valeur ajoutée créée par l’éolien en mer car la nomenclature des activités économiques sous-jacente utilisée par l’INSEE ne référence pas l’activité éolien en mer en tant que telle. Elle est décomposée, disséminée en plusieurs métiers, plusieurs activités comme la construction navale ou les travaux publics maritimes. Idéalement, pour avoir une évaluation précise et robuste de l’emploi créé par l’éolien en mer, il faudrait reconstituer l’ensemble de la chaine de valeur, c’est-à-dire l’ensemble des sous-traitants. Or c’est une tâche complexe, voire impossible.

Par exemple les chantiers de l’Atlantique qui construisent les postes de sous-station électrique à Saint-Nazaire travaillent avec plus de 200 sous-traitants qui eux-mêmes sous-traitent à des sous-traitants, etc. Les contraintes liées à la donnée amènent donc les chercheurs à reconstituer cette donnée en utilisant des enquêtes auprès des entreprises de la filière et en faisant de la modélisation. Derrière les annonces d’emploi créés par l’éolien en mer se cachent donc des enjeux méthodologiques d’évaluation importants, qui font encore l’objet de recherche. Sans nier l’existence d’emplois réellement créés, les estimations produites méritent d’être accueillies avec un certain recul au vue de la difficulté méthodologique à évaluer l’emploi et donc à objectiver le nombre d’emploi créé.

Un autre exemple d’apport de la recherche menée en SHS sur le sujet de l’éolien en mer est de mettre en lumière les tensions générées par la politique d’accélération de déploiement de l’éolien en mer à la fois en termes d’appropriation par les acteurs et en termes de démocratie participative.

Du point de vue de l’appropriation de l’éolien en mer, le champ disciplinaire de l’étude des sciences et des techniques montre l’importance du temps long pour que l’apprentissage se fasse entre les acteurs et habitants d’un territoire vis-à-vis d’une nouvelle technologie. Dans le cas de l’éolien en mer, on voit une tension entre une injonction d’une part à planifier, à accélérer l’éolien pour aider une filière à se construire et pour atteindre la neutralité carbone, et d’autre part prendre le temps d’articuler cette nouvelle technologie avec les territoires. Par exemple, les calendriers ont été bousculés sous l’impulsion de l’Etat via le lancement d’appels d’offres pour l’éolien flottant sans attendre le retour d’expérience de parcs pilotes initialement prévu pour comprendre les effets de l’éolien flottant qui est encore aujourd’hui une technologie au stade de développement. Cette situation a généré de l’incompréhension pour les habitants des territoires concernés qui souhaitaient avancer progressivement avec des parcs tests avant de lancer des parcs commerciaux.

Du point de vue de la démocratie participative, la politique d’accélération de l’éolien en mer met en lumière la difficulté à débattre des choix énergétiques à différentes échelles, du national au très local. Il ressort une constante des processus de concertation et de débats publics associés à l’éolien en mer, celle du désir des habitants des territoires littoraux à prendre part aux modalités d’une politique énergétique qui se décide au niveau national pour s’appliquer ensuite concrètement sur les territoires. Les recherches menées sur la gouvernance liée aux politiques publiques tendent à montrer le besoin d’avoir des instances délibératives locales, aujourd’hui manquantes, pour gérer et décider localement des choix énergétiques et plus largement des choix d’aménagement et de préservation des territoires y compris les espaces littoraux et marins.

Enfin, je terminerai par citer la notion d’acceptabilité sociale qui est généralement là où on attend les sciences humaines et sociales. Etudier les interactions entre les parcs éoliens en mer avec l’environnement marin, les territoires, les organisations sociales nous amène indirectement à étudier et à comprendre les diverses facettes de l’acceptabilité sociale des parcs éoliens en mer puisque ces interactions jouent sur l’acceptabilité des parcs, mais sans chercher à trouver une recette magique pour rendre les aménagements acceptables puisqu’une telle recette n’existe pas.