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Description

François Sarrazin se focalise sur les différentes stratégies qui peuvent être mobilisées pour préserver les espèces menacées d'extinction. Il revient tout d'abord sur quelques facteurs de risques (climat, vortex d'extinction), ainsi que sur quelques données de cadrage de l'UICN. Dans ce contexte, il avance plusieurs voies de préservation, comme les espaces protégés, les législations nationales et internationales, la conservation ex-situ ou encore les translocations de conservation.

Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre les différentes stratégies mobilisées pour préserver les espèces menacées d'extinction
- Connaître les facteurs de risques pour les espèces menacées
- Appréhender plusieurs voies de préservation des espèces menacées

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Mentions Licence
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Types
  • Grain audiovisuel
Gestion de la biodiversité - Clip
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(Ré)concilier société et biodiversité
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Biodiversité du futur : gérer l'évolution biologique
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Contributeurs

Sarrazin François

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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Stratégies de préservation des espèces menacées

François Sarrazin, Professeur, Sorbonne Université (Pierre et Marie Curie)

Récemment (en 2014), le WWF et la Zoological Society de Londres ont produit un indice Planète vivante. Cet indice est basé sur la dynamique de 10 000 populations appartenant à plus de 3000 espèces de vertébrés répartis à travers le monde. Cette dynamique montre qu'au cours des 40 dernières années, l’abondance moyenne de ces populations a décliné de près de 52 %.

1. Le vortex d’extinction

Ceci reflète ce qu'on qualifie de vortex d'extinction. L'érosion de la biodiversité à l'échelle des populations résulte des effets environnementaux, avec des facteurs naturels de variabilité environnementale ou de stochasticité environnementale qui peuvent inclure également des événements catastrophiques. Mais ces facteurs sont surajoutés aux effets des activités humaines qui incluent la destruction, la dégradation et la fragmentation des habitats mais également la surexploitation des espèces et les effets d'introduction d'espèces exotiques qui viennent interagir avec ces espèces cibles. Les effets du changement climatique se surajoutent à ces effets environnementaux.

Quand ces populations atteignent des petits effectifs, elles rentrent dans des zones démographiques où les effets de survie, de reproduction, de dispersion de chaque individu jouent un grand rôle sur cette dynamique. Ces effets augmentent la fragmentation de ces populations et la baisse de leur densité. Cela a également pour effet d'entraîner des facteurs génétiques qui vont s'exprimer notamment au travers de la dépression de consanguinité mais également au travers de la dérive génétique. Cela va traduire une perte de potentiel d’adaptation de ces populations à des changements futurs.

2. Probabilités d’extinction

Dans un premier temps il est important de suivre le devenir de ces populations sur le terrain, de pouvoir analyser ces données par des approches statistiques, notamment démographiques. Cela permet d’estimer leur probabilité d'extinction et leur temps moyen d'extinction. Cela permet aussi d'évaluer l'état de conservation de ces populations et d’émettre des diagnostics sur les causes de leur déclin.

On peut ainsi prescrire des mesures de gestion, émettre des pronostics et définir des indicateurs de succès pour suivre à long terme le devenir de ces populations. Le contexte est celui de la gestion adaptative : elle doit permettre de revisiter, par suivi, les mesures de gestion qui ont déjà été mises en place. C'est dans cet esprit qu'ont été élaborées les listes rouges de l’UICN qui visent à établir, grâce à des critères quantitatifs (probabilités d'extinction, taux de déclin, distribution, effectifs matures) des catégories de menace pour les populations des espèces à l'échelle mondiale. Ceci est réalisé à l'échelle globale mais également à l'échelle locale. Plus de 74 000 espèces ont été évaluées jusqu'à présent parmi les 1,7 millions d'espèces décrites (qui ne constituent elles-mêmes qu'une partie de la biodiversité existante).

De nombreux groupes sont très peu évalués, comme les insectes, les lichens ou les mousses. Mais des groupes sont très bien évalués, comme les mammifères, les oiseaux, les amphibiens ou les gymnospermes. Les taux de déclin vont de 13 % pour les oiseaux à plus de 40 % pour les gymnospermes ou les amphibiens.

3. Conservation des espaces

Quelles sont les approches possibles pour lutter contre cette érosion de la biodiversité ? La première d'entre elles consiste à mettre en protection les habitats de ces espèces. Ainsi, la mise en place d'espaces protégés à l’échelle terrestre ou marine a été fortement développée. On compte une grande diversité d'espaces protégés à l'échelle mondiale mais qui ne recouvrent à l’heure actuelle que 13 % des terres émergées. Il y a assurément des contraintes qui pèsent sur ces espaces protégés et leur développement ne pourrait atteindre à terme qu’à peu près 17 % des terres émergées d'après les dernières données disponibles. Ces contraintes pèsent sur leur fragmentation, sur les conflits qu’ils peuvent générer avec le développement de certaines activités humaines et également sur les réponses aux changements climatiques que ces espaces protégés vont pouvoir fournir pour les espèces considérées. Néanmoins, ces espaces protégés ont montrés leur efficacité. Si l'on revisite l'indice Planète vivante pour les espèces et pour les populations situées en espaces protégés, on constate que cet indice est plus favorable que l'indice global. Ces espaces protégés ne sont pas la solution unique mais une des solutions pour enrayer cette érosion.

4. Conservation des espèces

Pour ce qui concerne la conservation des espèces hors de ces espaces protégés et au sein de ces espaces protégés, il est indispensable d'avoir recours à des législations, qu'elles soient nationales ou internationales. Cela permet notamment de réguler l'exploitation de certaines de ces espèces. C'est le cas de la convention de Washington, dite du CITES, qui régule le commerce d’un grand nombre d'espèces animales et végétales. C'est aussi le cas de la Commission baleinière internationale. C’est aussi le cas, à l'échelle européenne, de la Convention de Berne qui définit la liste des espèces protégées sur ce continent.

Là aussi, l'application de ces législations se heurte à un certain nombre d'intérêts économiques, culturels, sociaux qui sont notamment amplifiés par la rareté de ces espèces menacées. Cela leur donne une valeur économique très importante, ce qui entraîne un braconnage et un commerce à des fins parfois de collection, parfois d'usages, mais aussi à des fins de financements d'un certain nombre d'activités, notamment de conflits dans les pays africains.

Pour les espèces les plus menacées, il est usuel de pratiquer de la conservation dite ex situ, c'est-à-dire hors des milieux naturels. Il s’agit de placer ces espèces soit dans des parcs zoologiques, soit dans des jardins botaniques de façon à pouvoir gérer des pedigrees, constituer des banques de graines et assurer la conservation à l'échelle des individus de ces populations. Le but de cette conservation est certes de gérer ces populations mais également d'éduquer le public par rapport à ces enjeux.

Néanmoins, ces approches sont contraintes fortement par des problèmes logistiques qui ne permettent de conserver que des petits effectifs dans ces conditions. Ceci a pour effet des pertes de diversité génétique mais également des problèmes d'habituation à la captivité et de biais de pression de sélection puisque ces organismes ne sont plus au contact des contraintes qu'ils rencontreraient dans les milieux naturels. Cela pose un certain nombre de problèmes quant au maintien à long terme de ces populations captives.

En aval de ces actions de conservation in situ et ex situ, il est possible de tenter de restaurer des populations en appliquant ce qu'on appelle des translocations de conservation. Cela consiste à renforcer des populations encore existantes, à réintroduire des individus là où les populations se sont éteintes, voire à pratiquer des colonisations assistées lorsque des populations subissent les effets du changement climatique et devraient être déplacées pour pouvoir se maintenir. Ces programmes, qui pour certains montrent de grands succès, présentent un certain nombre de contraintes. Ils imposent d'avoir des analyses de viabilité, de faisabilité et de risques pour le devenir de ces populations. Ils constituent nécessairement des opérations à long terme qui vont se dérouler sur plusieurs décennies parfois. Enfin, il est indispensable de pouvoir comparer ces programmes et mesurer leur succès à long terme.

5. Conclusion

Quels sont les enjeux de la préservation de ces espèces ? De plus en plus souvent, il est argumenté que ces espèces devraient être triées en fonction de leur état de conservation pour mettre les moyens là où on peut les mettre pour être efficace. Cela revient à argumenter, en permanence, sur la question de savoir pourquoi conserver telle ou telle espèce. D'un point de vue éthique, on pourrait s'interroger plutôt en inversant l'argumentaire : pourquoi on devrait accepter de laisser détruire tel ou tel organisme ? En effet, l'objectif de cette conservation à l'échelle des espèces est bien de maintenir le potentiel évolutif de cette biodiversité. Ces espèces et leurs populations constituent, par leur dynamique et leurs interactions, les sources de cette évolution. Ceci doit aussi passer par le maintien des fonctions au sein des écosystèmes car c'est ce fonctionnement des écosystèmes qui génèrent ces processus évolutifs. Et ce sont ces fonctions écosystémiques qui fournissent un certain nombre de services vitaux pour le bien-être humain.