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Description

Denis Couvet s'intéresse à la biodiversité ordinaire, à savoir celle qui nous entoure et qui représente 80% des espèces dans le monde. Il propose un aperçu de l'état de cette biodiversité, en lien notamment avec le changement climatique. Pour terminer, il pose les cinq grands enjeux liés au devenir de cette biodiversité ordinaire.

Objectifs d'apprentissage :
- Connaître la définition et l'état de cette biodiversité ordinaire en lien avec le changement climatique
- Appréhender les cinq grands enjeux liés au devenir de cette biodiversité ordinaire

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Thèmes
  • Enjeux Climat/Biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Gestion de la biodiversité - Clip
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Différents enjeux de préservation de la biodiversité
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Biodiversité et services écosystémiques
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Stratégies de gestion de la biodiversité face aux pressions directes
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Stratégies de préservation des espèces menacées
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La biosurveillance
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Sciences participatives et gestion de la biodiversité
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(Ré)concilier société et biodiversité
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Biodiversité du futur : gérer l'évolution biologique
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Contributeurs

COUVET Denis

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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Biodiversité ordinaire : enjeux, préservation

Denis Couvet
Professeur - Muséum d'Histoire Naturelle

1. Définition

La biodiversité ordinaire est celle qui nous entoure. Une définition un peu plus conceptuelle est que c'est celle qui correspond aux espèces ordinaires. Mais qu'est une espèce ordinaire ? C'est une espèce qui n'est ni menacée, ni domestiquée, ni exploitée. Ça représente quelques 80 % des espèces qui sont présentes sur la planète, soit environ 1,5 millions d'espèces. C'est un nombre considérable.

2. Etat et dynamique : exemple des oiseaux

C’est sur les oiseaux que l'on connaît le mieux la dynamique de cette biodiversité ordinaire parce que nous avons de très nombreux observateurs que sont les ornithologues. Nous avons des suivis dans l'ensemble des pays développés et en France notamment, avec ce qui s'appelle le STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs). Ce suivi permet d'avoir une idée sur l'état de la dynamique de quelques 125 espèces d’oiseaux les plus communes sur l'ensemble du territoire national depuis 25 ans.

On constate par exemple que l'alouette des champs est en déclin, et que le merle noir est plutôt stable. Mais très vite, on aboutit à une profusion de données à partir desquelles il est difficile d'avoir une vision un peu intégratrice et qui nous permette de comprendre ce qui se passe exactement. Donc ce que l'on fait, c'est que l'on regroupe les espèces et que l'on regarde la dynamique des communautés d'oiseaux. Lorsqu'on parle de biodiversité ordinaire, on va donc s'intéresser non pas à l'espèce mais plutôt à la communauté. Mais une communauté, de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'un ensemble d'espèces qui sont proches sur le plan écologique, c'est-à-dire qu'elles ont la même fonction dans un écosystème. Et sur un plan évolutif, ça veut dire qu'elles ont un ancêtre qui n'est pas trop lointain.

Les oiseaux constituent une communauté. Dans ces communautés d'oiseaux, nous avons les communautés d'oiseaux qui sont spécialistes des milieux urbains, des milieux forestiers et des milieux agricoles. On constate, en France comme dans l'ensemble des pays de l'OCDE, que la communauté des oiseaux spécialistes des espaces agricoles se porte particulièrement mal. Sur les oiseaux, on sait donc que cette biodiversité ordinaire ne se porte pas très bien, et que c'est spécialement le cas dans les milieux agricoles.

3. Etat et dynamique : autres exemples

On commence à avoir des données sur les insectes. Pendant assez longtemps, il était difficile de documenter leur devenir. Avec les données qui sont présentes maintenant, on constate que généralement les insectes sont plutôt en déclin, de l'ordre de 40 à 50 % des espèces d'insectes qui sont plutôt sérieusement en déclin. On peut regarder d'autres groupes, les coraux par exemple qui sont en déclin de manière générale.

Ensuite on peut regarder ça selon la place dans la chaîne alimentaire. Nous avons les espèces qui sont en bas de la chaîne alimentaire. Ce sont les producteurs primaires : les végétaux, les algues. Ensuite nous avons les herbivores et les carnivores. Ce que l'on constate aussi bien en milieu marin qu'en milieu terrestre, c'est que les espèces qui sont en haut des chaînes alimentaires, donc les carnivores, sont spécialement en déclin avec donc des conséquences fonctionnelles sans doute très importantes, avec une déstabilisation des chaînes alimentaires.

Parmi les autres grandes tendances en ce qui concerne la biodiversité ordinaire, nous avons un basculement de milieux oligotrophes, donc dans les écosystèmes marins, aquatiques, des milieux qui sont riches en oxygène, riches en poissons, des milieux où les eaux sont claires vers des milieux qui sont eutrophes, des milieux eutrophes qui sont envahis par des bactéries, par des micro-organismes qui sont souvent toxiques, des milieux qui sont pauvres en oxygène et dans lesquels on retrouve peu de poissons.

Une autre tendance très importante sur la biodiversité ordinaire consiste en sa réponse au réchauffement climatique. On constate de manière générale des changements de ce qu'on appelle la phénologie, c'est-à-dire la date des événements majeurs du cycle de vie, notamment les événements de reproduction : les insectes naissent et émergent plus tôt au printemps, les bourgeons émergent plus tôt aussi, les oiseaux éclosent plus tôt avec des difficultés en ce qui concerne l'ajustement entre les oiseaux, les insectes et puis les arbres.

On a aussi des remontées dans les aires de distribution, dans l’hémisphère nord c'est-à-dire que les espèces essaient de suivre leurs préférences thermiques et comme le climat se réchauffe, elles se déplacent vers le nord. Ce qui est spécialement remarquable et qui interpelle, en ce qui concerne ce déplacement des espèces, c'est que ce déplacement n'est pas synchrone. Lorsqu'on regarde en Europe le déplacement des oiseaux et des papillons, on constate que les oiseaux ont un déplacement qui est l’ordre de un à deux kilomètres par an, alors que les insectes, les papillons c'est plutôt entre cinq et dix kilomètres par an. Cela est relativement inquiétant parce que les oiseaux sont les prédateurs des papillons ; si ces papillons sont des ravageurs des cultures, ils vont donc échapper à leurs prédateurs avec donc des conséquences agronomiques, forestières qui pourraient très désagréables.

4. Enjeux

Si nous essayons de résumer les enjeux autour de la préservation de la biodiversité ordinaire, on peut en lister cinq.

Le premier type d'enjeu est celui de la valeur intrinsèque de la biodiversité ordinaire. Elle a une valeur en soi et ce n’est pas parce que ces espèces-là ne sont pas menacées d’extinction immédiate que les individus et les populations qui composent ces espèces n’ont pas une valeur en soi. Il importe de préserver.

Les espèces ordinaires et la biodiversité ordinaire constituent l'habitat des espèces menacées. Un certain nombre de proies dont dépendent les espèces menacées sont souvent des espèces de la biodiversité ordinaire. Si cette biodiversité ordinaire disparaît, les espèces menacées ne pourront pas se maintenir.

Un troisième type de raison est que ces espèces ordinaires constituent le cadre de vie des humains. Il se dégrade donc à travers la disparition de la biodiversité ordinaire.

Par ailleurs, le potentiel évolutif de la biodiversité, avec l'apparition de nouveautés évolutives et de nouvelles espèces, se fera à partir de la biodiversité ordinaire plutôt qu'à partir des espèces menacées qui sont en effectif restreint donc qui ont un potentiel évolutif relativement faible.

Enfin, la dernière raison est que le fonctionnement des écosystèmes dépend essentiellement des espèces ordinaires. Ces espèces sont tout à fait indispensables au fonctionnement des écosystèmes et donc aux sociétés humaines.