En ligne depuis le 14/02/2025
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Description
Cécile Massé, référente Espèces non indigènes au sein de PatriNat, discute dans cette vidéo des invasions biologiques en milieu marin. Elle en montre le processus, en insistant sur la diversité des voies d'introduction, puis elle illustre cette problématique croissante avec la crépidule, le crabe bleu et le poisson lion.
Objectifs d'apprentissage :
- Expliquer le processus d'invasion biologique en milieu marin
- Définir les voies et vecteurs d'introduction d'espèces non indigènes en milieu marin
- Décrire des exemples d'invasions biologiques en milieu marin.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Sciences de la vie
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+1
- Bac+2
Objectifs de Développement Durable
- 14. Vie aquatique
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Massé Cécile
référente Espèces non indigènes au sein de PatriNat
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée, d’une vidéo du MOOC UVED « L’Océan au cœur de l’Humanité ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Les invasions biologiques en milieu marin
Cécile Massé, Référente Espèces non indigènes au sein de PatriNat
1. Terminologies
La terminologie autour de ces espèces non indigènes et des invasions biologiques, plus généralement, est riche. Ici, on va parler d'espèces non indigènes, que l'on appelle aussi espèces exotiques ou encore introduites. Ce sont des espèces qui ont été introduites hors de leur aire de répartition, par le biais d'une activité humaine, que ce soit volontairement ou accidentellement.
Ces espèces peuvent devenir invasives ou peuvent être des espèces exotiques envahissantes. C'est-à-dire que leurs densités vont fortement augmenter et qu'elles vont avoir un impact sur les écosystèmes.
En revanche, on ne parlera pas d'espèces envahissantes, qui sont des espèces non exotiques, qui sont des espèces natives qui peuvent avoir un caractère envahissant, comme le poulpe en 2021 le long des côtes bretonnes, qui était un poulpe d'origine européenne.
Aussi on ne va pas parler d'espèces dites néonatives, qui sont des espèces dont l'aire de répartition naturelle, d'origine, augmente, par exemple, à cause du réchauffement climatique.
2. Processus d’une invasion
L'espèce doit tout d'abord franchir une barrière géographique par le biais d'activités humaines. C'est-à-dire qu'il doit y avoir une discontinuité géographique entre son aire d'origine et son aire d'introduction.
Une fois qu'elle est introduite, l'espèce non indigène doit franchir une barrière environnementale. C'est-à-dire qu'elle doit trouver des conditions propices à son développement. Ainsi, elle peut former des populations viables, et elle franchit cette barrière environnementale.
Elle entre alors dans une phase de latence où les densités restent faibles. Cette phase de latence peut être plus ou moins longue, jusqu'à plusieurs années. Et parfois, elles peuvent entrer en phase exponentielle, c'est-à-dire qu'on a une augmentation exponentielle des densités, jusqu'à observer des impacts.
Par la suite, sans que l'on puisse l'anticiper, les populations peuvent diminuer, fluctuer, rester stables. Mais on ne peut pas savoir avant comment ça va se passer.
3. Voies d’introduction
Comment ces espèces non indigènes arrivent-elles sur nos côtes ?
La première voie d'introduction est le trafic maritime, avec plusieurs vecteurs. Il y a d’abord les eaux de ballast. C'est-à-dire que les navires, les cargos, lorsqu'ils sont vides dans un port, chargent leur ballast d'eau avec, à l'intérieur, des individus, des larves de certaines espèces, traversent les océans et, dans le port où ils arrivent, vident leur ballast avec ces espèces. On a aussi le biofouling, qui correspond à l'encrassement biologique sur les coques des bateaux, comme on peut le voir sur la photo.
Une seconde voie d'introduction importante est liée aux cultures marines. On a des introductions qui sont volontaires, avec des espèces qui sont introduites pour être cultivées, ce qui est le cas de l'huître creuse Magallana gigas, qui a été introduite des côtes japonaises pour l'ostréiculture. Mais on a associé à cette introduction volontaire plein d'introductions accidentelles, avec toutes les espèces qui étaient fixées ou qui étaient entre les coquilles qui ont été introduites dans le milieu.
On a encore d'autres voies et vecteurs d'introduction comme par exemple les activités de pêche, et notamment les appâts vivants qui peuvent être rejetés dans le milieu, l'aquariophilie, avec les rejets d'espèces captives, les déchets flottants, avec les espèces qui peuvent se développer sur les déchets, puis être transportées d'un continent à l'autre, et enfin, les chenaux fabriqués par l'homme, qui relient deux masses d'eau qui n'auraient pas dû communiquer. On a l'exemple du canal de Suez, qui relie la mer Rouge à l'est de la Méditerranée.
4. Nombre d’espèces
Pour ce qui est des introductions d'espèces en France métropolitaine, on arrive aujourd'hui à 342 espèces non indigènes sur les côtes françaises, Méditerranée, Atlantique et Manche, avec un nombre plus important d'espèces sur les côtes méditerranéennes, ce qui est en orange sur le graphique, par rapport à l'Atlantique et à la Manche, en vert et en bleu.
On constate que le nombre d'introductions a plus fortement augmenté à partir des années 1970, ce qui correspond à une augmentation du commerce international, et donc du trafic maritime, mais aussi à l'importation des huîtres japonaises pour leur culture en France, et à tout le cortège d'espèces associées dont on vient de parler.
Ce que l'on peut dire aussi des espèces non indigènes qui sont établies sur les côtes françaises est qu'elles viennent essentiellement d'autres zones tempérées : Amérique et surtout Asie.
5. Exemples
Ces espèces, lorsqu'elles passent en phase exponentielle, peuvent avoir des impacts écologiques, socio-économiques ou sanitaires.
Le premier exemple concerne la crépidule, Crepidula fornicata. Il s'agit d'un gastéropode qui vient des côtes américaines, qui a été introduit en 1945 sur les côtes normandes. Cette espèce a déjà passé sa phase de latence et sa phase exponentielle, et a été invasive dans plusieurs écosystèmes le long de la côte atlantique, par exemple dans la rade de Brest.
Il s'agit d'une espèce que l'on peut qualifier d'ingénieure, notamment parce qu'elle a une coquille. Lorsqu'elle forme des tapis très denses, ces coquilles forment des récifs, une sorte de nouvel habitat, ce qui va impacter les communautés natives, et, par effet cascade, le fonctionnement de l'écosystème.
Un deuxième exemple est celui du crabe bleu, Callinectes sapidus, qui est aussi originaire des côtes américaines, et qui a été introduit, ou en tout cas observé, dès les années 1900, et 1960 sur les côtes françaises, mais qui est resté très longtemps en phase de latence.
C'est depuis 2017 qu'il devient très envahissant, notamment sur les côtes méditerranéennes françaises. Il a des impacts écologiques, car c'est un crabe prédateur et très agressif, mais il a également des impacts socio-économiques. Le fait qu'il prédate et qu'il ait des impacts sur les communautés va réduire les stocks des espèces pêchées, et il y a donc une perte pour les pêcheurs. Mais il y a aussi des pertes économiques : comme il est agressif, il va déchirer les filets, et après chaque pêche, les pêcheurs sont obligés de racheter des filets neufs.
Un dernier exemple est celui du poisson-lion, Pterois miles. Ce poisson n'est pas encore présent sur les côtes métropolitaines françaises, mais il est probable qu'il arrive dans les années à venir. En revanche, il est présent sur les côtes de Martinique.
Ce poisson, en plus d'avoir des impacts écologiques et socio-économiques, se voit doté, sur ses nageoires dorsales, d'une épine venimeuse. Il peut donc avoir des impacts sanitaires, notamment en cas de plongée.
6. Conclusion
Tous ces impacts sont bien souvent irréversibles. Le mieux est donc de faire une gestion à la source de la pression pour limiter les nouvelles introductions et limiter les invasions biologiques. Pour cela, on va faire de la gestion préventive au niveau des voies et vecteurs d'introduction, essentiellement par la règlementation, mais aussi par la sensibilisation des acteurs du milieu marin. Tout cela, c'est ce qu'on appelle la biosécurité, sur laquelle nous allons travailler les prochaines années, pour ainsi limiter la problématique des invasions biologiques.