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Description

Sarah Samadi, professeure du Muséum national d'Histoire naturelle, retrace dans cette vidéo l'histoire del'exploration de la biodiversité océanique. Elle s'intéresse à l'évolution des théories et des connaissances scientifiques, en mettant en lumière quelques grandes expéditions ayant marqué l'histoire de cette exploration depuis le 19e siècle.

Objectifs d’apprentissage :
- Appréhender l'histoire de l'exploration de la vie dans l'océan et les hypothèses scientifiques associées.
- Comprendre le lien entre connaissances scientifiques et progrès techniques.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 14. Vie aquatique
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
biodiversitéhistoireExplorations océanographiquesocéan
Les ressources marines : exemple du plancton
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Les ressources de la pêche et de l’aquaculture : enjeux alimentaires
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L’approche écosystémique des pêches : réconcilier exploitation et conservation
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Les ressources halieutiques : gestion et conservation
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Les ressources minérales de l’océan
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Contexte national et international des énergies marines renouvelables
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Les biotechnologies marines
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Une introduction à la bio-inspiration marine
Une introduction à la bio-inspiration marine
La bio-inspiration marine : quelques exemples
La bio-inspiration marine : quelques exemples
Contributeurs

Samadi Sarah

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

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Sarah Samadi, Professeure du Muséum national d'Histoire naturelle

Cette image de la Terre vue depuis un satellite montre l'importance de l'océan sur la surface de la Terre. Plus de 70 % de la surface de la Terre est couverte par la mer et par les océans, c'est un élément important de notre environnement.

Donc la citation de Jules Michelet dans un livre intitulé "La Mer" publié à la fin du XIXe siècle nous donne bien cette impression : "L'eau, pour tout être terrestre, est l'élément non respirable, l'élément de l'asphyxie, barrière fatale éternelle qui sépare irrémédiablement les deux mondes. Ne nous étonnons pas si l'énorme masse d'eau qu'on appelle la mer, inconnue et ténébreuse dans sa profondeur épaisse, apparut toujours redoutable à l'imagination humaine".

Donc cette estampe montre, illustre, la pêche au cachalot. Donc, la mer nous apporte des ressources. Ici, on pêche ces cachalots pour les ressources qu'ils représentent. Mais, c'est aussi des animaux spectaculaires, parmi les plus gros animaux sur Terre qui se trouvent dans la mer, comme ces cachalots. Et ça a nourri énormément l'imaginaire par la difficulté d'accès à cette ressource.

Nous, humains, on connaît la mer depuis les rivages et dans les premières couches de l'océan. Mais même ces premières couches, on ne les connaît pas si bien que ça. Donc, entre 2009 et 2013, une grande expédition sur le voilier Tara menée par des chercheurs, notamment du CNRS, a exploré les organismes de petite taille qui peuplent les 200 premiers mètres de cette surface d'eau.

Ils ont trouvé un grand nombre d'organismes, dont la plupart étaient inconnus et dont une grande partie sont des organismes photosynthétiques, c'est-à-dire qu'ils sont capables, à partir d'éléments minéraux et de l'énergie du Soleil, de produire des matières organiques et de donner à nourrir à toute une chaîne autre d'organismes de petite et de grande taille, et également de produire une grande partie de l'oxygène, qui constitue un élément majeur de la biosphère.

Mais qu'en est-il de ce qui se passe en dessous de 200 mètres ? La connaissance de ce qui se passe en dessous de 200 mètres... c'est beaucoup moins accessible à l'homme et on a commencé à s'y intéresser qu'à partir du XIXe siècle avec une démarche scientifique. Donc ici, les travaux d'Edward Forbes au XIXe siècle illustrent bien l'idée qu'on s'est faite de ce qu'il y avait en dessous de ces 200 mètres, à plus grande profondeur. Donc à partir d'opérations de dragage et de chalutage de pêche en Méditerranée, il observe que plus on descend en profondeur, moins il y a d'abondance d'organismes qui sont remontés dans ces engins de pêche. À partir de là, il fait un calcul et une extrapolation qui disent qu'au-delà de 500 ou 600 mètres, on s'attend à avoir une abondance tellement faible qu'on peut considérer qu'il n'y a plus de vie. Et donc, il propose une hypothèse qu'on appelle la théorie azoïque selon laquelle au-delà de 600 mètres, il n'y a plus de vie, l'océan est vide, en fait.

Donc, on voit la démarche scientifique qui conduit à ce raisonnement. Et de la même façon, d'autres chercheurs à la même époque apportent des éléments qui vont permettre de réfuter cette hypothèse. Donc ici, on voit les travaux de Milne Edwards, au XIXe siècle également, qui, à partir de données fortuites issues des câbles transatlantiques déployés pour les communications entre les continents, permettent de découvrir qu'à des très grandes profondeurs, comme à 2 000 mètres de profondeur en Méditerranée, on va trouver des organismes qui se développent et qui habitent à ces profondeurs, ce qui permet de réfuter cette hypothèse. Donc là, on voit le début de la démarche scientifique pour essayer d'avoir des généralisations et comprendre ce qu'il y a dans ces environnements-là. 

Et c'est ces démarches scientifiques qui conduisent à la première grande expédition historique, qui constitue le corpus de données sur la connaissance des grands fonds, qui est l'expédition du Challenger, qui se passe entre 1872 et 1876. Cette expédition, elle va déployer des tas d'engins de pêche, de récolte mais aussi de mesure de profondeur, de mesure de température et va constituer un corpus global de connaissances de l'océan profond.

Ce corpus, il va permettre de mettre en évidence que le fond de la mer n'est pas plat, qu'il y a des montagnes, des vallées, parfois de plusieurs kilomètres de profondeur, qu'il y a des organismes à toutes les profondeurs et que ces organismes sont très diversifiés. À partir de ce nouveau corpus de données, de nouvelles théories vont émerger, comme celle proposée par Moseley qui dit que les organismes qu'on va trouver au fond de la mer sont dépendants, pour leur nutrition, de ce qui se passe dans les premières couches de surface, donc notamment de cette couche explorée par l'expédition Tara avec la production photosynthétique.

Donc, au XXe siècle, on va s'intéresser à la cartographie de ces océans, on va s'intéresser aussi à imaginer des engins qui vont nous permettre d'aller voir avec nos yeux ce qui s'y passe. Donc ici, une citation de Théodore Monod qui a participé à ces premiers développements avec le bathyscaphe développé par Antoine Piccard en 1948.

Théodore Monod dit : "La mer est profonde, la mer est surtout profonde, quoi qu'en pensent les baigneurs de nos plages ignorant que les océans, pour plus des trois quarts de leur étendue, environ 80 %, atteignent des profondeurs échelonnées entre 3 000 et 6 000 mètres, la moyenne générale des mers s'établissant vers 3 800 mètres, alors que l'altitude moyenne des terres émergées ne serait que de 840 mètres". Donc ici, on met en évidence un paysage extrêmement accidenté et les premières explorations vont s'intéresser beaucoup aux plaines abyssales, aux canyons et vont conforter les hypothèses de Moseley qui disait qu'on dépend de la surface pour la nutrition. 

Puis arrivent au milieu des années 1970 des explorations de géologues pour comprendre la dynamique de la croûte océanique et la formation de la croûte océanique dans les rides médio-océaniques. Et donc, l'exploration des fumeurs, ces espèces de volcans qui crachent des fluides à très haute température chargés de tas de composés chimiques qui paraissent très toxiques à la vie et dans lesquels on découvre, de façon inattendue, des oasis de vie avec des organismes extrêmement abondants, comme les vers présentés sur ces photos et les essaims de crevettes présentés également là-dessus, qui sont, contrairement à ce qu'on attend, extrêmement abondants. Et cette abondance, on l'explique par un processus biologique qu'on ne connaissait pas jusqu'alors, qui s'appelle la chimiosynthèse, qui est la même chose que la photosynthèse, mais cette fois, au lieu d'utiliser l'énergie du Soleil, utilise l'énergie chimique des réactions d'oxydoréduction qui se passent dans ces fluides.

Donc, à partir de là, on crée encore des nouvelles hypothèses, écologiques et évolutives, qui voient cet environnement nouveau comme quelque chose d'isolé du reste de l'océan, aussi bien d'un point de vue écologique que d'un point de vue de l'évolution avec un renvoi vers l'imaginaire de l'origine de la vie sur Terre dans une petite mare avec des composés chimiques extrêmement toxiques. Cette hypothèse est très rapidement mise à mal, parce que finalement, la chimiosynthèse, on va la découvrir à toutes les profondeurs, y compris dans des très faibles profondeurs, comme dans les mangroves, mais aussi dans des milieux terrestres. 

Les organismes découverts dans ces sources hydrothermales, on va leur trouver des apparentés un petit peu à toutes les profondeurs et on va voir que ce n'est pas un environnement qui est isolé du reste de la dynamique. C'est un environnement particulier, mais qui se rattache, par bien des aspects, au reste du fonctionnement de cet océan.

À la même époque, à la fin des années 1970, le Muséum et l'IRD ont lancé un grand programme d'exploration de la faune profonde avec des outils et des approches similaires à ce qui était fait dans les grandes expéditions historiques issues du programme du Challenger et qui a, depuis une quarantaine d'années, exploré un grand nombre de points dans la zone intertropicale et décrit des milliers de nouvelles espèces.

Donc ce programme, il a aussi donné lieu à des découvertes qui sont assez spectaculaires. Je donnerai un exemple, qui est ce crinoïde nommé Gymnocrinus richeri découvert dans les eaux de la Nouvelle-Calédonie dans les années 1980 et dont le plus proche apparenté est une forme qu'on connaissait depuis longtemps à l'état fossile, comme c'est illustré sur cette image. Ces organismes, ils sont plus faciles, finalement, à connaître dans le passé que dans leurs formes actuelles dans les océans, qui sont pour nous très inaccessibles. Ces organismes, ils présentent des tas de choses intéressantes.

Ici, les programmes menés par l'IRD dans les années 1990-2000 ont permis de montrer que ces organismes avaient des composés chimiques très intéressants, avec ici, par exemple, un pigment avec des propriétés actives contre le virus de la dengue. Dans les années plus récentes, en 2019, on a envoyé dans ces milieux des robots submersibles, donc le robot Victor de l'Ifremer qui a permis d'acquérir des images de ces environnements très peu connus, avec ici, par exemple, un jardin de crinoïdes sur un mont sous-marin en Nouvelle-Calédonie.