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Description

Marie-Noëlle Houssais, directrice de recherche au CNRS, examine dans cette vidéo les deux grands mécanismes de la circulation océanique. Elle en explique le fonctionnement et la variabilité dans l'espace et dans le temps. Elle montre que cette circulation est liée à l'atmosphère et a donc un rôle important dans la régulation du système climatique.

Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre les deux grands mécanismes de la circulation océanique.
- Faire le lien entre l'océan, l'atmosphère et le climat.
- Appréhender l'océan et son fonctionnement dans une perspective dynamique.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 13. Lutte contre le changement climatique
  • 14. Vie aquatique
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
climatatmosphèrecirculation océanique
L'océan et le climat
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La pompe biologique de carbone dans l’océan
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Le paysage dynamique de l’océan ouvert
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Le système du courant de Humboldt : un eldorado éphémère
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Un océan sous pression
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Un océan de plastiques : quels impacts sur le vivant ?
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Contributeurs

Houssais Marie-Noëlle

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

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Marie-Noëlle Houssais, Directrice de recherche au CNRS

On va s'intéresser ici à l'océan dans son rôle de régulateur. Et dans cette optique, il est intéressant de regarder l'équilibre thermique de l'océan. L'océan reçoit son énergie du Soleil. Au sommet de l'atmosphère, cette énergie n'est pas répartie uniformément puisqu'on reçoit plus d'énergie au niveau de l'équateur et moins d'énergie au niveau des pôles. Et puis, l'atmosphère modifie à son tour la répartition de cette énergie avec des processus thermodynamiques et radiatifs qui lui sont propres. Et à la base de l'atmosphère, l'océan, finalement, reçoit une énergie qui n'est pas répartie uniformément. 

Alors, il se met en place un processus de compensation, qui est le transport méridien de chaleur par l'océan depuis les régions excédentaires de chaleur jusqu'aux régions déficitaires. Ce transport s'effectue en même temps que le transport par la circulation atmosphérique. Il est moindre que le transport méridien de l'atmosphère, mais, d'une certaine manière, contribue efficacement, et notamment au niveau de son maximum, qui est à environ 15 degrés de latitude. 

Si l'on regarde, par contre, la répartition du flux de chaleur à la surface de l'océan, on s'aperçoit que cette répartition n'est pas strictement zonale et on y voit notamment des contrastes entre les bords ouest des océans et le reste des bassins, avec en particulier de fortes pertes de chaleur sur le bord ouest des océans. Ces fortes pertes de chaleur sont associées... On retrouve ces grandes structures dans la circulation océanique. Par exemple, on peut la restituer grâce à l'altimétrie satellitaire. On voit très bien que l'océan ici agit comme un régulateur des propriétés de surface. La circulation océanique régule les propriétés de surface, lesquelles vont intervenir dans les échanges de chaleur air-mer. La circulation océanique, on pourrait la schématiser à première vue par une notion relativement simple de tapis roulant.

Ce tapis roulant fait circuler des eaux entre les bassins océaniques, transporte l'énergie depuis le sud vers le nord dans l'océan Atlantique, et plus important encore, transforme les eaux de surface de l'océan relativement chaudes en eaux plus denses relativement froides. C'est ce qu'on voit ici sur la branche rouge et bleue de la circulation en Atlantique.Cette transformation se fait dans des régions relativement localisées aux hautes latitudes de l'océan. Cette transformation se fait via un processus qu'on appelle la convection océanique, qui rend les eaux de surface... Qui, suite au refroidissement des eaux au contact de l'atmosphère, transporte ces eaux et les fait plonger vers l'océan profond. De cette mécanique, on peut déduire que la convection océanique est un des moteurs de la circulation de retournement océanique. La circulation de retournement est la circulation qui fait communiquer les eaux de surface avec les eaux de fond. Si l'on regarde de plus près sur une section méridienne du sud au nord dans l'océan Atlantique, on voit en effet un empilement de masses d'eau qui ont une masse volumique croissante depuis la surface jusqu'au fond. Mais cet empilement qui assure la stratification de l'océan disparaît dans les régions de haute latitude, où on voit affleurer les eaux denses qui sont le produit de la convection océanique. C'est cet affleurement qui va permettre de ventiler les eaux de fond océaniques et aussi d'enfouir des signaux qui sont récupérés en surface par les interactions avec l'atmosphère dans une circulation profonde qui est lente et donc constitue en quelque sorte la mémoire de l'océan.

La vision d'une circulation océanique qui serait due à une circulation de retournement est trop simpliste, surtout si l'on regarde le forçage du vent sur l'océan, qui est un forçage mécanique et qui, par exemple ici, lorsqu'on a une succession d'alizés et de vents d'ouest, permet de mettre en mouvement l'océan dans des grandes circulations de gyre. Ce sont des grandes boucles de circulation qui font le tour des bassins dans le plan horizontal et qui se ferment en général à l'ouest de l'océan par des courants de bord très puissants.

Un exemple de ces courants de bord puissants est celui du Gulf Stream. Ces gyres sont importantes car elles transportent beaucoup d'eau. Par exemple, le Gulf Stream transporte plus de 60 millions de mètres cubes d'eau par seconde au niveau du cap Hatteras, là où il se sépare de la côte, alors que la circulation de retournement dont je parlais tout à l'heure ne transporte qu'environ 17 millions de mètres cubes par seconde. Donc, on voit l'importance de ces courants. Ces courants, de plus, maintiennent des contrastes est-ouest très marqués. On voit sur cette photo du Gulf Stream des eaux froides et des eaux chaudes qui cohabitent.

Cette cohabitation induit des fronts qui peuvent être relativement instables et cette instabilité est importante parce qu'elle peut engendrer des tourbillons. Les tourbillons océaniques sont des structures très bien identifiées par leurs propriétés physiques, température, salinité, vitesse verticale, qui font communiquer les couches entre elles. Ils peuvent donc servir de cadre au développement d'écosystèmes et de biologies spécifiques. Cette circulation de gyre est aussi importante parce qu'elle rentre dans l'étude de la variabilité de l'océan. L'océan est non seulement un milieu complexe, tridimensionnel, mais aussi un milieu très variable avec une variabilité qui peut s'étendre sur toutes les échelles de temps, de l'échelle sub-journalière jusqu'aux échelles interannuelle, décennale puis centennale. 

La circulation de gyre participe de cette variabilité. Notamment, on a pu, à partir d'observations effectuées à 26° nord dans l'Atlantique nord, montrer que le transport de volume de cette circulation de gyre, à l'échelle interannuelle, contrôle fortement la variabilité de la circulation en Atlantique. À l'inverse, si l'on regarde le transport de chaleur associé à la circulation méridienne atlantique, on voit qu'il est dominé non pas par la circulation de gyre, mais par la circulation de retournement puisque celle-ci contrôle un différentiel de chaleur entre les eaux de surface et les eaux de fond qui permet un transport méridien de chaleur très important.

L'océan a une variabilité intrinsèque, qui rétroagit aussi sur les échanges de gaz dissous avec l'atmosphère. On voit ici une carte de la captation de carbone anthropique sur la période 1994-2007 par l'océan et on voit le résultat de cette captation en profondeur à 1 000 m.

Il s'agit ici de l'effet de la pompe physique de carbone. La pompe physique, c'est la capacité qu'a l'océan d'enfouir une partie du CO₂ de l'atmosphère dans l'océan à partir des échanges air-mer. Ces échanges air-mer sont évidemment conditionnés par les propriétés physico-chimiques des eaux de surface, mais la captation carbone est aussi dépendante de la capacité de l'océan à enfouir les signaux captés au travers de ces échanges en profondeur. On voit sur cette carte que cette captation se fait d'autant mieux qu'on est proche des zones de mélange vertical et de ventilation de l'océan profond en bordure des zones convectives des hautes latitudes.

Au-delà de sa variabilité intrinsèque, l'océan aussi développe une variabilité par l'intermédiaire de rétroactions sur l'atmosphère. Dans ces rétroactions océan-atmosphère, on peut éventuellement aboutir à des phénomènes de couplage dont le plus bel exemple est probablement celui d'ENSO, qui a pour manifestation océanique le phénomène El Niño bien connu.

C'est un phénomène lié à la remontée d'eaux froides au large des côtes du Pérou. Ce phénomène d'El Niño est un phénomène de couplage intrinsèque entre une boucle convective atmosphérique et les vents alizés qui sont à l'origine des remontées d'eaux froides au large des côtes du Pérou.

El Niño est un phénomène pseudopériodique qui arrive tous les 2 à 7 ans. En fait, il fonctionne comme un oscillateur retardé, c'est-à-dire que c'est un oscillateur dans lequel intervient une boucle de rétroaction positive de la température de surface de l'océan sur les alizés. L'impact d'El Niño est très connu puisqu'il met en jeu un contrôle sur le développement de la biomasse et les ressources halieutiques au large du Pérou qui sont liées à cette remontée d'eaux froides. Il y a aussi, bien sûr, des impacts à beaucoup plus grande échelle sur le climat à grande échelle.

Au-delà de la variabilité en elle-même, on peut aussi évoquer que l'océan abrite une capacité à faire émerger des points de rupture, ou ce qu'on appelle des "tipping points" en anglais, qui sont des ruptures brutales dans l'évolution du système. Un bel exemple de ces points de rupture a notamment été donné par l'examen des archives du passé, qui montrent qu'on a eu probablement, notamment pendant les périodes glaciaires, des arrêts de la circulation méridienne de retournement ou des déplacements des centres convectifs, et ce en lien avec des afflux massifs d'eau douce dans l'océan, liés en particulier à des débâcles d'icebergs importantes. On sait qu'il y a une propension à cette circulation de retournement à devenir instable et à s'arrêter.

Si l'on regarde maintenant dans le futur, on sait que le réchauffement atmosphérique actuel, doublé du fait que les calottes fondent, notamment l'accélération de la fonte des calottes est en route en ce qui concerne le Groënland, ces deux éléments ont tendance à rendre les eaux de surface de l'océan plus légères, les eaux douces et les eaux chaudes étant plus légères, et donc, probablement, à s'opposer à la convection aux hautes latitudes. Donc, on peut s'attendre à ce qu'il y ait un ralentissement de la circulation de retournement dans les décennies à venir, et c'est ce que montrent les scénarios de modèles climatiques.

En effet, si l'on regarde, par exemple, l'évolution de cette circulation thermohaline en fonction du réchauffement atmosphérique et de la fonte du Groënland sur une échelle progressive, on voit qu'on a une diminution de l'intensité de la circulation de retournement au fur et à mesure que le réchauffement augmente. On voit aussi que cette diminution est d'autant plus brutale que le réchauffement est important et la fonte du Groënland plus importante aussi.