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Description

Question-clé à Romain Julliard, Professeur d'Ecologie au MNHN, pour la série vidéo "SocioEcoSystèmes - Ecosystèmes et sociétés, un futur partagé"

(Réduire les pressions humaines sur les écosystèmes et la biosphère - Quelles pistes pour la transition écologique?)

Conception et réalisation de cette série vidéo : Anne Teyssèdre

État
  • Valorisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Entretiens et témoignages
Objectifs de Développement Durable
  • 11. Villes et communautés durables
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
écologievillesnaturebiodiversitéprotection de la naturesanté
Inter- et transdisciplinarité, transsectorialité : pourquoi et comment ?
Inter- et transdisciplinarité, transsectorialité : pourquoi et comment ?
Qu’est-ce que le modèle IPAT ?
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Que sont l’écologie territoriale et le métabolisme territorial ? Quels grands enjeux ?
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Qu’est-ce que la science participative ?
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Qu’est-ce qu’un indicateur de biodiversité ? Quels défis ? Quels enjeux ?
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Interactions entre climat et biodiversité : Quelles clés pour l’action ?
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Les services écosystémiques : Qu'apporte cette notion aux sciences de la conservation ?
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Qu’est-ce que l’économie écologique ?
Qu’est-ce que l’économie écologique ?
Narratifs et scénarios environnementaux, 1 – Pourquoi et comment ?
Narratifs et scénarios environnementaux, 1 – Pourquoi et comment ?
Contributeurs

Julliard Romain

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Romain Julliard, professeur d’Ecologie au MNHN
Question-clé transcrite et éditée par Anne Teyssèdre

Qu’est-ce que l’écologie de la reconnexion?

On parle beaucoup de la crise de la biodiversité, des espèces qui disparaissent, mais il y a une autre crise qui est celle de l’extinction de l’expérience de nature, telle que les anglo-saxons l’ont formulée, qui ont réalisé que notre mode de vie actuel essentiellement urbain -nos parents déjà sont pour la plupart des urbains- nous coupe de nos racines et de notre expérience, en parculier lors de notre enfance, d’être au contact de la nature. On n’a plus, comme c’était le cas auparavant, de parents, de grands-parents ou d’oncles agriculteurs, et ce contact intime avec la nature qu’on pouvait avoir. Et cette extinction de l’expérience de nature soulève des questions sur notre capacité à nous mobiliser, à comprendre les enjeux autour de la biodiversité.

Une autre façon d’illustrer ce problème, c’est ce qu’on appelle « l’amnésie environnementale généraonnelle », qui dit qu’on a comme état de référence ce qu’on a vécu dans notre enfance, et que c’est par rapport à cet état de référence qu’on va déterminer si ce qu’on vit aujourd’hui est en bon ou en mauvais état. Ce qui a été assez bien documenté, c’est que les plus anciens d’entre nous se rappelle une nature beaucoup plus riche que les plus jeunes, et que les plus jeunes, du coup, n’ont pas les mêmes enjeux et préoccupations par rapport à cette nature. Et donc on a une sorte de diminution de notre ambition à conserver une nature, parce qu’on a oublié quel était le bon état de cette nature, information qui n’est tout simplement pas transmise.

Et donc progressivement il y a un risque qu’on oublie ce « bon état » de la nature et qu’on ne conserve plus, ou qu’on n’accepte de ne conserver, qu’une nature très détériorée et diminuée par rapport à ce qu’elle pourrait être.

Alors comment lutter contre ça ? C’est l’écologie dite de la reconnexion, c’est-à-dire finalement travailler là où vivent et sont les gens, pour leur offrir dans ces nouvelles formes de vie, urbaine essentiellement, un accès à la nature et de nouvelles expériences de nature. Alors c’est dans la nature très quodienne, qui peut être au pied des immeubles, dans les parcs urbains, les pieds d’arbres… - comment on peut remettre cette nature en contact avec les gens. Et puis également comprendre où sont les demandes et offres de nature, qu’elle ne soit pas simplement une nature complètement virtualisée, qu’on aurait à travers des documentaires animaliers ou incarnée par le panda géant, ou l’ours des Pyrénées, une nature qui se résumerait à quelques espèces charismatiques lointaines avec lesquelles on a aucune expérience directe.

Ces enjeux de reconnexion avec la nature, qui vont être en priorité en ville, se couplent aussi avec d’autres recherches et intérêt autour de cette biodiversité qui parcipe à notre cadre de vie, à notre qualité de vie, que sont tous les bienfaits sur le plan de la santé, et en particulier de la santé psychique que peut procurer cett e biodiversité en ville, quand elle fait partie de notre qualité de vie. Il y a de plus en plus de recherches qui montrent à quel point nous sommes dépendants, pour notre bien-être et notre équilibre, de ces contacts fréquents et régulier avec la biodiversité, avec une nature.

Un exemple classique de reconnexion avec la nature – ce sont des résultats maintenant bien connus et bien étayés- : quand on est dans une chambre d’hôpital avec une fenêtre qui donne sur un parc et un espace vert, on guérit beaucoup plus vite que si on est dans une chambre semblable avec une fenêtre qui donne sur un immeuble. Cette simple perspective, de son lit d’hôpital, de pouvoir voir cette nature, cette biodiversité, participe à la guérison quel que soit le type de maladie. C’est un exemple très illustraf de notre dépendance à cette biodiversité, ce qu’on appelle la «biophilie », le fait qu’on a évolué dans notre histoire, depuis des milliers d’années, à vivre dans la nature, que quelque part nous sommes adaptés à cette vie et qu’avec ce déplacement des humains dans des villes, on a changé un peu notre relation, notre dépendance à cette nature.

Un des enjeux c’est de comprendre, également, comment la qualité de la biodiversité, son bon état, participe à cette reconnexion. Est-ce qu’on peut se reconnecter simplement avec une photo de nature ou est-ce qu’on a besoin d’un contact direct avec une nature vivante ?
Est-ce que cette nature vivante peut-être réduite à des pelouses et une haie de lauriers, ou est-ce qu’on a besoin d’une pelouse diversifiée, d’insectes qui en profitent ? Est-ce que cette qualité de la nature que peuvent mesurer les écologues participe aussi à cette reconnexion avec la nature, participe à la qualité de vie perçue, et vécue aussi, en dépendance avec cette offre de nature et de biodiversité ?

Tout cela constitue un champ de recherche qu’on appelle « écologie de la reconnexion », qui consiste d’abord à documenter la relation entre la nature, la biodiversité qu’on peut trouver en ville, et cette qualité de vie, ce bien-être, notamment sur le plan de la santé, et également comment la qualité de la biodiversité, la diversité des espèces, la richesse des espèces, peut contribuer à cette qualité de vie. Et donc tout un champ de recherches autour de quelles sont les conséquences de cette déconnexion d’avec la nature, et quels sont les moyens de s’y reconnecter.