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Description

Question-clé posée à Sabine Barles, Professeure d'urbanisme et aménagement du territoire à Paris I Sorbonne, pour la série vidéo "SocioEcoSystèmes - Ecosystèmes et sociétés, un futur partagé"

(Réduire les pressions humaines sur les écosystèmes et la biosphère - Quelles pistes pour la transition écologique?)

Conception et réalisation de cette série vidéo : Anne Teyssèdre

État
  • Valorisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Nature pédagogique
  • Entretiens et témoignages
Thèmes
  • Finitude des ressources
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
écologie territorialebiosphèremétabolisme territorialterritoiresépuisement des ressources
Inter- et transdisciplinarité, transsectorialité : pourquoi et comment ?
Inter- et transdisciplinarité, transsectorialité : pourquoi et comment ?
Qu’est-ce que le modèle IPAT ?
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Qu’est-ce que la science participative ?
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Qu’est-ce qu’un indicateur de biodiversité ? Quels défis ? Quels enjeux ?
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Interactions entre climat et biodiversité : Quelles clés pour l’action ?
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Qu’est-ce que l’écologie de la reconnexion ?
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Les services écosystémiques : Qu'apporte cette notion aux sciences de la conservation ?
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Qu’est-ce que l’économie écologique ?
Qu’est-ce que l’économie écologique ?
Narratifs et scénarios environnementaux, 1 – Pourquoi et comment ?
Narratifs et scénarios environnementaux, 1 – Pourquoi et comment ?
Contributeurs

Barles Sabine

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Sabine Barles, Professeure à Paris 1, Sorbonne
Question-clé transcrite et éditée par Anne Teyssèdre

Que sont l’écologie territoriale et le « métabolisme » d’un territoire ? Quels grands enjeux ?

L’écologie territoriale s’intéresse aux interactions entre les sociétés et la biosphère. Ces interactions peuvent être locales, par exemple des ressources que l’on va prélever dans un territoire ; elles peuvent être différées dans l’espace, par exemple à travers ce l’on importe et ce que l’on exporte ; enfin elles peuvent être globales, comme on le voit avec les émissions de gaz à effet de serre. Le principal outil de l’écologie territoriale, ou la principale notion, est celle du ‘métabolisme territorial’. C’est-à-dire que l’on va s’intéresser aux flux d’énergie et de matière qui sont mis en jeu par le fonctionnement des sociétés humaines, inscrites dans un territoire donné.

Ce territoire peut être une ville ou une agglomération, cela peut être une zone agricole, une région agricole, cela peut être un bassin versant, une vallée, une région, voire même un pays, ou plus encore. Et donc on va comptabiliser ces flux d’énergie et de matière, qui peuvent être prélevés localement ou importés, et puis qui vont être utilisés au sein du territoire ; qui peuvent être stockés, comme par exemple dans des maisons, des infrastructures ou des voitures, qui peuvent être utilisés, mangés, comme de la nourriture, ou qui peuvent être rejetés vers la nature - les eaux usées – ou bien réexportés une fois qu’ils ont été transformés en un bien qui va être commercialisé dans une autre région.

Cette notion de métabolisme est bien entendu empruntée à la biologie, mais elle ne signifie absolument pas que l’on considère les territoires ou les sociétés humaines comme des organismes. C’est tout à fait autre chose, mais on prend quand même acte du fait que d’un point de vue concret, ce qui caractérise les interactions entre les sociétés et leur environnement, ce sont des échanges d’énergie et de matière.

Le fait qu’il y ait des échanges d’énergie et de matière entre les sociétés et la biosphère est tout à fait normal, nécessaire, puisque nous avons besoin par exemple de nourriture pour survivre, nous avons besoin de nous abriter, etc. Cela dit, le métabolisme territorial a pris depuis les révolutions industrielles une forme qui le rend en grande partie incompatible avec le fonctionnement de la biosphère. On va parler dans ce cas de métabolisme linéaire.

Alors, que signifie « métabolisme linéaire » ? Cela veut tout simplement dire que, au lieu d’avoir un cycle de matière entre les sociétés et la biosphère, on va avoir un prélèvement permanent de ressources neuves par les sociétés, qui les consomment, les transforment, les utilisent et puis finalement les rejettent, sous une forme dégradée, généralement ailleurs qu’à l’endroit où elles les ont prises. Donc ce métabolisme linéaire, il est à l’origine d’une grande partie des problèmes environnementaux que nous rencontrons aujourd’hui, qu’il s’agisse de l’épuisement des ressources ou bien de la dégradation des écosystèmes qui est liée aux rejets
mais aussi aux extractions de ressources naturelles.

Ce métabolisme linéaire est lié à la notion d’ouverture des cycles biogéochimiques. C’est-à-dire que les éléments chimiques qui circulent entre le vivant et le non vivant, qui circulent entre l’air, l’eau, la terre, ces éléments voient leur circulation complètement bouleversée et cela entraîne là aussi un très grand nombre de problèmes environnementaux mais aussi des problèmes pour les sociétés. Parce que finalement, ce métabolisme territorial peu compatible avec le fonctionnement de la biosphère devient aussi peu compatible avec notre propre fonctionnement.

Tout ceci montre qu’il est très important de mieux comprendre le métabolisme territorial, de mieux comprendre la circulation de l’énergie et de la matière, dans l’objectif éventuellement de l’améliorer, de la transformer. Tout cela passe par ce qu’on appelle des bilans de matière, ou des bilans d’énergie. Mais cela ne va pas s’arrêter là, parce qu’on peut considérer finalement que le métabolisme territorial est le résultat de l’entrecroisement de deux types de processus : des processus qu’on peut qualifier de naturels, en tout cas de physiques, de biogéochimiques – par exemple, la nitrification – et puis, à côté de ça des processus techniques – par exemple, le fait qu’on mette en place des tuyaux pour distribuer de l’eau.

Et c’est bien l’entrecroisement de ces deux choses qui va permettre à ces matières et à cette énergie de circuler entre les sociétés et la biosphère. Et donc, si je regarde plus précisément la part anthropique du métabolisme [territorial], qui est issue des techniques humaines, et bien, on comprend bien qu’elle est régie par un certain nombre d’acteurs, qui gouvernent (ou pas, d’ailleurs !) ces flux d’énergie et de matières par un certain nombre de politiques, par un certain nombre de choix – ou parfois d’ailleurs de non choix – et donc il est extrêmement important d’essayer de comprendre ces acteurs et leurs logiques lorsqu’on s’intéresse au métabolisme territorial.