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Description

Dans cette vidéo, Clément Séhier met en évidence la problématique liée à la recherche de coûts de production toujours plus faibles. Il montre, du côté des pays "consommateurs", l'ampleur des mobilisation associées à ce phénomène et propose, du côté des pays "producteurs", une analyse critique des actions qui permettent ou permettraient d'accroître les conditions de travail des ouvriers.

Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre la problématique des conditions de travail dans les pays producteurs 
- Appréhender les mobilisations qui, dans les pays consommateurs, visent à améliorer les conditions de travail dans les pays producteurs.
 

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Types
  • Grain audiovisuel
Analyse conceptuelle de la RSE
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De la diversité des origines de la RSE
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La RSE : Approches institutionnalistes vs approches contractualistes
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Formes de régulation et d'intervention en matière de RSE
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Les stratégies de RSE
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Limites du cadre posé par la RSE
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Contributeurs

Séhier Clément

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Clément SEHIER, Économiste – Université Lille 1 

Je vous propose dans ce sujet de traiter du lien entre l'activité des entreprises multinationales et les conditions de travail de ceux qui fabriquent les produits que les consommateurs trouvent dans les magasins de vêtements, de jouets ou d’électronique par exemple.

L'une des critiques portées à la forme prise par la mondialisation dans les dernières décennies, c’est de contribuer à l'exploitation des travailleurs dans les pays en développement, sans que les consommateurs occidentaux, même ceux qui seraient préoccupés par les conditions de travail en bout de chaîne d'approvisionnement, et bien ne soient en mesure d'avoir de réel impact sur ces conditions de travail.

En effet, à partir des années 70 et plus encore dans les années 90, les grandes entreprises multinationales ont mis au point des stratégies de délocalisation avec pour objectif de diminuer leurs coûts de production.

Elles passent pour cela des contrats avec des usines d'Asie ou d'Amérique latine tout en gardant dans les bureaux américains ou européens les activités à forte valeur ajoutée, celles qui enrichissent le plus les entreprises telles que la recherche et le développement, le design ou la conception des produits.

Alors, ces stratégies ont pris une telle ampleur qu'aujourd'hui, dans de nombreux secteurs, seule une infime partie de ce qui est vendu par exemple par Nike, par Apple ou encore par Décathlon est effectivement produit dans les pays dits développés.

Or, aux États-Unis et en Europe, différents groupes sociaux, des étudiants, des syndicats, des O.N.G. se sont inquiétés des conditions de travail dans les usines du Mexique, de Chine, du Vietnam ou encore du Bangladesh.

Les grands médias également s'intéressent à ces questions notamment depuis la publication en 1996, par un magazine américain, de cette photo d'un enfant pakistanais en train de fabriquer des ballons Nike à même le sol. 

Nike est alors devenu l'un des symboles de ces entreprises multinationales pour qui la mondialisation de la production signifie avant tout la recherche de coûts de production toujours moins élevés sans se soucier des conséquences sur les travailleurs situés en bout de chaîne.

Ce qui est reproché à ces entreprises multinationales concrètement, c'est d'avoir délocalisé leur production dans des pays où le droit du travail est très peu développé et où les travailleurs rencontrent de grandes difficultés pour défendre leurs droits. Cette situation est différente dans chacun des pays concernés. 

Par exemple en Chine, les travailleurs n'ont pas le droit de s'organiser en dehors du syndicat officiel qui est lui-même sous le contrôle des autorités, alors que dans d'autres pays, les syndicats sont plus libres mais dans les faits, ils s'exposent à la répression des autorités ou des employeurs.

Cela se traduit dans les usines par des niveaux de rémunération très faibles, un temps de travail très élevé, le recours au travail des enfants ou encore des conditions de travail particulièrement dangereuses comme l'a illustré le drame de l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013, tuant plus de 1200 ouvriers et ouvrières du secteur textile.

En réponse à ces accusations, les multinationales ont rédigé des codes de conduite basés notamment sur les conventions de l’Organisation Internationale du Travail et elles exigent le respect de ces codes auprès de leurs usines sous-traitantes.

Ainsi, aujourd'hui, ce sont des dizaines de milliers d’audits sociaux qui sont menés chaque année auprès des usines qui produisent pour les entreprises multinationales.

Mais en réalité, ces dispositifs n'ont pas permis d'avoir un réel impact sur les conditions de travail.

-    La première limite de cette approche c'est que les audits sociaux manquent de fiabilité.

La simple visite d'une usine en quelques heures ne permet pas de déceler les violations des droits des travailleurs.

Par ailleurs, dans de nombreux cas, les usines camouflent la réalité, voire ont recours à la corruption des auditeurs et dans ces conditions l'évaluation des conditions de travail est rendue très délicate dans le réseau de sous-traitants des entreprises multinationales.

Par exemple, l'immeuble du Rana Plaza avait été jugé sûr à plusieurs reprises avant de finalement s'effondrer en 2013.

-    Mais au-delà du contrôle de la situation dans les usines, le problème majeur c'est que les conditions qui permettraient aux usines d'améliorer le sort des travailleurs ne sont pas réunies.

En effet, les pratiques d'achat des multinationales restent largement inchangées depuis les premières accusations dont elles ont fait l'objet dans les années 90 et leur stratégie consiste toujours à obtenir les prix les plus bas dans les plus brefs délais, ce qui fait peser une contrainte très forte sur les usines et en fin de compte sur les travailleurs de ces usines.

En réalité, il est un peu difficile d'obtenir des données précises sur le partage de la valeur ajoutée dans la chaîne de production, c'est-à-dire de savoir qui touche quoi à chaque étape de la production, d'un tee-shirt ou d'un téléphone parce que ces données sont gardées précieusement par les entreprises.

Par contre, on sait que la part qui est accordée aux travailleurs situés en bout de chaîne est très faible et qu'elle oscille entre 0,5 et 3 % du prix final dans le meilleur des cas.

Dans ce graphique, paru dans le magazine The Economist en 2010, la part du prix final d'un Ipad revenant aux travailleurs chinois est estimée à environ 2 % (la barre rouge foncée, en haut du cercle), et la proportion serait comparable en 2015 pour un iPhone 6 ou pour des chaussures et d'autres produits fabriqués en Asie.

Alors du coup les critiques n'ont en réalité pas faibli depuis les années 90, et des campagnes sont régulièrement conduites afin d'interpeller les médias et les consommateurs, par exemple pour dénoncer les conditions de fabrication de jouets juste avant la période de Noël ou sur cette autre photo, une manifestation dans un centre commercial de Hong Kong le jour de l'inauguration d'un Apple store.

Alors la question que l'on peut se poser, c'est : est-ce des alternatives aux codes de conduite et aux audits sociaux existent ? Et est-ce qu'il est possible d'avoir un réel impact sur les conditions de travail dans les chaînes de production mondialisées ?

Une réponse qui s'est développée ces dernières années consiste à faire appel à des consultants privés ou à des O.N.G. qui interviennent auprès des usines pour les aider à mettre en œuvre les codes de conduite. 

Ou encore, au Bangladesh, à la suite du drame du Rana Plaza, un accord important a été trouvé entre les syndicats internationaux, les marques et le gouvernement bangladais pour améliorer la sécurité des bâtiments.

Ce type d'initiative peut être salué mais des améliorations significatives ne pourront avoir lieu qu'à deux conditions :

-    D'une part, que les multinationales acceptent ou soient contraintes d'accorder un prix plus élevé aux usines, ce qui libérerait des marges de manœuvre pour améliorer les conditions de travail.

-    D'autre part, que les conditions politiques soient réunies dans les pays en développement pour que les travailleurs puissent d'eux-mêmes exiger des salaires plus élevés ou encore l'amélioration de leur environnement de travail.