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Description

Dans cette vidéo, Bruno Boidin, professeur à l'Université de Lille, présente les fondements conceptuels de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Il met en avant la triple bottom line, qui montre quels sont les trois objectifs que la RSE doit permettre d'atteindre : profit, people, planet.

Objectif d'apprentissage :
- Comprendre les fondements conceptuels de la Responsabilité sociale des entreprises.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Mentions Licence
  • Gestion
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 12. Consommation et production responsables
Thèmes
  • Éthique et responsabilité environnementale
  • Les solutions
  • RSE & Management
Types
  • Grain audiovisuel
De la diversité des origines de la RSE
De la diversité des origines de la RSE
La RSE : Approches institutionnalistes vs approches contractualistes
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Formes de régulation et d'intervention en matière de RSE
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Les stratégies de RSE
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Multinationales et conditions de travail
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Limites du cadre posé par la RSE
Limites du cadre posé par la RSE
Contributeurs

BOIDIN Bruno

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Bruno BOIDIN, Maître de conférences – Université de Lille

Pour aborder le concept de RSE, on peut commencer par quelques définitions.

Alors la RSE, signifie la responsabilité de l'entreprise, on dit aussi parfois la responsabilité sociétale de l'entreprise ou des organisations.

Certains auteurs la définissent comme la responsabilité de l'entreprise vis-à-vis des différents groupes avec lesquels elle interagit et au-delà de ses obligations techniques légales et économiques.

Alors, on a aussi la définition de la Commission européenne qui a publié plusieurs ouvrages sur la notion de RSE et notamment, dans sa définition de 2011, la Commission européenne définit la RSE comme la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu'elles exercent sur la société.

Ce qui implique deux choses :
-    La première chose, c'est le respect de la législation en vigueur, c'est le minimum ;
-    la deuxième chose, c'est une collaboration étroite avec les parties prenantes de l'entreprise pour l'intégration de préoccupations sociales, environnementales, éthiques mais également les préoccupations relatives aux droits de l'homme et aux consommateurs.

Dernier exemple de définition, la définition probablement le plus connue et la plus diffusée aujourd'hui, c'est celle de l’organisation ISO, l’organisation internationale des normes, qui a publié en 2010 le référentiel ISO 26000 qui explique que la RSE se traduit par un comportement éthique et transparent qui :
-    d'abord contribue au développement durable.
Donc la RSE est liée au développement durable.

-    Ensuite, prend en compte les attentes des parties prenantes, ce que l'on appelle les stakeholders dans la littérature anglo-saxonne.

-    Troisièmement, respecte les lois en vigueur et les normes internationales ;

-    Et enfin, est intégrée dans l'ensemble de l'organisation et mise en œuvre dans ses relations.

Alors, si l'on récapitule, on voit que la RSE devrait :
-    Conduire l'entreprise d'abord à aller au-delà de ses obligations légales. Il ne s'agirait pas seulement de respecter les obligations légales, mais d'aller au-delà.

-    Ensuite, de coopérer étroitement avec ses parties prenantes, les stakeholders.

-    Et enfin, d'élargir ses objectifs à des enjeux extra financiers.

Ce que l'on appelle en général la triple bottom line, c'est-à-dire l'idée que la responsabilité de l'entreprise ne serait pas seulement économique en termes de profit mais serait également une responsabilité sur l'humain, ce que l'on appelle people et une responsabilité de préservation de l'environnement, ce que l'on appelle planet.

Donc le triptyque people, planet, profit, qui signifie triple bottom line, autrement dit la ligne de bas du compte de résultats transformée en triple ligne de bas du compte de résultat.

Généralement, la triple bottom line est représentée par ce schéma où l'on voit que les sphères économiques, environnementales et sociales seraient compatibles.
 
L'entreprise aurait la possibilité de faire du profit tout en respectant l'environnement et tout en développant le social à travers la culture, la qualité de vie, la situation des salariés etc.

Donc, on aurait une RSE qui serait finalement harmonieuse, de même que le concept de développement durable est souvent présenté comme une notion harmonieuse où il serait possible de développer de façon conjointe différentes sphères.

Évidemment, ça soulève un certain nombre de questions, notamment chez les économistes qui considèrent qu’il n’est pas si évident que cela que la triple bottom line soit possible concrètement.

On a donc un certain nombre de questions lorsque l'on veut passer du concept de RSE à l'action, à la mise en œuvre de la RSE.

•    Une première question c'est de savoir si la RSE est une stratégie gagnant - gagnant.

Alors l'expression gagnant - gagnant, elle est souvent utilisée dans les ouvrages de management, dans les discours des entreprises et elle part de l'idée que finalement, lorsqu'une entreprise fait de la RSE ou développe des programmes qu'elle qualifie de RSE, elle engendrerait des impacts sociétaux positifs, tout en engrangeant un certain nombre d'avantages, notamment la baisse des coûts puisqu'elle économiserait de l'énergie et des ressources, une dynamique d’innovation qui la mettrait devant ses concurrents sur le marché, et des gains en termes d'image, et tout cela favoriserait en retour les comportements de RSE.

L'entreprise entrerait dans une dynamique gagnant - gagnant, elle gagnerait et elle ferait gagner ses parties prenantes, ce qui l’inciterait à nouveau à faire de la RSE.

Alors, la réalité est un petit peu différente, il est rare de voir remis en cause le principe gagnant - gagnant à l'échelle de l'entreprise.

On a beaucoup d’exemples d’entreprises qui effectivement, en faisant de la RSE, en étant plus acceptées socialement, plus socialement responsables, vont engranger à long terme des bénéfices en termes d'image, en termes d'innovation etc.

Par contre, du côté des travaux des économistes, on trouve un certain nombre de réserves sur le passage de l'échelle micro à l'échelle macro-économique.

Par exemple, on voit bien que lorsque l'entreprise choisit les parties prenantes avec lesquelles elle va développer des programmes de RSE ou qui vont être destinataires de ces programmes de RSE, il est rare que les parties prenantes les plus faibles, les plus pauvres, les moins influentes, soient choisies par l'entreprise comme les premières parties prenantes.

Par exemple, on voit souvent des entreprises qui vont privilégier les actionnaires, les consommateurs des pays riches et qui vont dévaloriser ou peu favoriser les riverains dans les pays pauvres, qui vont pourtant subir des risques industriels, des risques sanitaires etc.

Par ailleurs, on a observé un certain nombre d'effets assez délicats et notamment ce que l'on appelle en économie l'effet rebond.

L'effet rebond, c'est l'idée que lorsqu'une entreprise découvre un progrès technique ou contribue au progrès technique et réduit donc son impact en termes de prélèvement des ressources par unité produite, elle va a priori avoir une baisse de coût.

En principe c’est favorable à l'environnement, sauf que souvent, ce se traduit par une augmentation de la consommation qui est consécutive au fait que la baisse des coûts engendre une baisse des prix.

Donc, l'effet micro-économique est positif, l’effet macro-économique, c’est de l’augmentation de la consommation globale donc une surconsommation d'un produit.

Toutes ces questions, évidemment, nécessitent d'être développées par les économistes et c'est en cours.

•    Alors, une deuxième question dans le passage du concept à l'action, c'est : est-ce que la RSE est universelle ou relative ?

Sans verser dans un relativisme excessif, on peut quand même considérer que la RSE a trop longtemps et trop souvent été considérée comme une notion universelle et standard. 

Elle a été créée en Occident, elle a notamment des origines aux Etats-Unis et des origines européennes, avec des conceptions assez différentes de part et d'autre et, cette notion de RSE est effectivement d'un certain point de vue universelle parce qu’elle signifie que chaque organisation économique devrait se sentir responsable non pas seulement de faire du profit, mais aussi de ses impacts sociaux, sociétaux et environnementaux.

Néanmoins, il y a une grande diversité d'application de cette notion de RSE déjà dans les pays riches. 

La diversité d'applications est encore plus forte quand on observe la situation des programmes ou des préconisations de RSE dans les pays émergents ou dans les pays pauvres.

Dans ces pays, on constate que les spécificités institutionnelles, historiques et culturelles font que finalement, la RSE devrait être relativisée par rapport au contexte.

On constate par exemple qu’en Afrique, là où les états sont relativement faibles, sont même parfois dominés par les entreprises, là où la société civile est freinée dans son élan, là où les médias ne sont pas toujours développés, l'entreprise a beaucoup de marge de manœuvre et elle va concevoir la RSE d'une autre façon.

Les petites entreprises en Afrique sont typiquement dans cette situation où elles vont considérer parfois que la RSE, ce n'est pas préserver l'environnement mais c'est par exemple distribuer des médicaments aux enfants d’un salarié qui sont malades.

On n’a donc pas la même conception de la RSE selon le contexte économique, selon le contexte social et selon le contexte culturel.

Ça nécessite en conclusion d'adopter une vision de la RSE qui ne serait pas occidentalo-centrée, qui ne serait pas basée sur une conception standard de la RSE parce que baser la RSE  sur une conception standard signifierait finalement considérer le modèle capitaliste occidental comme un modèle.

Or, on connaît les limites en termes de développement durable de ce modèle capitaliste occidental.

Donc ça nécessite une réflexion et une mise en pratique de la RSE dans des contextes localisés, avec une émergence de la société civile et aussi des groupes de pressions citoyens qui vont permettre de mettre en pratique la RSE de façon différenciée.