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Description

Dans cette vidéo, Bruno Boidin discute des différents leviers qui permettent une mise en œuvre opérationnelle de la RSE. Il distingue notamment les approches top-down et bottom-up. Pour chacune d'entre elles, il apporte des éléments de cadrage et en précise les intérêts et les limites.

Objectifs d'apprentissage :
- Identifier les leviers pour promouvoir la Responsabilité Sociale des Entreprises, qu’ils soient dans une approche top-down ou bottom-up
- Comprendre les intérêts et les limites de ces différents leviers.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Gestion
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Thèmes
  • Éthique et responsabilité environnementale
  • RSE & Management
Types
  • Grain audiovisuel
Analyse conceptuelle de la RSE
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De la diversité des origines de la RSE
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La RSE : Approches institutionnalistes vs approches contractualistes
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Les stratégies de RSE
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Multinationales et conditions de travail
Multinationales et conditions de travail
Limites du cadre posé par la RSE
Limites du cadre posé par la RSE
Contributeurs

BOIDIN Bruno

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Bruno BOIDIN, Maître de conférences – Université Lille 1 

Parler des formes de régulation et d'intervention en matière de RSE signifie se poser la question : comment va-t-on inciter les entreprises ou pousser les entreprises à se lancer dans des approches sociétalement responsables ?

Alors, sur ce plan, on peut distinguer deux grandes approches.

La première approche, c'est ce qu'on appelle l'approche top down, qui va du haut vers le bas, qui va en fait venir plutôt des acteurs publics et des acteurs qui interviennent traditionnellement dans l'économie :
-     Notamment ceux qui font les réglementations, ce qu'on appelle la hard law, la loi véritable ;
-     Ceux qui lancent des directives publiques, ce qu'on appelle la soft law parce qu'elle n'est pas contraignante mais elle vient quand même des états et des acteurs publics ;
-    Ou encore, les politiques économiques classiques comme les taxes ou les subventions.

La deuxième grande approche, c'est l'approche en termes bottom up, c'est-à-dire celle qui part du bas (les acteurs de terrain) et qui va remonter en généralité.

On y trouve toutes les approches volontaires qui viennent des entreprises, des organisations non-gouvernementales, de la société civile, des acteurs sociaux etc.

•    Regardons un peu l'approche top down.

Alors, l’approche top down, elle repose sur trois types de supports en général :

o    Le premier support, on l’a dit,  c’est la hard law, c'est la loi dure, ce que les juristes appellent « la vraie loi » ou la loi tout court. C'est la loi parce qu'elle est contraignante, parce qu'elle s'impose à tous.

Par exemple en France, nous avons ce qu'on appelle la loi NRE, la loi sur les nouvelles régulations économiques ou encore la loi Grenelle 2, plus récente. Ces deux lois ont comme point commun d'obliger les entreprises annuellement à publier un rapport d'impact sur leurs objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux ou sur leurs réalisations ou encore sur des indicateurs qui montrent de quelle façon elles ont influencé le champ social, sociétal ou environnemental.

Alors, l’avantage de ces lois qui d'ailleurs sont souvent citées en exemple à l'étranger, c’est d’obliger les entreprises à être redevables.

L'inconvénient, c'est qu’elles ne sont redevables que sur l'information qu’elles diffusent, ça ne vise pas forcément à changer leur comportement.

L’autre inconvénient, c'est que dans une économie globalisée, la divergence des réglementations fait que les entreprises vont avoir tendance à pratiquer ce qu'on appelle le nomadisme réglementaire, c'est-à-dire le moins-disant réglementaire ou, pour le dire très concrètement, menacer les états de quitter le territoire et d’aller s'installer là où la réglementation environnementale ou sociale sera moins contraignante ou plus avantageuse.

Ça nécessite une vraie volonté politique et ça nécessite une convergence des politiques réglementaires.

o    Une deuxième approche, la soft law publique, c'est une incitation plus qu'une obligation. C'est un ensemble de textes, par exemple les textes européens, les directives de l'OCDE à destination du monde des affaires, qui vont expliquer aux entreprises de quelle façon mettre en place leur responsabilité sociale, sociétale ou environnementale. 

Alors évidemment, il y a un autre inconvénient, c'est que ces approches en termes de soft law publique ne sont pas obligatoires, sont purement volontaristes, on peut ou pas adopter ces approches et du coup on peut se poser la question, est-ce que véritablement elles incitent les entreprises à aller vers des programmes de RSE ?

o    Le troisième support top-down, c'est la politique économique. On connaît classiquement les outils de politique économique : dépenses budgétaires de l'État, subventions, taxations etc.

En ce qui concerne la RSE, on peut dire qu'il y a deux grands types de politiques économiques relatives à la RSE : les écotaxes ou les taxes plus généralement qui vont pousser les entreprises à réduire leur impact, puisqu’à mesure qu'elles pollueront par exemple, elles seront taxées.

Ou encore, à l'inverse, les subventions aux énergies renouvelables ou aux politiques sociétalement responsables.

Alors, ces politiques économiques posent les mêmes problèmes que la hard-law dans la mesure où, encore une fois, dans une économie globalisée, il est fréquent que les entreprises aillent dans les pays où elles vont considérer être le plus aidées et le moins taxées.

Donc, d’une certaine façon, cette approche top down est intéressante, elle pose un cadre général mais tant qu'on n'aura pas de convergence des politiques économiques à l'échelle mondiale, tant qu'on n'aura pas de convergence des réglementations à l'échelle mondiale et tant qu'on n'aura pas une véritable gouvernance mondiale du développement durable, et une volonté politique, on pourra dire que c'est insuffisant.

•    Alors, l’approche bottom up, c'est une approche, on l’a dit, qui part du bas, qui part des acteurs.

Elle repose également sur trois types de supports :

o    Premier support sur lequel je m'étendrai peu : les codes internes aux entreprises. Souvent, traduits dans des codes éthiques. 

Alors, les codes éthiques, on en a attendu beaucoup dans les années 80, on lisait souvent que c'était la préfiguration politique de RSE, en réalité ils ont été très décevants, souvent instrumentalisés par les entreprises pour communiquer plus que pour agir.

o    La deuxième approche, le deuxième type de support, c'est l'approche à dominante contractuelle.

L’entreprise va s'engager sur la qualité d'un produit, la qualité environnementale, la qualité sociale ou la qualité sociétale.

Elle va s'engager sur le fait que ce produit rende des services à l'environnement ou respecte l'environnement ou débouche sur des améliorations sociales. 

On y trouve souvent des méthodes en termes d'analyse cycle de vie, c'est-à-dire des méthodes dans lesquelles on va mesurer pour un produit, de sa naissance à sa mort, l’ensemble de ses impacts (environnementaux, sociaux etc.).

Souvent, ça donne lieu à la délivrance de labels, par exemple l’écolabel européen pour l'environnement ou la norme NF environnement en France.

Alors, bien évidemment, il y a aussi des difficultés par rapport à ce type d'approche, quand on prend un petit peu de recul critique, on s'aperçoit que d'une part, elles peuvent conduire l'entreprise à se focaliser sur un ou quelques produits, sans changer son système des affaires, sans changer son modèle économique, c'est-à-dire sans se lancer dans une véritable révolution de son modèle économique qui développerait des engagements extra financiers

D'autre part, ça peut conduire également l'entreprise à externaliser la RSE, c'est-à-dire à faire porter la pression sur ses sous-traitants qui lui fournissent des matières premières dont elle va exiger que ces matières premières respectent un certain nombre de normes.

Il y a donc bien une externalisation de la RSE dans la mesure où l'entreprise peut ne pas agir mais faire agir ses sous-traitants pour obtenir elle-même le label sur ses propres produits.

o    Alors, un troisième support, c'est l'approche à dominante managériale. Elle consiste pour l'entreprise à modifier l'ensemble de son système de management, c'est-à-dire à introduire des objectifs de RSE dans tous les départements (logistique, marketing etc.). 

A priori, elle est plus ambitieuse, elle repose sur un certain nombre de normes et référentiels :
-    par exemple la Global Reporting Initiative qui a été lancée en 1997,
-    le Global Compact en 99, lancé par Kofi Annan qui était alors secrétaire général de l'ONU, 
-    l'ISO 26 000 dont on parle souvent parce que c'est la dernière norme en date et c'est considéré comme la norme des normes, 
-    et puis des référentiels plus techniques, comme le SMEA ou l'ISO 14 000 qui eux vont viser spécifiquement une dimension de la RSE, l’environnement, le social, le sociétal, en expliquant aux entreprises quelles procédures mettre en œuvre.

Allant, cette approche à dominante managériale, finalement, je le disais, semble plus ambitieuse mais en réalité elle peut être trompeuse.

Beaucoup d'entreprises ont adopté des référentiels managériaux, mais dans la mesure où ces référentiels managériaux sont souvent le résultat des choix de l'entreprise elle-même, sans beaucoup de contraintes extérieures, reposent beaucoup sur les procédures, sur les processus et peu sur les résultats chiffrables, alors souvent, on a des approches à dominantes managériales qui font l'objet de beaucoup de communication sans que l'entreprise n’ait véritablement réfléchi à un nouveau modèle économique.

Alors, je terminerai pour compléter ce panorama par des initiatives qui sont intéressantes, que l'on appelle les partenariats multipartites qui sont un peu transversales à ces différentes catégories que j'ai évoqué tout à l'heure top down et bottom up.

Transversales parce que les partenariats multipartites sont un nouveau modèle économique par lequel des acteurs qui ont des intérêts à priori divergents, acteurs publics, acteurs privés marchands, acteurs privés non marchands, vont coopérer sur des projets spécifiques de RSE ou de développement durable. 

Par exemple, dans la lutte contre le paludisme, le partenariat entre Sanofi, Médecins sans Frontières et l’OMS et quelques autres acteurs, a débouché sur la production d'un médicament à bas prix pour la lutte contre le paludisme que l'on appelle ASAQ.

Autre exemple, dans la lutte contre la pauvreté, l'association entre Danone à travers sa Fondation et la Grameen Bank qui est la banque des pauvres, créée au Bangladesh, a permis de fournir des financements à des micro entrepreneurs au Bangladesh qui fabriquent des produits laitiers à bas prix et qui peuvent les diffuser auprès des populations notamment pour satisfaire les besoins alimentaires des enfants.

Évidemment, ces partenariats multipartites ne sont pas non plus la panacée parce que ces partenariats finalement se déroulent dans un contexte de mondialisation libérale où les acteurs publics sont mis au même niveau que les acteurs privés, marchands et non marchands et où on ne perçoit plus bien la hiérarchie et le leadership des acteurs publics nationaux ou transnationaux.

Du coup, on peut se poser la question sur les limites de ces partenariats dans la mesure où, encore une fois, les acteurs faibles, les usagers, les bénéficiaires, les populations, ne sont pas forcément les mieux servis et on peut considérer que parfois ces partenariats débouchent sur des projets de développement durable décrétés par des experts, par des entreprises un peu à l’exemple de la Fondation Bill et Melinda GATES qui, sur la base d'indicateurs techniques et de court terme, choisit pour les gens plutôt que de choisir avec les gens.

Au total, pour conclure, on peut dire que la RSE se situe dans un registre de transformation du capitalisme et une transformation douce qui ne révolutionne pas le mode de production capitaliste.

On peut dire aussi que son échelle reste micro-économique, qu'elle ne prend donc pas en compte les effets macro-économiques et que de ce point de vue-là, la RSE a besoin de beaucoup plus d'analyses économiques pour voir si les résultats micro peuvent déboucher sur des effets positifs à l'échelle macro-économique.

Enfin, la RSE regarde les rapports de force et les inégalités de pouvoir comme des problèmes qui finalement peuvent être réglés à travers la négociation, la coopération etc.

Rien n'est moins sûr, puisque ces problèmes d'inégalités de pouvoir entre les riches et pauvres, entre ceux qui sont des parties prenantes fortes et ceux qui sont des parties prenantes faibles, ces inégalités de pouvoir sont des problèmes structurels mais restent relativement absents du projet de la RSE.