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Description

Dans cette présentation, Jérémy Lobry définit les caractéristiques écologiques des milieux estuariens, zones de transition entre l'océan et le milieu continental. Il met en lumière d'une part la biodiversité relativement faible qu'on y trouve et d'autre part, la productivité secondaire extrêmement importante de ces milieux.

Objectif d'apprentissage :
- Connaître les caractéristiques écologiques des milieux estuariens

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Mentions Licence
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Types
  • Grain audiovisuel
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Contributeurs

Lobry Jérémy

INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

La biodiversité estuarienne

Jérémy Lobry
Ingénieur de recherche - IRSTEA

1. Gradients environnementaux

Les estuaires sont des zones de transition entre le milieu marin, l'océan à l’aval et le milieu continental, le fleuve de l’autre côté. Si on regarde un peu les volumes d’eau qui sont mis en jeu dans un estuaire comme l'estuaire de la Loire dans l'ouest de la France, on voit que les apports d'eau douce sont environ cinq fois moins importants que les apports d'eau marine. Cela signifie qu'il y a vraiment une connotation marine ou saumâtre à ces zones estuariennes. Ces apports varient d'une année sur l'autre ou à l'intérieur d'une même année en fonction des débits fluviaux et des coefficients de marée. Mais dans tous les cas ils permettent l'installation d'un certain nombre de gradients environnementaux dont le plus notable est le gradient de salinité qui s'installe de l'aval vers l'amont. A l’aval, du côté de l'océan, on a une salinité qui est proche de celle de l'eau de mer (35 pour mille). Plus on remonte dans l'estuaire, plus elle décroît pour atteindre une salinité nulle dans la partie amont de la zone estuarienne. Ce gradient de salinité est associé à une distribution typique de la matière en suspension dans l'estuaire. Il y a notamment une zone de concentration au niveau de la limite amont de pénétration de la salinité dans l’estuaire. Cette zone de concentration est appelée soit « maximum de turbidité », soit « bouchon vaseux ».

2. Gradients de biodiversité

A ces gradients environnementaux peuvent être associés des gradients de biodiversité. Notamment, si on regarde le nombre d'espèces qu'on peut observer dans ces écosystèmes, on voit que le nombre maximal d'espèces est plutôt situé dans la partie marine, voire même carrément dans la partie côtière ou sur le plateau continental. Ensuite, on a une décroissance du nombre d'espèces de l'aval vers l'amont quand on pénètre dans l'estuaire. Enfin, on a une inflexion et une remontée du nombre d'espèces quand on arrive dans le fleuve. On n'est donc pas du tout dans un milieu typique d’écotone comme on peut les décrire dans les manuels d'écologie. Les écotones sont ces milieux qui sont associés à une diversité spécifique, à une richesse spécifique forte, en tout cas plus forte que celle des milieux adjacents. Au contraire, on est dans un système où on a plutôt deux gradients écologiques qu'on appelle « écocline ». On a un système dit de « double écocline » et ça c'est assez typique des estuaires. Tout se passe comme si la diversité qu'on observe à l'échelle locale était issu d’un pool régional d'espèces qui passent à travers un certain nombre de filtres environnementaux à différentes échelles : l’échelle régionale, par exemple les barrières de dispersion ou les conditions climatiques, l’échelle de l'estuaire, en lien avec son hydrologie, sa morphologie et les types d'habitat et de ressources trophiques disponibles, et l'échelle plus locale, en lien avec la qualité de l'eau et les interactions biotiques.

3. Exemples

Si on reprend l’exemple de l'estuaire de la Loire et qu’on regarde plus particulièrement les poissons, tout cela se traduit par le fait qu’on a un certain nombre de groupes écologiques qui se distribuent le long de l'estuaire. A l’aval, on a notamment des poissons marins. Ce sont essentiellement des juvéniles qui viennent se nourrir et grandir dans les estuaires. Ils viennent se réfugier grâce à la turbidité de l'eau. On dit que l'estuaire a une fonction de nourricerie pour ces poissons. Complètement à l’amont, on a des poissons d'eau douce comme les brèmes et les barbeaux qui peuvent être là plutôt à la faveur d’épisodes accidentels de crues par exemple. Puis on a un tout petit nombre de poissons résidents qui passent l'ensemble de leur cycle écologique dans l'estuaire. Enfin, on a une catégorie de poissons assez caractéristiques des zones estuarienne. Ce sont les poissons migratoires amphihalins qui vont traverser ces estuaires deux fois au cours de leur cycle de vie, entre leur zone de reproduction et leur zone de croissance et d'alimentation.

Cette biodiversité remarquable est supportée par une forte productivité biologique. On peut la décrire en regardant les différentes chaînes alimentaires que l'on peut retrouver à l'intérieur d'un estuaire. L’association de ces différentes chaînes alimentaires forme un réseau trophique. Le réseau trophique estuarien est assez particulier. L’essentiel des flux trophiques à l'intérieur du réseau estuarien sont liés à la dégradation de la matière organique particulaire par des bactéries qui sont ensuite grignotées par d'autres maillons du réseau trophique. Ces flux trophiques liés à la matière organique particulaire représentent par exemple, dans l'estuaire de la Gironde, 80 à 90 % des flux. Il y a donc assez peu de production primaire ce qui est lié à la turbidité de ce milieu. Puis ces deux voies trophiques finissent par se rejoindre à un niveau intermédiaire qui est le niveau des consommateurs primaires. Ce sont soit des invertébrés benthiques, comme des petits vers qu'on retrouve dans la vase au niveau intertidal ou subtidal de l'estuaire. Ce sont aussi, de façon plus notable, des petits crustacés qui peuvent être soit zooplanctoniques comme les copépodes, soit plutôt suprabenthiques, c'est-à-dire juste au-dessus du fond de l'estuaire comme les mysidacés ou différentes espèces de crevettes. Ces espèces vont servir de proies privilégiées pour les poissons qui vont être ensuite le support d'une activité de pêche dans l'estuaire ou dans la zone côtière adjacente (ex : soles, anchois, bars pêchés dans le golfe de Gascogne ou en Manche - Mer du Nord).

4. Conclusion

Les estuaires sont associés à une biodiversité relativement faible, quoiqu'elle soit extrêmement remarquable. Mais leur productivité biologique, notamment secondaire et halieutique, est finalement extrêmement importante. Cela fait des estuaires un des milieux parmi les plus productifs de la planète. C'est lié au fait que les communautés écologiques sont extrêmement bien adaptées aux fluctuations des conditions naturelles qu’on retrouve dans ces systèmes.

Paradoxalement, cette homéostasie environnementale fait que la biodiversité telle qu'on l'observe classiquement, à travers le nombre d'espèces ou la composition spécifique, peut être un assez mauvais indicateur des perturbations anthropiques que peuvent subir ces écosystèmes. Cela engendre une difficulté structurelle supplémentaire à discriminer d'un côté les effets des facteurs naturels de l'environnement sur la biodiversité, des effets des perturbations anthropiques sur le fonctionnement de ces écosystèmes. C'est ce qui rend ces écosystèmes complexes mais aussi extrêmement riches et intéressants à étudier.