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Description

Marion Gosselin propose un focus sur le bois mort, composant important et essentiel des forêts. La biodiversité associée, les espèces saproxyliques, représente en effet 25% de la biodiversité forestière. Sur la base d'une compréhension de son fonctionnement et de ses bénéfices, elle met en lumière un véritable enjeu de conservation associé à ce bois mort.

Objectifs d'apprentissage :
- Connaître le matériau naturel qu'est le bois mort 
- Comprendre son fonctionnement et ses bénéfices
- Appréhender l'enjeu de conservation associé à ce bois mort.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Types
  • Grain audiovisuel
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Contributeurs

GOSSELIN Marion

Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Bois mort, dendro-micro-habitats
et biodiversité

Marion Gosselin
Ingénieur - IRSTEA

1. Origine du bois mort

Le bois mort est un matériau naturel abondant dans les écosystèmes forestiers, en particulier dans les écosystèmes forestiers naturels. Il provient de sources variées. Il peut-être dû à la mortalité naturelle des arbres dans des peuplements trop serrés. On parle dans ce cas d’auto-éclaircie. Il peut être dû aussi à la mortalité d'arbres après une attaque de ravageurs ou de pathogènes. Il peut provenir aussi de dégâts liés à des aléas climatiques, par exemple le gel, la foudre, la tempête ou encore le feu. Enfin, la sénescence (c'est-à-dire le vieillissement naturel des arbres), provoque la mortalité de branches, voire d'arbres tout entiers.

Le bois mort est un matériau évolutif, parce que peu à peu il se décompose. C'est aussi un matériau polymorphe, car il se présente en forêt sous différentes formes. On peut le rencontrer sous la forme d'arbres morts, sur pied. On peut le rencontrer aussi sous la forme de parties d'arbres morts au sol, par exemple des troncs, des branches, des souches, mais aussi ça peut être des chandelles (ce qu'on appelle des chandelles ce sont des troncs d'arbres debout et dépourvu de leurs houppiers). Enfin, le bois mort est aussi un de ce qu'on appelle les micros habitats sur les arbres vivants. On peut trouver du bois mort sur un arbre vivant. Par exemple, des grosses branches charpentières mortes dans le houppier. Les arbres vivants peuvent être porteurs de ce qu'on appelle les dendro-micro-habitats, c'est-à-dire tout ce qui est cavités, branches mortes, fentes, plages d'écorces décollées, écoulements de sève par exemple ou encore des fructifications de champignons lignicoles. Ces dendro-micro-habitats ainsi que le bois mort sont deux éléments incontournables pour la biodiversité forestière.

2. Bois mort et biodiversité

Le bois mort est tout d'abord au centre de tout un réseau trophique. En effet, des organismes utilisent directement le bois mort ou le bois en décomposition comme source de nourriture : ce sont les xylophages. D'autres organismes utilisent le bois mort ou en décomposition comme site d'abri ou de nidification. Ces organismes attirent indirectement d'autres organismes qui sont par exemple leurs prédateurs, et qui peuvent être aussi des parasites, par exemple des mycétophages qui vont manger des champignons ou des saprophages qui se nourriront d’insectes en décomposition. L'ensemble de ces éléments qui vivent sur ou dans le bois mort, assure le recyclage de la matière ligneuse.

Finalement, les bois morts fourmillent de vie. En effet, tous les organismes saproxyliques forment des communautés très abondantes et diversifiées sur le bois mort. Par organismes saproxyliques, on désigne toutes les espèces qui dépendent, pendant au moins une partie de leur cycle de vie, du bois mort ou qui dépendent d'autres espèces saproxyliques. En quelques chiffres, il faut retenir que les organismes saproxyliques en forêt représentent 25 % des espèces forestières. Cela veut dire qu'une espèce forestière sur quatre dépend du bois mort pour tout ou partie de son cycle de vie. Au total, en France métropolitaine, on a à peu près 10 000 espèces saproxyliques, dont 5000 champignons, 2500 coléoptères mais aussi des mousses, des lichens, des oiseaux, des mollusques, des mammifères.

Parmi les plus célèbres, les plus emblématiques, on peut citer le pique-prune, qui vit dans des cavités naturelles sur des vieux feuillus et en particulier des cavités remplies de terreau, les pics qui sont des cavicoles primaires et qui creusent leurs cavités dans les arbres, la Rosalie des Alpes qui est un bel insecte dont on trouve les larves et les adultes sur des souches de hêtre ou de frêne, ou encore le lucane cerf-volant qui lui sera plutôt sur des souches de chêne.

3. Adaptation à la vie dans le bois mort

Ces espèces sont adaptées à la vie dans le bois mort. Ces adaptations sont tout d'abord des adaptations morphologiques. On a par exemple l'Ips typographe dont le corps est adapté pour creuser des galeries dans le bois et évacuer les déchets. On remarque le pronotum en un casque sur la tête, le corps long et effilé ainsi que des brosses à l'avant qui permettent de creuser des galeries. Une deuxième adaptation morphologique est le corps subcylindrique long, bien allongé de certaines espèces qui sont adaptées pour sillonner les galeries tubes, des foreurs dont elles sont soit les prédateurs soit les commensaux. Enfin, d'autres espèces ont un corps aplati pour ramper sous les écorces. La deuxième série d'adaptations concerne les adaptations physiologiques. Certaines espèces sont capables, par exemple, de détecter des bois récemment brûlés grâce à des détecteurs infrarouges situés sur leurs antennes.

4. Colonisation du bois mort

D'une manière générale, les espèces saproxyliques sont très sensibles à la nature du substrat. En particulier, on ne trouvera pas les mêmes espèces selon que le substrat de bois mort sera une grosse pièce de bois mort ou des petits branchages. Selon le stade décomposition du bois mort, on assiste à toute une succession d'espèces en fonction de l'évolution de la décomposition du bois. De même, les espèces ne seront pas les mêmes selon que le bois mort est d’une essence feuillue ou résineuse, selon que le bois mort est en conditions ensoleillées ou ombragées ou encore selon qu'il est à terre, au sol ou alors perché au pied des arbres. Les espèces sont aussi sensibles à la disponibilité du substrat : plus il y a de quantité de bois mort en abondance, en densité, plus les espèces pourront facilement le coloniser. Par ailleurs, les espèces sont sensibles à la continuité temporelle du bois mort et à la proximité de sources de bois mort par rapport à un milieu donné. Plus les espèces ont des capacités de dispersion qui sont limitées, plus elles auront besoin de continuité temporelle du bois mort ou d’espaces riches en bois mort à proximité de leur lieu de vie si elles veulent disperser. Enfin, certaines espèces ont besoin aussi non seulement de bois mort mais d'autres espaces complémentaires à proximité come par exemple certaines espèces dont les larves vivent dans le bois mort et dont les adultes sont floricoles. Ces espèces ne peuvent se trouver que dans des milieux qui proposent à proximité à la fois des zones riches en bois mort et des zones riches en fleurs.

Alors, d'une manière générale, les organismes saproxyliques ont besoin d'un substrat, le bois mort, qui n'est pas très abondant dans nos forêts gérées et de la même manière que l'ours blanc est menacé par la fonte de la banquise, les organismes saproxyliques vivent sur des icebergs qui fondent et ils doivent être, eux, en mesure d'atteindre un iceberg favorable voisin avant que leur iceberg d'origine ait fondu.

5. Conclusion

Le bois mort est un enjeu de conservation important. C'est un maillon faible dans nos forêts exploitées, d'une part parce que les arbres sont exploités bien avant leur sénescence, d'autre part parce que le bois abattu est exporté et enfin, parce que les éclaircies sélectionnent plutôt des arbres bien conformés et ont tendance à éliminer les arbres à micro habitats. De ce fait, en forêt exploitée, le volume de bois mort est bien moindre que le volume de bois mort qu'on peut atteindre dans des forêts naturelles.

Le bois mort doit être pris en compte dans la gestion forestière comme une cible de gestion conservatoire, avec deux grands types de mesures. D'une part, en forêt exploitée, il est conseillé de maintenir du bois mort en densité, en quantité, avec aussi des trames d’îlots de vieux bois qui sont correctement réparties sur le territoire pour permettre la dispersion des espèces. D'autre part, on préconise d'avoir des réseaux d'aires protégées dans lesquelles l'exploitation est carrément abandonnée, arrêtée. Ces réserves intégrales sont de surface variable. Ce peut être des îlots de vieux bois de quelques hectares, ou bien des réserves forestières intégrales qui peuvent faire plus d'une centaine d'hectares.