En ligne depuis le 28/10/2014
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Description
Marion Gosselin propose un état des lieux de la biodiversité forestière, 80% de la biodiversité mondiale y étant associée. Elle propose un focus sur la France métropolitaine et l'Europe, en mettant en évidence la nature et l'évolution des principaux groupes d'organismes vivants trouvés dans ces milieux.
Objectifs d'apprentissage :
- Savoir à quoi ressemble la biodiversité en forêt
- Appréhender la diversité des groupes d'organismes vivants en forêt
- Appréhender la diversité génétique
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Mentions Licence
- Sciences de la vie
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
GOSSELIN Marion
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Biodiversité forestière : état des lieux
Marion Gosselin
Ingénieur - IRSTEA
1. Diversité spécifique
En forêt, comme dans d’autres milieux, le niveau le plus facile à appréhender pour la biodiversité est la diversité des espèces, à commencer par les arbres : 136 espèces dans nos forêts tempérées en France métropolitaine mais jusqu'à 1300 espèces d'arbres en Guyane ; 10 fois plus donc dans les forêts tropicales. C’est aussi la diversité des mammifères, des plantes du sous-bois, des champignons, des insectes, avec plusieurs milliers d’espèces, des oiseaux, certains emblématiques comme la cigogne noire, des lichens et j'en passe bien sûr. Sans oublier toute la vie qui fourmille sous nos pieds quand on se promène en forêt : sous chaque mètre carré de sol forestier on a des milliers de micro-organismes comme des collemboles par exemple.
2. Diversité génétique
Le deuxième niveau est la diversité qui est cachée dans les gènes : la diversité génétique. Pour illustrer cette notion, on peut observer des feuilles de peuplier noir dont on peut voir qu’elles n'ont pas toutes la même forme ni la même taille. Cela est dû à leur environnement mais aussi à la diversité génétique au sein de la population. Chez d'autres espèces de peuplier, la diversité se révèle quand on inocule à des disques foliaires un champignon responsable d'une maladie : la rouille du peuplier. On voit bien sur ces disques foliaires des niveaux de sensibilité différents entre individus à la maladie de la rouille. Ces niveaux de sensibilité différents sont le fruit de la diversité génétique.
3. Diversité écosystémique
Un autre niveau plus macroscopique de biodiversité est la diversité des écosystèmes. Il n'y a pas en effet un milieu forestier mais des écosystèmes forestiers, adaptés à des variétés de sols, à des types de climats ou d'altitudes différentes et qui ont chacun des cortèges de plantes et d'animaux qui leur sont spécifiques.
4. Diversité fonctionnelle
Le quatrième niveau de biodiversité est la diversité fonctionnelle ou diversité des groupes fonctionnels d'espèces. Un exemple simple pour illustrer cette diversité est celui de la chaîne alimentaire. Toutes les espèces ne jouent pas le même rôle dans l’écosystème et tous les maillons sont importants. Si un maillon manque, et bien le système ne fonctionne plus aussi bien. C'est le cas dans la chaîne alimentaire : si les décomposeurs ne peuvent plus se développer dans un sol trop tassé par exemple, le sol perd en fertilité. A ce moment-là, les producteurs primaires - les plantes -, diminuent et par là même, en conséquence, leurs consommateurs ainsi que les prédateurs de ceux-ci. L’écosystème gagne donc à ce que toutes les fonctions et tous les maillons soient présents.
Un autre exemple de fonction dans l'écosystème forestier est celui des cavicoles. Les cavicoles primaires sont des oiseaux qui creusent eux-mêmes leurs cavités dans les arbres, - par exemple le pic-mar ou le pic-noir -, pour y nidifier. Ils permettent ainsi par la suite l'installation des cavicoles secondaires qui sont des oiseaux qui ont besoin de cavités mais ne sont pas capables eux-mêmes de creuser leurs cavités. Sans cavicoles primaires, il n'y a pas de cavicoles secondaires.
D'autres fonctions importantes dans l'écosystème forestier sont par exemple les fonctions de pollinisation ou les fonctions assurées par les champignons symbiotiques qui montent une association gagnant - gagnant avec les racines des arbres forestiers qui sont primordiaux pour la croissance et la productivité de l'écosystème forestier.
5. Quelques chiffres
Le premier chiffre est 80%. Les forêts abritent 80% de la biodiversité mondiale. Les forêts tropicales sont particulièrement riches : alors qu'elles ne représentent que 6% de la surface terrestre, elles abritent jusqu'à 75% des espèces animales et végétales du globe. Les forêts tempérées et boréales que l'on trouve en Europe sont certes moins riches que les forêts tropicales mais contribuent de façon importante à la biodiversité.
Le premier exemple est la forêt de Fontainebleau, qui compte jusqu'à 5700 espèces d'insectes. Elle est riche aussi en champignons, avec plus de 2700 espèces, ainsi qu'en plantes vasculaires mais aussi en algues, avec 500 espèces. C'est quelque chose qu'on a à priori du mal à s'imaginer et pourtant, c'est bien le cas en forêt de Fontainebleau.
La forêt est un monde d'insectes, de plantes vasculaires et de champignons. La prédominance de ces trois groupes est un schéma assez constant dans les forêts tempérées d'Europe. On peut retenir que deux tiers des espèces sont représentées par le règne animal alors que le dernier tiers se répartit entre règne végétal et les autres règnes comme les champignons. On peut aussi retenir, en nombre d'espèces, que 60 % de la diversité forestière est représentée par les insectes alors que pour des espèces plus visibles et plus étudiées, par exemple, les mammifères, les oiseaux ou les batraciens et reptiles, ces espèces-là ne représentent que trois petits pour cent du nombre d'espèces en forêt.
6. Biodiversité et forêts
Les forêts représentent une réserve importante de biodiversité. Voici ce que l'on observe si on met en regard le nombre d'espèces connues en France métropolitaine pour quelques grands groupes et la part des espèces que l'on peut rencontrer en forêt. Alors, il s'agit soit d'espèces forestières au sens large, c'est-à-dire qu'elles fréquentent les forêts à un moment ou à un autre de leur cycle de vie de manière régulière ou saisonnière, soit d'espèces strictement forestières qu'on ne peut trouver qu’en forêt. En France, 20 % des espèces connues en France sont des espèces forestières au sens large. C'est donc une contribution importante pour la biodiversité. Et entre 10 et 30 % des espèces connues en France sont des espèces strictement forestières. Les forêts apportent donc une contribution originale à la biodiversité.
Mais on manque de données et on manque de chiffres. En particulier, on n'a pas de liste stable d'espèces forestières et d'espèces non-forestières. On manque aussi de suivi. On n'a pas, en France, d'observatoire général de la biodiversité forestière, ce qui explique qu'au mieux on a des estimations pour certains groupes et au pire on n'a pas de données. Les chiffres manquent en particulier pour des taxons très forestiers comme les bryophytes, les champignons, les lichens ou les insectes mais ils manquent aussi pour des groupes qui ont un rôle fonctionnel important dans la forêt et en particulier pour tous les groupes de la faune du sol.
7. Menaces
La biodiversité n'est donc pas si bien connue que ça. Pourtant, les quelques chiffres dont on dispose nous permettent de dire qu'elle est en partie menacée. Dans le monde déjà, la déforestation représente chaque année l'équivalent de 90 % de la surface de nos forêts françaises métropolitaines, c'est-à-dire 13 millions d'hectares. De même, en 2010, 15 % des espèces d'arbres étaient considérées comme menacées d'extinction.
En France métropolitaine, si l'on regarde les espèces qui sont considérées comme espèces forestières au sens large, selon les listes 2010 des indicateurs de gestion forestière durable, on constate plusieurs choses. Parmi les mammifères forestiers, 6 % sont menacés, c'est-à-dire qu'ils sont dans les catégories EN, en danger, CR, en danger critique ou VU, vulnérables, de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Pour les oiseaux forestiers, c'est 20 % des espèces qui sont menacées selon ces mêmes critères. Pour les saproxyliques, (c'est-à-dire les espèces qui dépendent du bois mort pour tout ou partie de leur vie), on n'a pas de données en France, en revanche, nos voisins Européens dans leur livre rouge annoncent des chiffres qui vont entre 20 et 50 % des espèces saproxyliques menacées. Et pour les amphibiens, 22 % sont menacés. Ces chiffres ne sont pas anodins, quand on les compare à ceux qui, tous milieux confondus et à l'échelle du globe, conduisent au constat unanime de crise d'extinction.
8. Conclusion
Les forêts contribuent de manière importante et originale à la biodiversité. Cette biodiversité forestière est pourtant mal connue, mal suivie et elle est menacée, même dans nos forêts tempérées. Sa protection nécessite un meilleur suivi ainsi que des adaptations des pratiques sylvicoles.