En ligne depuis le 10/08/2017
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Description
Question-clé posée à Luc Abbadie, Professeur d'Ecologie à l'Université P. et M. Curie, Directeur de l'IEES-Paris, pour la série vidéo "SocioEcoSystèmes - Ecosystèmes et sociétés, un futur partagé"
(Réduire les pressions humaines sur les écosystèmes et la biosphère - Quelles pistes pour la transition écologique?)
Conception et réalisation de cette série vidéo : Anne Teyssèdre
État
- Valorisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Nature pédagogique
- Entretiens et témoignages
Objectifs de Développement Durable
- 15. Vie terrestre
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Abbadie Luc
professeur émérite , Sorbonne Université
Luc Abbadie, professeur d’Écologie à Sorbonne Université Sciences
Question-clé transcrite et éditée par Anne Teyssèdre
Agriculture, fonctionnement et productivité des sols - Quels facteurs clés ?
Les sols, par rapport à l’agriculture, sont une clé de la productivité agricole. Les sols sont la source des éléments nutritifs et on peut concevoir d’ailleurs des modes de production agricole qui sont uniquement basés sur les ressources offertes par le sol. Quand on a affaire –comme c’est le cas en Europe de l’Ouest ou dans la plupart des pays maintenant-quand on a affaire à des modes de production intensifs, évidemment, les besoins en termes de nutriments notamment, pour la production de plantes récoltables, excèdent les possibilités du sol, d’où la fertilisation.
Alors si on revient sur le fonctionnement du sol, un petit peu de base : un sol c’est d’abord une réserve d’énergie et d’éléments nutritifs. Et ça, c’est essentiellement à travers la matière organique des sols. La matière organique des sols, elle, dérive de la mortalité végétale, ainsi que de l’activité microbienne, et elle constitue un ensemble de molécules organiques souvent complexes qui sont donc dégradables – ce qui va conduire à la libération d’énergie, par exemple pour les microorganismes du sol, et sont également dégradables de façon à être réutilisées pour les synthèses organiques, notamment.
Quand on regarde de près la totalité du fonctionnement microbien, la fin en quelque sorte du métabolisme, les dernières étapes du métabolisme conduisent à la production de molécules simples : le gaz carbonique (CO2), qui va aller contribuer au CO2 de l’atmosphère, et puis des éléments qu’on appelle des sels nutritifs, des éléments simples, qui sont utilisés par les plantes. Donc la clef de la fertilité des sols, la clef principale –ce n’est pas la seule- c’est cette matière organique du sol, qui a pris aujourd’hui de l’importance vis à vis du changement climatique puisque c’est aussi un stock de CO2 en quelque sorte, un stock de carbone en tout cas.
Alors il y a un point qu’il ne faut pas oublier, c’est que ce qu’on pourrait appeler la dynamique de la matière organique du sol. C’est-à-dire, au fond : Combien il y en a ? Comment ça varie ? Quelle est la qualité de cette matière organique ? C’est extrêmement lié à la végétation. Si vous n’avez pas de végétation active, et bien vous n’avez pas de matière organique dans un sol. C’est pour cela par exemple que toutes les opérations de déforestation se traduisent par la mise en place finalement de sols relativement pauvres. Si on prend le cas emblématique de la déforestation en Amazonie, cette déforestation est un problème par rapport à la biodiversité, c’est un problème par rapport au changement climatique puisque cela émet évidemment du CO2, mais c’est aussi un problème de destruction de la qualité des sols.
Quand on met un champ en route, quand on se met à travailler un sol… Qu’est-ce qu’on fait avec le labour ? On rend un sol meuble, ce qui permet aux racines de la plante cultivée de s’installer correctement, et puis on accélère le fonctionnement des microorganismes parce qu’on permet à l’oxygène de circuler dans le sol. Donc si vous accélérez le fonctionnement des microorganismes, ils vont accélérer la dégradation de la matière organique – puisque c’est là qu’ils vont trouver leur énergie et les éléments nécessaires à leurs synthèses- et donc vous avez une baisse progressive du stock de matière organique. Donc la perte de matière organique c’est le premier point clef de dégradation des sols.
Derrière la question de la fertilité, qui est donc « soutenue » entre guillemets par cette matière organique, il y a aussi la question par exemple de l’érosion. La matière organique du sol joue un rôle de colle en quelque sorte, elle assure la cohésion des particules du sol. Donc plus vous diminuez la matière organique du sol, plus vous diminuez la cohésion du sol, et donc plus vous augmentez la probabilité d’érosion. Donc ça, c’est un deuxième point qui est extrêmement important.
Cette fonction « colle » de la matière organique du sol est aussi à la base de ce qu’on appelle la structuration du sol. C’est-à-dire le fait qu’on ait par exemple des agrégats, petits ou gros.
Alors ces agrégats sont liés à l’activité de la faune du sol, par exemple, mais ils ne font jamais que finalement jouer avec les propriétés inhérentes de la matière organique du sol à travers cet aspect ‘colle’ du sol.
Donc la structure du sol est fonction de la matière organique du sol. Le fait qu’un sol soit très aéré, soit meuble, par exemple, dépend en grande partie de cette teneur en matière organique du sol.
Donc on voit que finalement, la matière organique du sol est au carrefour de pas mal de questions : le stockage du CO2, la fertilité agricole, la résistance à l’érosion et finalement, derrière tout ça, puisque cela représente une source d’énergie, et bien c’est la biodiversité des sols ! Il y a une corrélation très claire –enfin très claire, il n’y a pas temps que ça d’études détaillées, mais il semble bien qu’il y ait une corrélation forte – entre la teneur en matière organique, la qualité de la matière organique des sols, et le niveau de biodiversité microbienne, animale et secondairement de végétation. Donc un lien positif entre cette matière organique et la diversité du sol.