En ligne depuis le 19/11/2015
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Description
Dans cette vidéo, Aude Lemonsu met en évidence la possible amplification du phénomène d'îlot de chaleur en ville au cours des prochaines décennies. Elle présente les résultats de simulations visant à voir quelles formes urbaines il faudrait privilégier, mais aussi quels sont les intérêts et les enjeux d'un développement de la végétation en ville.
Objectifs d’apprentissage :
- Appréhender la possible amplification du phénomène d'îlot de chaleur en ville au cours des prochaines décennies
- Comprendre les formes urbaines qu'il faudrait privilégier, les intérêts et les enjeux d'un développement de la végétation en ville.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Génie civil
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Objectifs de Développement Durable
- 11. Villes et communautés durables
- 13. Lutte contre le changement climatique
Thèmes
- Atténuation, Adaptation & Résilience
- Les adaptations
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Lemonsu Aude
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée d’une vidéo du MOOC UVED « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Ville et changement climatique
Aude LEMONSU, Chargée de recherche, CNRS
Je vais vous parler des interactions entre le climat urbain et le changement climatique et des stratégies d'adaptation des villes face à ces effets combinés.
1. Contexte : le phénomène d’îlot de chaleur
La ville modifie l'environnement par un effet d’anthropisation, particulièrement en raison d'une imperméabilisation importante des couverts naturels. Face à cette modification du milieu, la ville est le siège d'un climat local très spécifique que les météorologues appellent le climat urbain. Un des processus les plus connus de ce climat urbain est le phénomène d'îlot de chaleur urbain. Cet îlot de chaleur urbain se traduit par un effet de surchauffe en ville, c'est-à-dire que l'on observe très fréquemment dans les rues d'une ville des températures de l'air qui sont plus chaudes de plusieurs degrés de celles qui peuvent être observées dans la campagne environnante. C'est au cours de la nuit que ce phénomène d'îlot de chaleur urbain est le plus intense et il est encore amplifié lors d'événements météorologiques particuliers. C'est le cas lors de situations météorologiques estivales, chaudes et ensoleillées et plus particulièrement lors de canicules. Ça a été particulièrement le cas lors de la canicule de 2003 sur la région Île-de-France.
Durant cette période, la canicule a donné lieu à des températures très élevées sur toute la région pendant plusieurs journées. A cela s'est ajouté cet effet d'îlot de chaleur urbain qui a été particulièrement fort puisqu’il a atteint plus de 10°C sur Paris intra-muros. Cet îlot a limité le refroidissement nocturne dans la ville et a contribué à aggraver les impacts sanitaires d'un événement météorologique qui était déjà exceptionnel. Cet exemple illustre bien tout l'enjeu du climat urbain et du problème d'îlot de chaleur urbain mais aussi la question des impacts régionaux du changement climatique puisqu’aujourd'hui, on sait de façon quasi certaine que dans le futur, les événements de canicule deviendront de plus en plus fréquents.
2. Projections
Une étude portant plus spécifiquement sur la région parisienne a été menée sur cette question, à partir de l'analyse d'un grand jeu de projections climatiques issues de modèles régionaux de climat et les résultats montrent qu'à l'horizon 2100, les canicules devraient devenir non seulement plus fréquentes mais également beaucoup plus longues et beaucoup plus intenses. En moyenne, on s'attend à ce qu'en 2100, sur la région Île-de-France, la zone soit affectée par une à deux canicules par an, ce qui représente environ 11 jours de situation de canicule chaque année. Le couplage entre le climat urbain d'une part et le changement climatique d'autre part nous laisse penser que la vulnérabilité de la ville et des villes en général devrait augmenter dans le futur. Un autre enjeu de ces effets du changement climatique en ville est la question énergétique. Sous l'effet du réchauffement global, on s'attend également à ce que l'usage de l'énergie pour le chauffage et pour la climatisation évolue. On a déjà observé une augmentation des équipements en climatisation dans les villes et on pourrait observer dans le futur une augmentation des pics de surconsommation d'énergie en été, liée à l'usage de la climatisation.
3. Stratégies d’adaptation
Les acteurs institutionnels et les professionnels de l'aménagement urbain sont de plus en plus interpellés sur ces problématiques-là. Ils s'interrogent aujourd'hui sur les stratégies d'adaptation des villes face à ces enjeux et sur leur efficacité. La question d'imaginer et d'évaluer des stratégies d'adaptation pour les villes est particulièrement complexe et ardue puisqu'on se place sur des échelles de temps très longues allant jusqu’à la fin du siècle. Sur ces échelles de temps-là, il faut non seulement prendre en compte l'évolution du changement climatique et de ses impacts régionaux mais pas seulement. On doit également tenir compte de l'évolution de la ville elle-même sous l'effet de la pression démographique, l'expansion urbaine mais aussi de l'évolution des méthodes architecturales et des méthodes constructives. Il faut également tenir compte de l'évolution des modes de vie notamment en termes d'usage de l'énergie et en termes de modes de transport. Ce constat nous montre qu'il est impératif, du moins nécessaire, d'aborder cette question des stratégies d'adaptation plutôt par des approches systémiques et interdisciplinaires de manière à prendre en compte l'ensemble des processus ou du moins une grande partie des processus qui interviennent et qui interagissent (figure ci-dessous). C'est ce que font un grand nombre de projets de recherches actuellement qui font appel à des experts de différentes disciplines pour étudier ces processus, notamment des experts en climat, en météorologie urbaine mais également en architecture, en urbanisme, en économie ou encore en géographie et en sciences humaines et sociales. On assiste également à une implication de plus en plus forte des acteurs institutionnels dans ce type de projet.
4. Travaux de recherche
Récemment, différents projets de recherches ont été menés sur la région Île-de-France et sur la ville de Paris. Aujourd'hui, une compilation des différents résultats obtenus nous permet de dégager certains résultats particulièrement intéressants. Les premières études se sont intéressées à l'impact des politiques de planification urbaine à l'échelle de la ville entière ou de l'agglomération. En particulier, elles se sont intéressées à l'impact des stratégies d'expansion urbaine des villes. Vous avez sur la figure ci-dessous les résultats qui ont été obtenus pour la ville de Paris à l'horizon 2100 où deux scénarios d'expansion de Paris ont été comparés : 1) un scénario de ville étendue, c'est-à-dire que l'on laisse la ville s'étendre sans contrainte particulière. Dans ce cas-là, cela favorise plutôt le développement des quartiers résidentiels peu denses tout autour de Paris ; 2) un scénario de ville compacte où les politique de planification urbaine vont restreindre l'étalement urbain. Dans ce cas-là, on va plutôt avoir une densification de la ville existante, et on va favoriser des formes architecturales compactes et du logement collectif. La question est de savoir comment ces stratégies vont affecter l'îlot de chaleur urbain et les conditions de confort climatique dans la ville.
Les résultats nous indiquent que l’îlot de chaleur urbain lui-même, sur les figures au centre de l'image, est très peu affecté finalement par la forme et la taille de la ville. Cet îlot de chaleur urbain est plus marqué sur les zones centrales, Paris intra-muros et la proche banlieue, et son intensité est tout à fait comparable dans le cas des deux scénarios étudiés. Par contre, si on analyse les résultats sous une perspective différente, notamment en tenant compte de la distribution de la population dans la ville, les résultats peuvent être sensiblement différents. En effet, lorsqu'on est dans le cas d'une ville compacte, la répartition de la population se fait de façon privilégiée vers le centre de la ville. La population est concentrée dans le centre, qui sont aussi les zones les plus vulnérables car les plus affectées par le phénomène d’îlot de chaleur urbain. Sur la figure de droite (ci-dessus), on voit bien que les conditions d'exposition à la chaleur dans le cas d'une canicule sont plus défavorables dans le cas d'une ville compacte que dans le cas d'une ville étendue.
5. Végétalisation
Les stratégies d'adaptation aux changements climatiques et les stratégies d'atténuation de l'îlot de chaleur urbain font souvent référence aux stratégies de végétalisation du milieu urbain. Pour évaluer l'effet de telles stratégies à grande échelle, une étude a été menée également sur la région parisienne et on s’est intéressé à différents systèmes végétaux : d’une part des stratégies qui ont favorisé l'implantation de toitures végétales sur une grande partie des bâtiments de la région parisienne ; d’autre part des stratégies où on a favorisé une réintroduction de la végétation de pleine terre sur les surfaces au sol disponibles, sous la forme soit de pelouse, soit d'une végétation mixte qui combine végétation herbacée et végétation arborée. En termes de rafraîchissement sur la température de l'air dans les rues, les résultats nous indiquent que la végétation de pleine terre a un rôle prépondérant. De façon assez intuitive, on se rend compte que plus on ajoute de végétation en ville, plus l'effet de rafraîchissement est efficace. C'est particulièrement le cas lorsque la végétation est une végétation mixte avec de la pelouse et de la végétation arborée. Par contre, en ce qui concerne les toitures végétalisées, l'effet sur la température de l'air dans la rue est relativement marginal. Par contre, cette toiture végétalisée peut avoir un rôle positif en particulier sur la consommation d'énergie (figure ci-dessous). En effet, les toitures végétalisées vont jouer un rôle d'isolant sur les bâtiments et vont également réduire les variations de température des toits structuraux. Par conséquent, cela va permettre une économie non négligeable d’énergie liée à l'usage du chauffage en hiver et à l'usage de la climatisation en été. Comme on peut le voir, les différentes stratégies de végétalisation peuvent avoir un effet positif sur le microclimat urbain et sur le confort, sans parler également des aspects positifs en termes de biodiversité ou également d'amélioration des ambiances urbaines. Toutefois, il est important de souligner qu'on ne peut pas imaginer des stratégies de végétalisation sans prendre en compte la question de la ressource en eau associée au fonctionnement de cette végétation et à son efficacité.
Sur le graphique ci-dessus, les barres représentent la consommation d'eau associée aux différentes stratégies de végétalisation qui ont été testées. On imagine bien que dans le futur, on peut se trouver rapidement confronté à une problématique d'usage de l'eau, en particulier en contexte estival et en contexte de sécheresse, notamment lorsque l'on observe un abaissement du débit des rivières.
6. Conclusion
Pour terminer, au vu des différents résultats de ces études mais également de notre connaissance actuelle du changement climatique et du réchauffement global, il apparaît difficile aujourd'hui d'envisager les villes du futur sans climatisation afin que les habitants puissent assurer leur confort intérieur dans les bâtiments. Malgré tout, un usage massif et sans restriction de la climatisation pose forcément de sérieux problèmes, d'une part en termes de consommation d'énergie mais aussi en termes d'aggravation des îlots de chaleur urbains. En effet, les climatiseurs rejettent de l'air chaud vers l'extérieur, ce qui va avoir tendance à augmenter de façon significative la température de l'air dans la rue. On a pu voir que certains leviers d'action permettent de réduire cette demande en énergie, c'est le cas de la végétation, c'est aussi le cas de l'amélioration des performances énergétiques des bâtiments. Malgré tout, les résultats nous montrent que le comportement des habitants dans la ville et de leurs usages énergétiques peut jouer un rôle prépondérant sur l'efficacité des stratégies qui peuvent être mises en œuvre. Des gestes simples comme l'usage de protection solaire en fermant ses volets pendant la journée ou un usage plus raisonné de la climatisation en régulant la température de consigne dans les bâtiments peuvent véritablement jouer un rôle prépondérant sur les consommations d'énergie. Il apparaît aujourd'hui essentiel de réfléchir à une sensibilisation de la population et à une information de la population sur ces problématiques et à inciter les gens à sensiblement adapter leur comportement quotidien dans leur logement et dans leur lieu de travail.