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Description

Dans cette vidéo, Guy Delrieu explique ce que sont les pluies intenses et les risques de crues qui leur sont associés en région méditerranéenne. Il discute de leur modélisation, et de l'impact du changement climatique sur ces phénomènes extrêmes. Enfin, il évoque l'adaptation des populations à ces risques.

Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre les phénomènes de pluies intenses et de risques de crues en région méditerranéenne
- Appréhender leur modélisation et l'impact du changement climatique sur ces phénomènes extrêmes
- Appréhender l'adaptation des populations à ces risques.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Types
  • Grain audiovisuel
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Contributeurs

Delrieu Guy

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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Pluies intenses et crues éclairs en région méditerranéenne

Guy DELRIEU
Directeur de recherche – CNRS

Je vais parler des phénomènes de pluies intenses et de crues éclairs qui se produisent en région méditerranéenne et de leur évolution attendue dans un contexte de changement climatique.

1. Observations

On constate une très forte variabilité spatiale de ces cumuls de pluies qui peuvent atteindre des valeurs très importantes de l'ordre de 500 mm en quelques jours. L'impact de ces événements sur les infrastructures routières et ferroviaires et ceux qui circulent dessus, ainsi que sur les passants qui peuvent se trouver en difficulté à la simple traversée d'une rue, est important. Ces pluies intenses ne sont pas rares. On montre ci-dessous une cartographie de la fréquence d'apparition de pluies journalières supérieures à 200 mm en France qui s'appuie sur environ 50 ans d'observation. Les rouges les plus sombres correspondent à des fréquences d'une à deux fois, à plusieurs fois par an et l’on voit donc que la région des Cévennes est la plus exposée mais que l'ensemble de la région méditerranéenne connaît ce type de phénomène qui est virtuellement absent ailleurs.

2. Processus

On connaît assez bien les situations propices à ces plus intenses. Leur prévisibilité est assez bonne à des horizons de 3 à 4 jours, ce qui est déjà très utile pour la gestion des crises à venir. Par contre, à l’échelle régionale, au sein de ces situations favorables on constate l'existence d'une variété de systèmes pluvieux qui sont pilotés dans des conditions locales et qui sont donc beaucoup plus difficiles à prévoir. Le cas le plus simple et le plus prévisible est celui des pluies orographiques qui donnent lieu sur les reliefs à des pluies d'intensité modérée qui vont pouvoir durer plusieurs jours. À l'autre extrémité du tableau, on trouve les systèmes convectifs de méso-échelle qui représentent l'organisation ultime de la convection dans les régions méditerranéennes. Ce sont des systèmes de convection profonde qui sont spatialement stationnaires et qui vont donner lieu à des intensités de pluies très fortes (figure ci-dessous).

Ces deux types de pluies donc vont donner des cumuls qui peuvent atteindre ou dépasser 500 à 600 mm sur des durées de quelques jours pour les pluies orographiques et seulement de 24 heures par exemple pour le système convectif de méso-échelle qui a affecté le Gard en septembre 2002.

3. Modélisation

Pour prévoir ces phénomènes à l'échelle régionale, il faut disposer de modèles météorologiques à haute résolution qui modélisent de façon explicite la conviction et qui soient nourris par des observations locales ou télé-détectées que l'on assimile en temps réel dans nos systèmes de prévision. Des progrès assez spectaculaires ont été obtenus en France ces dernières années, notamment avec le modèle AROME. Mais on constate encore que des prévisions quantitatives peuvent souffrir de défauts importants en termes de localisation et d'amplitude avec typiquement des décalages spatiaux de quelques dizaines de kilomètres qui sont très préjudiciables pour la gestion de crise.

4. Hydrologie

Une première notion très importante est celle du temps de réponse des bassins versants, ce temps de réponse, c’est finalement une mesure de décalage temporel entre le volume de pluie qui s'abat sur un bassin et le volume d’eau qui va s'écouler dans la rivière à l'exutoire de ce bassin. Les grands bassins fluviaux, le Rhône, ses affluents, ont des temps de réponse de l'ordre de 1 à 15 jours, les bassins montagneux vont avoir un temps de réponse de l'ordre de 1 à 6 heures et les bassins urbains, qui sont à la fois plus petits et fortement imperméabilisés vont avoir des temps de réponse plus courts de 10 à 60 minutes. Ce qu'il est intéressant aussi de constater c'est que ces échelles hydrologiques correspondent aussi assez bien aux échelles des systèmes pluvieux qui les génèrent et en particulier, on pense qu'une cellule convective est capable de générer des phénomènes intenses sur un bassin versant urbain et qu'il faut un système convectif de méso-échelle pour générer une réponse hydrologique forte sur des bassins montagneux. Un deuxième élément à prendre en compte tient à la complexité des processus hydrologiques auxquels on a affaire. On est capables de caractériser assez bien ce qui se passe à la surface en termes mécanisme de ruissellement, d'infiltration dans le proche sous-sol, par contre on a un vrai problème d'observation et de caractérisation de la structure plus profonde du sol avec ses différentes couches géologiques, leurs propriétés hydrodynamiques et leur état de saturation. Pour ce qui concerne la modélisation hydrologique, on un vrai changement de paradigme et de pratique qui est nécessaire si l'on veut répondre à l'objectif de prévision de la réponse hydrologique, des échelles très locales jusqu'aux échelles régionales et cela constitue encore un vrai défi pour la communauté des hydrologues.

5. Evolution au cours des prochaines décennies

La question se pose de savoir comment ces événements de pluies intenses et de crues éclairs vont évoluer au cours des prochaines décennies. L'évolution de la température moyenne en France métropolitaine depuis 1900 est caractérisée par une évolution marquée depuis les années 90, attribuée de façon quasi certaine à l'augmentation de la teneur en CO2 de l'atmosphère. Le climat de la France est donc en train de se méditerranéiser ce qui ne sera pas forcément que désagréable. Mais on va cependant assister à une intensification du cycle hydrologique, l'atmosphère étant capable de contenir plus de vapeur d'eau. Les modèles climatiques prévoient une augmentation de la fréquence des événements extrêmes avec des sécheresses plus sévères et des pluies intenses plus fréquentes, mais on a quand même des incertitudes sur la fiabilité de leurs prévisions pour ce qui concerne le cycle de l'eau et les extrêmes. Si l'on s'en tient aux données observées, que peut-on constater ? Si on prend l'évolution d'un critère caractérisant les pluies intenses depuis les années 50, qui est le maximum de pluies journalières observées chaque année normé par le cumul annuel. On a moyenné des valeurs obtenues sur un ensemble de stations hors zone méditerranéenne et dans la zone méditerranéenne. On voit déjà que la région méditerranéenne se distingue par une amplitude très forte. Mais ce qui est intéressant, c'est de constater que sur ce signal, on a une très forte variabilité d’une année sur l'autre et on a également dans la période la plus récente trois pics qui correspondent à des événements exceptionnels qui se sont produits en 1999 dans l'Aude, en 2002 dans le Gard et en 2003 sur l'ensemble du bassin du Rhône. On a aussi observé des pluies très intenses en 2010 et en 2014. Est-ce que ces éléments suffisent pour affirmer qu'il y a une tendance ? Est-ce qu'on est capable d'attribuer cette tendance éventuelle à l'impact du changement climatique ? C'est peut-être encore un petit peu tôt pour le dire avec certitude, mais bon, il y a quand même un signal assez sensible ces dernières années.

6. Atténuation des impacts

Comment atténuer les impacts du changement global ? Il est clair que la Méditerranée du nord-ouest subi une forte pression migratoire du Sud pour l'entrée en Europe de populations qui sont plutôt maltraitées au Proche-Orient ou en Afrique. D’autre part, il y a une migration Nord-Sud plutôt orientée tourisme, qui elle aussi est assez saisonnière et qui peut impacter assez fortement les questions de ressources en eau. Si on regarde le pourcentage de la population qui vit en zone inondable en 2009, on voit que les régions méditerranéennes se distinguent. Pour ces régions exposées, il existe maintenant des plans de prévention des risques qui ont été établis, mais il reste encore un enjeu considérable pour maîtriser l'occupation de l'espace vis-à-vis du risque inondation par des mesures que l'on peut qualifier de structurelles. Il s'agit essentiellement d'empêcher des constructions nouvelles dans des zones inondables, voire de protéger ces zones inondables par des ouvrages qui sont forcément très coûteux. Un autre axe de travail est d'essayer de mieux comprendre les interactions entre ces événements hydrométéorologiques intenses et la société. Un travail a été réalisé par des chercheurs en hydrométéorologie et en sciences humaines et sociales. Par le biais d'enquêtes de terrain, ils ont essayé de comprendre comment les témoins de tels événements avaient pris conscience, avaient été informés qu'ils étaient en train de passer dans une situation extraordinaire, ce qu'ils avaient fait pour se mettre en protection ou éventuellement se mettre en danger et comment tout cela s'était articulé avec les alertes qui avaient été diffusées au niveau de la météorologie ou au niveau de la prévision hydrologique. Ce que l'on attend de ces études, c'est une meilleure modalité de diffusion de l'alerte et une meilleure culture du risque et le développement de bonnes pratiques, de bons réflexes pour limiter le nombre de victimes que l'on observe encore au cours de ces événements. Peut-être que, de façon un peu cynique, on peut noter qu'une augmentation de la fréquence de ces événements intenses pourrait faciliter cette double politique de maîtrise de l'occupation de l'espace et du développement d’une culture du risque qui a encore du mal à se mettre en place en raison de la très forte pression foncière qui existe dans ces régions ainsi que de la perte progressive de la mémoire du risque associée à leur rareté d'autre part.