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Description

Dans cette vidéo, François Mancebo discute du développement de la Sustainability Science à partir du début des années 2000. Il présente l'objet de ce champ de recherche "impliqué", dont l'ambition est de mieux comprendre les interactions hommes / sociétés / environnement sur la base d'une convocation de plusieurs disciplines scientifiques.

Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre la notion de science de la durabilité et son importance en vue d’un développement durable
- Comprendre l’intérêt de conduire des recherches scientifiques interdisciplinaires et en prise avec la société.
 

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Types
  • Grain audiovisuel
Développement durable : simple concept ou nouveau modèle ?
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Modes de production et de consommation
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La décroissance ou les limites du développement durable
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L'économie écologique
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L'économie sociale et solidaire
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Les monnaies locales
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Contributeurs

Mancebo François

URCA - Université de Reims Champagne-Ardenne

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François MANCEBO, Directeur de l’IRCS – Université de Reims Champagne-Ardenne 

Très récente - elle n'a quand même été formulée qu'en 1987 -, l'idée d'un développement durable est vite devenue une idée à la mode. Tout le monde s'est précipité dessus, dans une orgie d'articles, de livres et de commentaires. Chacun pour soi, enfermé dans sa logique propre.

Les recherches sur le développement durable, il faut bien l'avouer, ont longtemps été menées à partir de travaux monodisciplinaires : géographie, biologie, écologie, géophysique, aménagement, économie, sociologie, sciences politiques etc. Et chacun bien sûr considérait que seule son approche était la bonne.

Parfois, des démarches transversales pluri ou transdisciplinaires se dessinaient au détour d'une conférence, d'un ouvrage ou d'un projet de recherche mais rien de vraiment construit dans la durée.

Le résultat : une impression de cacophonie générale et une incompréhension mutuelle assez persistante.

Mais un cœur de recherche spécifique au développement durable a progressivement émergé : la sustainability science. 

Fruit d'une gestation de près de 10 ans, son acte de naissance a été un article – ou plutôt un manifeste -, paru dans la revue Science en 2001, qui a été cosigné par 25 auteurs de disciplines différentes, américains, européens et asiatiques.

Alors de quoi s'agit-il ? Quoi de neuf docteur, comme dirait Bugs Bunny. Pourquoi ce truc bizarre ?

À l'instar de l'agronomie ou des sciences de la santé, la sustainability science est un domaine scientifique qui se définit plus par les questions qu'il aborde que par les disciplines qui le constituent. 

En particulier, cette science vise à interroger les dynamiques complexes résultant des interactions entre les hommes, les sociétés et les systèmes environnementaux.

Il s'agit, pour citer le texte fondateur dont je viens de vous parler, « d'améliorer les capacités des sociétés humaines à utiliser notre planète de manière à répondre aux besoins d'une population toujours plus nombreuse, tout en maintenant le bon fonctionnement des écosystèmes et plus généralement des systèmes de supports de la vie sur Terre ».

Dédié à la compréhension des systèmes hommes / société / environnement, la sustainability science a naturellement été amenée à s'attaquer aux défis concrets les plus urgents en matière de durabilité. C'est pourquoi ses travaux recouvrent les thèmes de : 
-    l'urbanisation rapide du monde ;
-    de la réduction de l'impact de la pollution et les maladies liées aux conditions environnementales ;
-    l'amélioration de la production agricole et la sécurité alimentaire ;
-    une utilisation plus efficace des ressources ;
-    la réduction des inégalités environnementales ;
-    la relation entre les services écosystémiques et la biodiversité ;
-    et enfin bien sûr, l'adaptation aux changements climatiques.
 
Tout cela est bien beau, mais comment les chercheurs de la sustainability science s'y prennent-ils concrètement pour aborder ces sujets ?

La sustainability science n'est ni une recherche fondamentale, ni une recherche appliquée. Elle est une recherche impliquée. 

Il s'agit en fait d'une recherche fondamentale inspirée par les usages, si je traduis le terme originel qui est use inspired basic research.

Pour Donald STOKES, elle appartiendrait à ce qu'il nomme le cadran de PASTEUR, c'est-à-dire qu’en sustainability science, on a une démarche qui présente de fortes analogies avec l'activité de PASTEUR qui a développé finalement la théorie microbienne en s'appuyant sur des activités industrielles, celles qui ont abouti par exemple à la pasteurisation. Et donc, ce faisant, l'action est parvenue à ajouter les microbes au corps social pour reprendre l'expression de Bruno LATOUR.

La sustainability science est donc caractérisée par un cadre méthodologique interprétant ces terrains et objets de recherche comme des systèmes adaptatifs complexes homme / environnement / société et s'intéressant au processus participatif de construction de la décision politique.

On peut considérer que les travaux d’Elinor OSTROM émargent directement à la sustainability science comme elle l'affirmait elle-même. 

En particulier, l'un de ses derniers articles : Going beyond panaceas, qui n'est pas traduit en français mais dont la traduction pourra être : « au-delà des solutions toutes faites », donne des clés pour comprendre les sociaux systèmes qui sont au cœur de la sustainability science.

Désirant donner un cadre théorique solide au développement durable, la sustainability science tente de répondre aux questions suivantes : 
-    Comment représenter, modéliser de manière intégrée et conjointe le système Terre, le développement social et la durabilité ? 
-    Comment les tendances de long terme pour l'environnement et le développement remodèlent-elles ou non les relations entre nature et société ? 
-    Quels facteurs permettent de déterminer les limites de la résilience ou les sources de vulnérabilité pour les systèmes interactifs homme / environnement / société ? 
-    Quels types de mesures structurelles sont-elles les plus efficaces pour améliorer la capacité des sociétés à générer des trajectoires plus durables ?

Certains demanderont avec raison : mais pourquoi conserver le terme anglais de sustainability science ?

Et bien, c'est que sa traduction française pose un gros problème : au sens littéral, les sciences de la durabilité (traduction au mot près), désignent autre chose en français. 

Elles renvoient aux sciences physiques et naturelles : écologie, biologie, climatologie etc. et non à ce nouveau champ qui fait une large place aux sciences humaines et sociales.

Alors, si parmi les gens qui regardent cette vidéo quelqu'un a une idée de traduction adéquate, les propositions sont les bienvenues.

La sustainability science s’est progressivement affirmée au long des deux dernières décennies comme un champ dynamique de recherche et d'innovation. Aujourd'hui, ses domaines d'investigation sont clairement identifiés et nourris par un flux croissant de production scientifique. De plus en plus d’universités ont des centres de recherche et offrent des formations dédiées à la sustainability science.

On peut citer le sustainability science programm à Harvard, le centre GPSS-GLI à l'université de Tokyo mais il faut savoir qu'il y a des structures de ce type également en Europe comme à l'université de Lund en Suède, à l'université de Maastricht aux Pays-Bas mais également en France avec l’IATEUR et l’IRCS à l'université de Reims.