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Description

Dans cette vidéo, Jérôme Blanc précise les contours de l'économie sociale et solidaire. Il en rappelle les grands principes, présente la diversité des formes que les structures peuvent prendre, souligne l'activité de ce secteur - surtout en France - et évoque quelques perspectives pour le développement de ce modèle.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Mentions Licence
  • Economie
  • Economie et gestion
  • Gestion
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 1. Pas de pauvreté
Thèmes
  • Économie circulaire
  • Les bases
  • Les solutions
  • Transition juste & équitable
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
économie sociale et solidaire
Développement durable : simple concept ou nouveau modèle ?
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La décroissance ou les limites du développement durable
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L'économie écologique
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Sustainability Science : de quoi s'agit-il ?
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Les monnaies locales
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Contributeurs

Blanc Jérôme

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Jérôme BLANC, Maître de Conférences – Université Lumière Lyon 2 

Je vais parler de l'économie sociale et solidaire dans cette séquence, qu'on appelle aussi ESS.

L'économie sociale et solidaire, pour la présenter rapidement, on peut dire qu'il s'agit d'une économie un peu particulière qui repose sur trois ingrédients assez inhabituels :

•    Le premier ingrédient, c’est celui de la démocratie. 

Il y a un principe démocratique dans l'ensemble des organisations de l’ESS avec l'idée selon laquelle chaque membre dispose d'une voix. 

Donc le principe : une personne = une voix.

•    Un deuxième ingrédient est celui de la solidarité qui peut s'exprimer d'une manière assez variée selon les cas.
Cela peut être une solidarité interne entre les membres d'une organisation ou une solidarité externe, c'est-à-dire qui s'exprime à l'égard de personnes extérieures à cette organisation.

•    Il y a enfin un troisième  ingrédient qui est un rapport distancié au profit puisqu'on a ici, soit l'absence de lucrativité, soit une lucrativité limitée.

L’ESS, c'est aussi, peut-être de manière un peu plus précise, un ensemble d’organisations assez variées.

Dans le contexte français, historiquement, ces organisations ont pris trois formes, trois grands statuts :
•    Des statuts de coopérative ;
•    Des statuts de mutuelles ; 
•    Des statuts d'association.

Mais, dans les décennies récentes ou dans les années récentes, deux autres types d’organisations sont venus rejoindre ce cœur historique :
•    Il y a d'abord les fondations qui sont devenues de plus en plus importantes dans le champ de l’ESS, notamment via l'Union Européenne ;
•    Et puis il y a le cas des entreprises sociales, qui sont des organisations dont les statuts sont tout à fait classiques mais qui mettent le motif de profit au second plan derrière une logique ou une mission sociale.

La loi qui a été votée en France en juillet 2014 autour de l’ESS, élargit la définition de l’ESS précisément à ces cinq éléments, même si les entreprises sociales ne sont pas mentionnées en tant que telles. Il est question de sociétés commerciales.

Alors, si on va un peu plus dans le détail, sur les principes on s'aperçoit que tout n'est pas aussi évident en quelque sorte ou tout n'est pas aussi homogène.
 
•    Du point de vue de la lucrativité par exemple, les mutuelles, les associations et les fondations sont effectivement non lucratives, les coopératives sont partiellement lucratives, c'est-à-dire que les sociétaires peuvent obtenir une rémunération de leurs parts sociales mais c'est une partie minoritaire des bénéfices réalisés par les coopératives.

Dans ces quatre premiers cas, quoi qu'il en soit, il y a des réserves impartageables, c'est-à-dire que les excédents sont mis dans des fonds qui ne peuvent pas être distribués à des individus ou à des organisations précises.

En revanche, les entreprises sociales, sont des organisations dont le but est formellement lucratif et les réserves sont partageables.

•    Sur un deuxième plan, le rapport au marché, il y a là aussi des écarts assez importants :
Les fondations et un certain nombre d'associations travaillent dans l'univers non-marchand. 
Mais, les autres organisations et notamment un nombre de plus en plus important d'associations travaillent dans le domaine marchand et donc vendent des biens ou des services à un prix de marché, en situation de concurrence.

•    Troisième élément, le rapport à la démocratie : on le retrouve effectivement dans les coopératives, les mutuelles et les associations mais ce n'est pas le cas dans les fondations et ce n'est pas le cas non plus dans les entreprises sociales dans lesquelles le principe de gouvernance est un principe ploutocratique, dans le sens où le nombre de voix détenues par chacun dépend du nombre de parts de capital avancé.

•    Et puis dernier élément, il y a un principe de double qualité que l'on souligne généralement pour l'économie sociale, c'est-à-dire que par exemple dans une mutuelle, un individu est à la fois membre ou sociétaire de la mutuelle et bénéficiaire de son activité. 

Cette double qualité ne se retrouve pas partout puisque dans les fondations ce n'est pas le cas, dans les entreprises sociales ce n'est pas le cas et dans un nombre relativement important d'associations ce n'est pas le cas de non plus.

On a donc en quelque sorte des principes transversaux mais qui ne permettent jamais d'obtenir une vision complètement unifiée du champ de l’ESS. 

Le cadre central que vous voyez ici, c'est le cadre de l'économie socialiste historique en France qui est plus homogène néanmoins que le reste.

Du point de vue de l'emploi, on s'aperçoit que sur une période relativement longue aujourd'hui, une quinzaine d'années, l'emploi dans l’ESS en France est beaucoup plus dynamique que dans le reste de l'économie.
 
Il a augmenté de près de 25 % entre 2000 et 2013 contre à peu près 5 %, un peu moins de 5 % dans le reste de l'économie privée. 

Et depuis 2008, l'emploi dans l'économie privée a décliné alors qu'il n'a cessé d'augmenter - même si c'est à des rythmes plus limités -, dans le champ de l’ESS.

Si on sort du cas français, la carte que vous avez ici permet d'identifier le poids de l’ESS en termes d'emploi selon un certain nombre de pays européens.
 
Alors, on constate que certains pays connaissent un poids important de l’ESS comme la Suède par exemple. La France est l'un des pays dans lequel l’ESS a le plus de poids.

En revanche, d'autres pays et en particulier ceux de l'Europe centrale et orientale ne sont pas particulièrement dotés en organisations d’ESS et c’est lié bien sûr à l'histoire de ces pays d'Europe centrale et orientale durant tout le système soviétique jusqu'au tout début des années 90 dans lesquels l'organisation de la société civile était beaucoup plus compliquée bien sûr que dans des pays démocratiques dans lesquels l'univers coopératif prenait un sens tout à fait différent qui a été discrédité par la suite.

Alors, si on fait quelques constats sur l'état de l’ESS aujourd'hui, en France en particulier :

•    Un premier constat, c'est qu'il existe depuis l'été 2014, par le biais d'une loi, un soutien formel à l’ESS qui définit l’ESS et fournit un certain nombre de clés importantes pour son développement futur.

Il existe quelques lois de ce type en Europe, notamment dans la péninsule Ibérique mais ce n'est pas systématique dans tous les pays européens.

•    Deuxième élément, si on examine ou si on a un regard un peu rapide sur les organisations de l’ESS, on s'aperçoit qu'il y a de très petites organisations qui sont très nombreuses, avec pas de salariés ou quelques salariés et un petit nombre de très grosses organisations dans le champ associatif, dans le champ des mutuelles et dans le champ des coopératives.
On a donc des écarts importants de taille.

•    Mais on s'aperçoit de manière assez claire que toutes ces organisations ou un nombre très important de ces organisations sont prises dans ce qu'on a appelé la course à la taille, c'est-à-dire que l'environnement dans lequel vivent ces organisations les pousse à se regrouper de diverses manières.

•    Quatrième élément de constat, dans l’ESS, on trouve des modèles économiques originaux, au sens du rapport entre ces organisations de l’ESS, leurs missions et les ressources qu'elles peuvent capter.

Ces modèles économiques originaux ne sont pas nécessairement assis uniquement sur des biens et des services marchands, et donc il y a ce que l'on appelle une hybridation des ressources au sens ou un certain nombre d’organisations se financent, bien sûr pour certaines par des biens et des services marchands, mais aussi par des sources publiques sous forme de subventions notamment et par le bénévolat ou par un certain nombre d'apports non monétaires.

Cela conduit à un dernier élément de constat à ce stade qui est le fait que l’ESS est constitué d'organisations qui sont souvent en situation de partenariat, soit avec d’autres organisations de l’ESS, soit avec des pouvoirs publics, des institutions publiques ou encore avec des organisations privées classiques.

Dernier élément, quelques enjeux que l'on peut identifier pour le temps présent et les années à venir pour l’ESS.

•    Il y a un premier point qui est de trouver les moyens d’éviter ce qu'on appelle l’isomorphisme et de garder une capacité transformatrice. 

Cet isomorphisme, c'est le constat selon lequel il y a une certaine tendance dans les organisations de l’ESS, malgré leurs spécificités, à s'aligner sur les pratiques que l'on observe, notamment les pratiques de gestion que l'on observe dans les entreprises de manière générale.

L'isomorphisme est contradictoire avec l'idée d'une capacité transformatrice qui est pourtant au fondement de l'économie sociale et solidaire.

•    Deuxième enjeu, c'est de promouvoir l'innovation sociale. 

Ce terme a été développé depuis plusieurs années et il y a de plus en plus de politiques qui cherchent à soutenir ces innovations sociales. 

Il s'agit notamment de satisfaire des besoins sociaux par des organisations à la base, sur les territoires.

•    Troisième enjeu, il s'agit de soutenir la production d'utilité sociale par l’ESS via des soutiens publics, par des financements publics.

•    Dernier enjeu, c'est un rapport très fort au territoire - aujourd'hui que l'on connaît mieux -, et qui se structure notamment autour de ce qu'on appelle des pôles territoriaux de coopération économique : les PTCE.