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Description

Timothée Parrique, doctorant au sein de l'Université Clermont Auvergne, discute dans cette vidéo (6'09) des finalités et des modalités de l'évaluation d'une éducation au développement durable. Il présente et analyse notamment une expérimentation d'examen collectif qu'il a conduite à l'université d'Uppsala, en Suède.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 4. Education de qualité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
coopérationéducation à l'environnement et au développement durable
Que sont les représentations ?
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L’utilisation des conceptions de l'éducation au développement durable dans la recherche : le modèle REDOC
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Exemples de représentations en éducation au développement durable à travers le monde
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Activité des enseignants en éducation à la santé
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Contributeurs

Parrique Timothée

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Timothée Parrique, Doctorant, Université Clermont Auvergne

L'éducation au développement durable nous amène à réfléchir sur deux choses. Premièrement, le contenu de l'enseignement, c'est-à-dire les sujets, les thématiques qu'ont choisi d'aborder. Et ensuite, la forme, la pédagogie, le choix des méthodes d'enseignement. Dans cette vidéo, je vais me concentrer sur l'aspect clé de la pédagogie : l'évaluation des étudiants. Ma grande question, la voilà : comment examiner les étudiants dans une logique d'éducation au développement durable ? 

La première chose à considérer est que le format que prend l'examen n'est jamais neutre, et ça parce qu'il porte en lui un jugement de valeur sur les compétences qui sont jugées utiles. Par exemple un questionnaire à choix multiple individuel, encourage indirectement l'individualisme, et transmet aux étudiants une image de l'éducation en tant que processus de rétention de connaissances, laissant de côté l'aspect critique et coopératif. C'est important pour la soutenabilité, car en quittant la salle de classe, les étudiants viendront reproduire ces jugements de valeur dans leurs activités. 

Pour essayer de réfléchir sur les techniques d'évaluation qui seraient compatibles avec une logique d'éducation au développement durable, j'ai choisi un cas d'étude qui nous vient de l'université d'Uppsala, en Suède. J'ai décidé d'appeler cette méthode d'évaluation : l'examen collectif. Je l'ai testé, pendant 4 ans, dans un cours d'introduction à l'économie politique dans le contexte de la soutenabilité. Ce cours rassemblait 50 étudiants, venant de disciplines et de pays différents, la majorité en troisième année de licence. Le but de l'examen collectif est de tester la capacité des étudiants à coopérer. Comment ça marche ? Je donne à chaque étudiant un clicker, une télécommande, et leur projette sur grand écran un questionnaire à choix multiple d'une trentaine de questions, qui dure environ 1 heure. Pour valider l'examen, la classe, dans son ensemble, doit attendre un certain pourcentage de réponses collectives correctes, disons 75 %. Pour qu'une réponse collective soit considérée correcte, il faut que plus de 75 % de la classe aient individuellement choisi la bonne réponse. Une grande différence avec un examen classique, c'est que tout type de coopération pendant l'examen est autorisé. Par contre, l'utilisation de notes, livres, appareil numérique, reste interdite comme d'habitude. 

Prenons quelques questions. La question s'affiche. Les étudiants ont maintenant 3 minutes pour répondre. Ils doivent donc discuter, pour non seulement trouver la bonne réponse, mais aussi convaincre plus de 75 % de la classe de ne pas se tromper. Bien sûr, les étudiants n'improvisent pas totalement. Ils se sont organisés avant l'examen. Ils ont décidé comment se placer dans la salle, comment interagir rapidement, avec des codes ou des signaux, pour pouvoir prendre des décisions collectives efficaces. Pour pousser la coopération un peu plus loin, j'ai décidé de modifier la structure de certaines questions, par exemple en les traduisant dans des langues parlées par certains étudiants. On peut aussi leur imposer des règles supplémentaires. Avant une question, je leur affiche ce message, et alors là, il faut vraiment qu'ils improvisent. On peut même aller plus loin et introduire des règles qui provoquent des réflexions plus profondes. Par exemple ici, sur les rôles de genre dans la salle de classe. 
 
Pourquoi examiner les étudiants de cette manière ? Trois raisons principales. Premièrement, pour améliorer la motivation des étudiants et la cohésion au sein de la classe. Quand on donne aux étudiants le pouvoir de créer l'organisation de l'examen, cela les active. Ils discutent, ils organisent, ils commencent à réfléchir ensemble. Non seulement cela les motive, mais cela vient aussi créer des liens au sein de la classe. Deuxièmement, pour activer des compétences de collaboration. Le fait qu'une réponse collective soit correcte seulement si 75 % de la classe a individuellement bien répondu force les étudiants à travailler ensemble. Différentes nationalités, différentes disciplines, différentes expériences en termes d'examens, tout ça, autour d'un examen qui ne peut être réussi qu'en collaborant. Finalement, pour faire réfléchir les étudiants sur l'évaluation et l'éducation en général. L'examen collectif vient chambouler les représentations d'évaluation des étudiants. Ils commencent à s'interroger. Pourquoi suis-je évalué après tout ? Pourquoi d'une manière et pas d'une autre ? Tout ça menant à une question bien plus existentielle : pourquoi s'éduquer, qu'est-ce que je fais là ? 

Qu'en disent les étudiants ? Une année, j'ai décidé de leur donner deux questionnaires, un avant de leur dire que l'examen était collectif et un juste après qu'ils l'aient fait. Par exemple, je leur demande : quels mots te viennent à l'esprit quand tu penses aux examens, ici à gauche, et même question, mais en remplaçant examen par l'examen collectif que tu viens de faire sur la figure de droite. La figure de gauche nous montre quelque chose qu'on savait déjà sur l'examen. Les étudiants n'aiment pas ça. Cette hypothèse est confirmée par le résultat de plusieurs autres questions du questionnaire. Non seulement ils n'aiment pas ça, mais ils pensent aussi qu'ils ne sont pas si importants que ça pour le processus d'éducation. Ce qui est surprenant, c'est que ces résultats s'inversent pour l'examen collectif. Non seulement ils aiment ça, mais ils trouvent ça aussi utile pour leur éducation. À la fin d'un examen, c'est un résultat encourageant pour tester de nouveaux types d'évaluation. Bien entendu, il n'y a pas un type d'examen qui soit meilleur que tous les autres. 

L'éducation au développement durable doit privilégier la pluralité des types d'évaluation. C'était le cas en Suède, où l'examen collectif venait seulement s'ajouter à un examen individuel plus standard. Au final, ce cas est juste un exemple. Il est vraiment difficile de s'en servir pour valider quelques hypothèses que ce soit. Par contre, on peut l'utiliser pour dégager quelques axes de réflexion pour continuer l'exploration du rôle de l'évaluation dans l'éducation au développement durable. Par exemple, quelles valeurs sont transmises à travers le choix des techniques d'évaluation ? Ou encore, quelles compétences privilégier dans une logique d'éducation au développement durable ?