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Description

Dans cette vidéo, Sylvie Ferrari, maitre de conférence à l'Université de Bordeaux, présente l'éthique du futur de Jonas, auteur d'un ouvrage clef dans ce domaine : le principe responsabilité. Elle discute des fondements de cette pensée et la met en perspective pour un développement plus durable.

Objectif d'apprentissage :
- Découvrir la pensée de Hans Jonas sur la question du principe responsabilité.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Mentions Licence
  • Philosophie
  • Sciences pour l'ingénieur
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Thèmes
  • Éthique et responsabilité environnementale
  • RSE & Management
Types
  • Grain audiovisuel
Ethiques environnementales
Ethiques environnementales
Ethiques de la protection de la nature : préservation ou conservation
Ethiques de la protection de la nature : préservation ou conservation
Ethique environnementale et développement durable
Ethique environnementale et développement durable
Ethique de la technique
Ethique de la technique
Sur la justice environnementale
Sur la justice environnementale
Le protocole de Nagoya
Le protocole de Nagoya
Contributeurs

FERRARI Sylvie

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Sylvie FERRARI, Maître de Conférences – Université de Bordeaux 

Avec la parution en 1979 d'un ouvrage majeur, Le Principe Responsabilité, les bases d’une nouvelle éthique sont jetées.

Nous allons ici analyser les fondements de l’éthique de JONAS et envisager son intérêt pour le développement durable.

L’éthique environnementale de JONAS, c'est d'abord une éthique de la responsabilité. Généralement, la responsabilité trouve sa source dans les obligations passées ou présentes et porte sur les actes présents. 

Selon JONAS, la responsabilité trouve maintenant sa source dans le futur et oblige dans le présent. 

C'est, selon ses termes, pour ce qui est à faire.

L'origine de ce changement d'optique réside dans les menaces issues de la puissance de la technologie engendrée par l'homme.

La limitation de l'agir humain résulte de l'obligation que nous avons à l'égard de l'avenir qui nous oblige être responsables aujourd'hui. 

Dans ce contexte, la nature de la responsabilité est directement liée au pouvoir de l'agir humain devenu dangereux pour l'espèce humaine du fait de la puissance de la technique qu’il a créée. 

L'homme contrôle la nature à l’aide de techniques qu’il ne contrôle pas. 

L’exemple le plus marquant est celui révélé par l’impact des actions humaines sur le climat, exemple qui révèle l'incapacité des sociétés à assurer leurs responsabilités en matière environnementale.

L’intervention de l’éthique est alors légitime. C'est elle qui régule le pouvoir d'agir des individus en tant qu'êtres responsables de leurs actes.

Comment ? À l'aide du principe responsabilité qui indique comment agir sous la forme d'un impératif : « agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre ».

Quelles sont les implications du principe responsabilité ?

Tout d'abord, les générations présentes ont le devoir d'anticiper les menaces qui découlent de leur toute-puissance. 

L'obligation provient de l'avenir, les générations actuelles ont le devoir d'exercer une responsabilité à l'égard de leur descendance. 

Cela se traduit par une équité entre les générations qui est asymétrique.

Les générations présentes ont des droits et des obligations envers les générations futures parce qu'elles ont conscience de l'effet de leurs actions, alors que les générations futures ne peuvent ni revendiquer des droits, ni respecter des obligations à l'égard des générations présentes.

Il y a donc une rupture avec la réciprocité qui lie traditionnellement obligations et droit.

Il en résulte l'impossibilité d'envisager la justice intergénérationnelle sur la base d'une justice redistributive entre les générations. 

Ainsi, toute ressource environnementale irréversiblement dégradée ou détruite du fait des actions humaines présentes ne pourra pas faire l'objet d'un échange intergénérationnel susceptible de compenser cette perte.

Ici, seul le recours au principe responsabilité peut limiter ex ante, les dégradations majeures de la nature.

Une seconde obligation indirecte s'exprime à l'égard de la nature et fonde chez JONAS la justice environnementale. 

En effet, les éléments de la nature font l'objet d'une obligation de la part des hommes parce qu'ils contribuent à la préservation des conditions d'existence de l'humanité et parce qu'ils sont dotés d'une valeur intrinsèque, indépendante de tout usage.

Il est important de noter ici que l'ensemble des valeurs associées aux éléments de la nature doit être préservé pour l'ensemble des générations.

Le bien-être des générations successives dépend explicitement de la préservation de la nature et de ses valeurs.

JONAS, à ce sujet, écrit : «  la solidarité de destin entre l'homme et la nature, solidarité nouvellement découverte à travers le danger, nous fait également redécouvrir la dignité autonome de la nature et nous commande de respecter son intégrité par-delà l'aspect utilitaire ».

Ainsi, il existe une forme de solidarité entre les êtres vivants, humains et non humains, solidarité qui ne doit pas être menacée car elle est garante de la survie des espèces en général et de celle de l'espèce humaine en particulier.

La nature, en tant qu'objet de la responsabilité humaine, entre directement dans le champ de l’éthique chez le philosophe.

La portée éthique de la responsabilité est globale dans la mesure où elle contient les interdépendances qui existent entre l'espèce humaine et les systèmes environnementaux.

 Dès lors, bien que la nature ne soit pas un sujet de droit et qu'à ce titre elle n'est ni obligation ni devoir à l'égard de l'humanité, elle ne peut donc être exclue de la portée des enseignements du philosophe.

L’éthique environnementale de JONAS est une éthique fondamentalement ouverte sur la biosphère. Au-delà du but ultime de préserver l'humanité, elle vise à la préservation de la vie sous toutes ses formes, humaines et non humaines. 

Elle est donc ancrée dans une forme d'écocentrisme où la solidarité entre les éléments vivants occupe une place fondamentale.

Voyons à présent comment le principe responsabilité peut être intégré au développement durable.

L'obligation de préserver l'humanité de toute disparition constitue un impératif catégorique qui structure la pensée de JONAS. Nous avons vu que cela suppose de préserver la nature et de limiter le pouvoir d'agir des générations présentes.

Dans la perspective du développement durable, comment l'obligation du maintien d'une vie authentiquement humaine sur terre est-elle envisageable ?

Selon JONAS, cette obligation semble difficile à respecter si les modes de vie des pays aujourd'hui développés demeurent inchangés sur le long terme. 

La finitude de la planète et la menace écologique matérialisée par la vulnérabilité de la nature semble de ce point de vue constituée de contraintes fortes. 

Il convient alors d'envisager le recours à une logique d'autolimitation comme un préalable à toute répartition des ressources environnementales entre les générations successives.

Selon JONAS : « cela reviendrait à consentir de sévères mesures de restriction par rapport à nos habitudes de consommation débridées - afin d'abaisser le niveau de vie « occidentale » de la période récente […] Dont la voracité, avec les déjections qu'elle entraîne, apparaît particulièrement coupable des menaces qui pèsent sur l'environnement ». 

Ainsi, l’éthique de futur de JONAS conduit à un changement majeur, l'obligation de l'avenir détermine l'existence d'une compensation aujourd'hui entre les générations les plus favorisées vers les moins favorisées et parallèlement détermine aussi l’effort à faire en termes de réduction de consommation pour les générations présentes les plus favorisées. 

 Ainsi, on assiste d'un côté à une redistribution entre les générations présentes et de l'autre, au legs d'une nature préservée aux générations futures.

L'introduction de l'autolimitation dans les actions présentes, via le principe responsabilité, rend possible le respect de l'intégrité de la nature et participe ainsi à la préservation d'une vie authentiquement humaine sur terre.