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Description

Souleymane Konate, professeur à l'Université de Nangui Abrigoua en Côte d'Ivoire, présente dans cette vidéo un exemple de mise en œuvre d'ingénierie écologique en Afrique de l'Ouest. La technique du Zaï y est utilisée depuis longtemps pour accroître les rendements agricoles, surtout en période sèche.

Objectifs d’apprentissage :
- Découvrir une pratique d’ingénierie agro-écologique dans les pays du Sahel
- Comprendre le rôle joué par les termites dans le fonctionnement des agrosystèmes.

Contexte

Cette vidéo fait partie de la semaine de cours "Émergence de l'ingénierie écologique" du MOOC Ingénierie écologique.

Restaurer des écosystèmes dégradés, dépolluer des milieux, créer des continuités écologiques, développer une agriculture plus respectueuse de l'environnement, sont autant de défis qui se posent aujourd'hui à nous. Pour y répondre, de plus en plus de réflexions et de pratiques se tournent vers l'ingénierie écologique, solutions que l'on dit "basées sur la nature". Ce MOOC vous propose d'en découvrir les fondements, les enjeux, les outils, les acteurs ainsi que les conditions de mise en œuvre.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 15. Vie terrestre
  • 2. Faim "Zéro"
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
ingénierie écologiquerestauration des solsZaïAfrique de l'Ouest
Épistémologie, éthique et ingénierie écologique
Épistémologie, éthique et ingénierie écologique
Les définitions de l'ingénierie écologique
Les définitions de l'ingénierie écologique
Services écosystémiques et multifonctionnalité
Services écosystémiques et multifonctionnalité
Ingénierie écologique et biologie de synthèse
Ingénierie écologique et biologie de synthèse
Exemples actuels d'ingénierie écologique
Exemples actuels d'ingénierie écologique
Écologie académique et ingénierie écologique : nous avons besoin de différents types d'interfaces !
Écologie académique et ingénierie écologique : nous avons besoin de différents types d'interfaces…
Contributeurs

Konate Souleymane

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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Ingénierie écologique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Le Zaï, une pratique traditionnelle de l'Afrique de l'Ouest pour la restauration des sols

Souleymane Konate,
Professeur, Université de Nangui Abrigoua (Côte d'Ivoire)

Je vais vous parler d'un exemple d'ingénierie agroécologique en Afrique de l'Ouest, fondé sur des pratiques agricoles traditionnelles, et sur le rôle des termites comme ingénieurs de l'écosystème.

1. Origine du Zaï

Il s'agit du système ou de la pratique zaï. Le zaï est donc une pratique agricole qui intervient ou qui est intervenue dans 3 pays essentiellement sahéliens d'Afrique de l'Ouest, à savoir le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Il s'agissait à l'époque, donc il y a des centaines d'années, d'une pratique agricole qui était assez commune, mais qui a été abandonnée dans les années 50 du fait d'une pluviométrie favorable, car cette pratique agricole demande une main-d’œuvre intensive et un travail du sol assez pénible. Après, la sécheresse dans les années 70 - 80, cette pratique a été ravivée au niveau donc du Burkina Faso, notamment dans la zone du Yatenga. Cette pratique consiste essentiellement en la récupération de sols dégradés, d'où le nom de zaï, qui vient de zaïgré, qui veut dire "se réveiller tôt pour travailler le sol" parce qu'il s'agit de sols complètement dénudés et dégradés, et en une pratique qui est fondée sur une main-d'œuvre intensive. Cette pratique agricole a été ravivée dans les années 80 face aux conditions climatiques assez difficiles. Il s'agit pour nous de voir en quoi cette pratique peut être considérée comme un modèle d'ingénierie écologique.

2. Principe du Zaï

Quel est le principe de cette pratique agricole ? Il s'agit tout simplement de pouvoir récupérer des sols qui sont complètement dégradés, cela dans un but de restauration des sols qui deviennent peu productifs et aussi dans un but de production agricole. La pratique du zaï consiste tout simplement pour les populations agricoles de ces zones sahéliennes à créer des poquets à la veille des premières pluies lors de la longue saison sèche. Ces poquets sont des petits trous. Dans ces poquets, il s'agit tout simplement de mettre tout ce qui est matière organique domestique ou agricole. Juste à la veille des premières pluies, il s’agit de mettre les semences dans ces poquets. Nous avons ensuite une production agricole, notamment au niveau du sorgho et du mil, qui est nettement mieux que si on l'avait fait sans cette pratique.

Je disais que le principe est fondé sur le fait simplement que dans ces systèmes, dans ces zones arides, il y a facteur limitant qui est la pluviométrie. Ce sont des zones qui ont des pluviométries allant de 300 à 800, voire 900 millimètres de pluie. C’est accentué par le fait qu'il y a de forts ruissellements dans ces zones. Ce système a donc pour but tout simplement d'optimiser l'utilisation de l'eau qui tombe dans ces zones.

3. Fonctionnement du Zaï

Le principe est très simple : lorsque l'on met cette matière organique dans ces sols dénudés, dans les poquets, il va se passer en dessous une activité des termites qui vont permettre de pouvoir augmenter la macro-porosité de ces sites, d'avoir une infiltration assez élevée qui va réduire le ruissellement. Mais les termites aussi du fait de leur activité biogénique vont entraîner tout simplement la formation de matières organiques, ou une certaine activité de décomposition, qui va permettre de pouvoir avoir une capacité en eau du sol qui est assez importante. Mais ce système reste quand même un système difficile à mettre en œuvre, parce qu'il demande encore une main-d’œuvre énorme, c'est-à-dire près de 300 heures de travail par hectare.

Le but de notre travail en tant que chercheurs a été d'essayer de bien comprendre le rôle des termites dans le système en vue de l'optimiser, et de réduire un peu cette charge de travail et cette pénibilité. En quoi le Zaï peut-il être considéré comme un système d'ingénierie écologique, par des ingénieurs de l'écosystème qui sont les termites ? Il faut d'abord savoir qu’au niveau du Zaï, on parle du Zaï agricole et du Zaï forestier. Dans le cas du Zaï agricole, le but est effectivement d'augmenter la productivité sur des sols qui sont d'une valeur agricole assez faible. Dans ce cas, à partir de ce système qui va permettre d'optimiser encore une fois la capacité en eau du sol, on pourra faire de la culture de mil et de la culture de sorgho. Cependant, lorsque il s'agit de la restauration du sol, ou alors lorsqu'il s'agit du Zaï forestier, après donc une série de Zaï agricoles, on laisse le système en jachère et ce système va ensuite s'auto-organiser et il va s'auto-entretenir jusqu'à produire des végétations avec l'apparition d'arbustes. Au bout de 10 à 20 ans on obtient une petite forêt, une restauration du sol qui fonctionne correctement.

4. Le rôle des termites

Notre objectif dans ce travail avait été d'essayer de comprendre quel est le rôle des termites. Quelles sont les termites qui interviennent dans le système, et comment pouvons-nous optimiser le système en vue d'une vulgarisation, surtout dans un contexte actuel qui est caractérisé par l'effet du changement climatique combiné à la dégradation des sols ? Il s'agissait de regarder quelles sont les espèces de termites qui interviennent dans le système.

En effet, il faut savoir que dans ce système, les termites, qui sont des ingénieurs de l'écosystème par leur activité biogénique, vont permettre de créer des conditions favorables à une agriculture. Ce système est une sorte d'ingénierie écologique dans la mesure où on va voir apparaître une structure parfaite, une sorte d'auto-organisation du système qui va se maintenir tout seul, à partir du travail initial des termites du genre odontotermes et du genre macrotermes. Cela a été fait grâce à une collaboration avec des collègues de l'université de Wurtzbourg en Allemagne, dont le professeur LIZENMAIER, le docteur KAISER, ainsi que le docteur Michel LEPAGE. Nous avons réussi à montrer que, grâce à la compréhension de l'activité des termites, notamment des genres qui arrivent en premier et de l'activité biogénique, on arrive à restaurer ce sol et à augmenter la production agricole.

5. Conclusion

Le challenge pour nous est de savoir comment est-ce que nous pouvons raccourcir ce système, comment est-ce que nous pouvons le vulgariser et comment le rendre beaucoup moins pénible en termes du choix de la matière organique et en termes de moments d'activité des termites. L’objectif est que ce système soit vraiment un véritable système d’ingénieure écologique, vulgarisable, surtout dans le contexte du changement climatique actuel, marqué par la réduction des pluviométries dans des zones sahéliennes.