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Description

Manuel Blouin, professeur à AgroSup Dijon, présente dans cette vidéo (12'54) 4 exemples de mise en application d'une ingénierie écologique, en opposition ou en complément à des solutions d'ingénierie civile ou conventionnelle généralement mises en oeuvre : zones littorales, montagnardes, agricoles, et urbaines.

Objectifs d’apprentissage :
- Découvrir des exemples de mise en oœuvre de l’ingénierie écologique à travers le monde
- Comprendre la distinction et la complémentarité entre l’ingénierie civile et l’ingénierie écologique.

Contexte

Cette vidéo fait partie de la semaine de cours "Émergence de l'ingénierie écologique" du MOOC Ingénierie écologique.

Restaurer des écosystèmes dégradés, dépolluer des milieux, créer des continuités écologiques, développer une agriculture plus respectueuse de l'environnement, sont autant de défis qui se posent aujourd'hui à nous. Pour y répondre, de plus en plus de réflexions et de pratiques se tournent vers l'ingénierie écologique, solutions que l'on dit "basées sur la nature". Ce MOOC vous propose d'en découvrir les fondements, les enjeux, les outils, les acteurs ainsi que les conditions de mise en œuvre.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Mentions Licence
  • Génie civil
  • Sciences pour l'ingénieur
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 9. Industrie, innovation et infrastructure
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
  • Enjeux Climat/Biodiversité
  • Les solutions
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
ingénierie écologique
Épistémologie, éthique et ingénierie écologique
Épistémologie, éthique et ingénierie écologique
Les définitions de l'ingénierie écologique
Les définitions de l'ingénierie écologique
Services écosystémiques et multifonctionnalité
Services écosystémiques et multifonctionnalité
Ingénierie écologique et biologie de synthèse
Ingénierie écologique et biologie de synthèse
Le Zaï, une pratique traditionnelle de l'Afrique de l'Ouest pour la restauration des sols
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Écologie académique et ingénierie écologique : nous avons besoin de différents types d'interfaces !
Écologie académique et ingénierie écologique : nous avons besoin de différents types d'interfaces…
Contributeurs

Blouin Manuel

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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Ingénierie écologique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Exemples actuels d'ingénierie écologique

Manuel Blouin,
Professeur, AgroSup Dijon

Je vais illustrer l'ingénierie écologique par quelques exemples tirés de différents milieux, avec différentes approches. Cette liste d'exemples a en fait été élaborée par un groupe de travail qui a voulu illustrer la diversité des solutions proposées par l'ingénierie écologique. Au cours de cinq exemples, je vais d'abord poser un problème, vous préciser quelle est la solution envisagée par l'ingénierie conventionnelle, puis la solution proposée par l'ingénierie écologique.

1. Exemples en zones littorales

Une question qui se pose est celle de la lutte contre la montée des eaux. Un exemple concret est celui des inondations qui ont lieu dans les polders aux Pays-Bas. Ces inondations, comme à Zuid Beveland en 1953, ont été responsables de très nombreuses personnes qui ont été tuées, d'animaux de ferme qui ont été noyés, de terres agricoles inondées et de bâtiments détruits. Cela se comprend bien quand on regarde la topographie des Pays-Bas, avec toutes les zones en rose sur la carte, qui se situent sous le niveau de la mer. C'est un cordon de digues et de dunes qui protègent ces zones de l'inondation par la mer. Dans un contexte de changement climatique où il y a une fonte des glaces et une montée du niveau de la mer, la menace devient de plus en plus importante. Certaines personnes, qui sont plutôt habituées à l'ingénierie civile, à l'ingénierie conventionnelle, proposent d'arracher les arbres qui se développent sur les digues et qui les dégradent, et de rehausser de quelques mètres le niveau de la digue, ce qui a des conséquences financières extrêmement importantes, de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Une autre solution, préconisée par l'ingénierie écologique, est de faire pâturer des moutons sur cette digue pour limiter l'implantation de végétaux ligneux qui détruisent la digue avec leurs racines. C’est aussi d'implanter des herbiers marins dans la mer, afin de limiter la montée des eaux lors de la marée haute. On arrive, grâce à ce type d'herbiers marins, à réduire de quelques dizaines de centimètres le niveau de la marée haute, ce qui peut éviter un débordement de la digue.

2. Exemples en zones montagnardes

Un deuxième exemple concerne les milieux montagnards dans lesquels des ingénieurs sont confrontés à des problèmes de chutes de blocs rocheux, de glissements de terrain et également d'avalanches. Ces chutes de blocs produisent des dégâts considérables sur les infrastructures routières, coupant parfois des vallées du reste du monde et dégradent également des habitations. Pour lutter contre ces chutes de blocs de pierre, on peut installer, en ingénierie conventionnelle, des filets pour retenir les pierres, ou des merlons équipés de pneus pour retenir ces chutes de blocs de pierre. Une autre solution, développée par l'ingénierie écologique, est de réfléchir à la structure des peuplements arborés, en faisant des expérimentations de lâcher de blocs ou des modèles de chutes de blocs de pierre ; blocs de pierre qu'on va faire passer dans des forêts, dont on fait varier les essences d'arbres et la structure d'âge des peuplements, c'est-à-dire la taille des troncs d'arbres, afin de déterminer quelle est la structure du peuplement arboré qui va être la plus apte à faire barrière à ces blocs de pierre.

Pour les avalanches, on a également des problèmes de dégradation des infrastructures, des habitations, des voitures. La solution préconisée en ingénierie conventionnelle consiste à mettre des filets, ou des râteliers, dans la zone de départ du manteau neigeux pour fixer ce manteau neigeux, ou dans la zone d'écoulement pour stopper, ou dévier, l'avalanche. Le problème, c'est qu'on arrive à des montagnes qui sont absolument saturées de ces infrastructures, ce qui nuit considérablement à l'aspect esthétique. Or, on sait que le tourisme dans les régions montagneuses est une activité financière importante. Donc pour éviter cela, on peut faire appel à une solution d'ingénierie écologique. Des écologues se sont rendu compte que les départs d'avalanche sont assez liés à une dégradation du couvert herbacé, notamment sur les pistes de ski, qui peuvent jouer un rôle de toboggan pour le tapis neigeux. Leur solution est de faire pâturer des vaches sur ces pistes de ski, car avec les empreintes des sabots des vaches, on va avoir des micros reliefs qui vont se former, des petites trappes qui vont piéger les graines, l'eau et la matière organique, et favoriser la revégétalisation. En faisant pâturer, on évite d'avoir également des herbacées très grandes qui vont se coucher sous le manteau neigeux et favoriser le décrochement de ce manteau neigeux, car si les animaux pâturent, ils ne vont laisser que la base des plantes qui va en fait augmenter la rugosité et retenir ce manteau neigeux.

3. Les zones agricoles

Sur les milieux agricoles, les problèmes fréquemment rencontrés sont surtout liés à la dégradation des sols et à leur compaction. Cette compaction a été observée notamment dans les milieux tropicaux. En utilisant des pesticides, on a détruit la faune du sol, donc on a perdu cette porosité, les sols se compactent et les racines des plantes ne peuvent plus se développer correctement. Une solution qui pourrait être envisagée par l'ingénierie conventionnelle est de labourer. Mais quand on est sur des plantations pérennes, comme par exemple avec des plans de thé qui sont installés pour plusieurs années, sur des pentes relativement raides, le labour paraît difficile à appliquer et pourrait même en fait être problématique, car il pourrait favoriser des processus d'érosion sur ces pentes raides. La solution préconisée par l'ingénierie écologique, et qui a fait l'objet d'un brevet qu'on appelle la "fertilisation bio-organique", est de réintroduire des vers de terre et de la matière organique dans des microsites, des tranchées que vous voyez sur la photo de la plantation de thé en Inde. À partir de ces fosses où on met différents types de matières organiques et des vers de terre, on va avoir une diffusion, une propagation dans l'ensemble de la plantation, des organises du sol et en particulier des vers de terre. On va avoir ainsi une restauration de la porosité du sol et une réactivation en fait de tout un tas d'organismes qui vont former un réseau trophique et qui vont participer au flux de nutriments dans le sol. Cette technologie a amené à considérer des résultats assez impressionnants, puisqu'on a, sur certains horizons du sol, une multiplication par 15 de la quantité d'agrégats et ces agrégats permettent de restituer une porosité au sol. Grâce à cette technologie purement organique, biologique, on atteint les mêmes rendements que ceux obtenus avec une agriculture conventionnelle avec beaucoup d'intrants. Des personnes qui goûtent le thé en aveugle ont mis des notes supérieures à ce thé produit grâce à la technologie FBO, par rapport à du thé produit de façon conventionnelle. De plus, on peut espérer des revenus améliorés pour les agriculteurs qui utiliseraient cette technologie, car ils pourraient vendre le thé comme un produit issu de l'agriculture biologique.

4. Les zones urbaines

Un dernier exemple qui concerne les milieux urbains porte sur la construction de technosols. Cette problématique vient de deux problèmes qui se sont rencontrés et qui ont fini par déboucher sur une solution. Le premier problème est celui de la gestion des déchets du bâtiment. Quand on construit un bâtiment, il faut excaver des quantités de sols profonds très importantes et les véhiculer par des camions. Il y a un coût financier important et un coût environnemental aussi, avec des émissions de CO2, les transporter dans des milieux naturels ou des milieux agricoles dans lesquels on met en place des décharges. Ces décharges causent des nuisances extrêmement importantes pour les habitants, et les élus de ces communes souvent s'insurgent contre ce type d'installation. D'un autre côté, en milieu urbain, afin de répondre à la demande de zones de récréation pour la population, les services espaces verts des collectivités mettent en place des espaces verts. L’un des plus gros budgets pour la mise en place de ces espaces verts est le sol qui doit être amené, de la terre végétale qui va être prélevée dans des milieux naturels, ou dans des milieux agricoles, là encore transportée jusque dans les villes et implantée avec de la végétation. Il est possible d'éviter ces doubles flux de la ville vers les campagnes et de la campagne vers les villes, en instaurant un circuit court au sein des villes et en réutilisant les matériaux issus des activités du bâtiment, qui sont purement minéraux puisque ce sont des horizons de sols profonds, en circuit court pour la fabrication d'espaces verts. Pour ceci, on va combiner cette matière minérale issue des horizons profonds avec du compost de déchets verts, qui va être, lui aussi, produit en milieu urbain grâce à la tonte et aux coupes d'arbres de ces milieux urbains. Si on mélange ces matériaux et qu'on les soumet à l'activité des racines et des vers de terre, on va avoir la formation d'agrégats qui sont l'élément de base du fonctionnement d'un sol. On va avoir une bonne association organo-minérale qui va redonner des propriétés au sol en termes de stockage de carbone également, avec donc un intérêt pour la lutte contre les changements climatiques, en termes de fertilité, avec donc un intérêt pour la croissance des plantes, et en termes de rétention d'eau également, avec donc un intérêt pour le stockage d'eau et la lutte contre le ruissellement en milieu urbain.

5. Conclusion

Il existe tout un panel de solutions qui vont de l'ingénierie écologique à l'ingénierie conventionnelle et qui reposent plus ou moins sur l'auto-organisation des écosystèmes ou sur des infrastructures produites par les humains. On peut ainsi penser dans un premier temps à conserver la diversité et les services écosystémiques qu'elle fournit à la société humaine. Quand cette diversité a été malheureusement érodée, on peut imaginer de favoriser la recolonisation de certaines espèces, par exemple en aménageant des corridors écologiques. Puis, quand les capacités de dispersion des organismes ne sont pas suffisantes, on peut tenter de ré-inoculer ou de manipuler cette diversité afin de promouvoir certains services écosystémiques. Enfin, dans certains cas, il n'y a pas d'autre solution que les technologies fabriquées par les hommes. Quand on réfléchit à ce choix entre ingénierie écologique et ingénierie conventionnelle, on peut espérer substituer des solutions d'ingénierie écologique aux solutions d'ingénierie conventionnelle dans un maximum de cas, mais ça n'est pas toujours possible. Parfois, il faut réfléchir à leur complémentarité. En fonction de l'espace disponible - il faut souvent beaucoup d'espace pour des solutions d'ingénierie écologique -, en fonction de la nature du risque - quand un risque va être très élevé, souvent on va plutôt faire confiance à des solutions d'ingénierie conventionnelle - et quand le coût des infrastructures humaines est très élevé, dans ce cas-là on va avoir tendance plutôt à se reporter sur des solutions d'ingénierie écologique. Selon ces trois critères, on va pouvoir faire les choix les plus pertinents entre ingénierie conventionnelle et ingénierie écologique.