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Description

Henri Waisman, chercheur à l'Institut de développement durable et des relations internationales (IDDRI), analyse dans cette vidéo (14'04) la relation entre l'Accord de Paris sur le climat et les 17 Objectifs de développement durable, tous deux adoptés en 2015. Il montre que l'atteinte de ces ODD sera d'autant plus difficile que le réchauffement climatique sera important puis étudie les implications, en termes de développement, de différents scénarios visant à atteindre la neutralité carbone en milieu de siècle.

Objectifs d’apprentissage :
- Connaître la relation entre l'Accord de Paris sur le climat et les 17 ODD.
- Appréhender, grâce aux ODD, les possibilités d’une neutralité carbone en milieu de siècle.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Animation
  • Cours
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Thèmes
  • Les bases
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
citoyennetéODDobjectifs de développement durable
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Contributeurs

Waisman Henri

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L'Accord de Paris sur le climat et les Objectifs de Développement Durable

Henri Waisman,  Chercheur à l'Institut de développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Je vais discuter des liens entre l'Agenda 2030 qui définit les 17 objectifs du développement durable, les ODD, et l'Accord de Paris sur le climat.

Ces deux accords ont été négociés en parallèle et adoptés à quelques mois d'intervalle à la fin de l'année 2015. Les pays sont les signataires de ces accords dans les deux cas. Mais les processus ont différé de façon assez significative.

  • L'Agenda 2030 est le résultat d'un processus de délibération relativement large et a donné lieu à une approbation en session plénière à l'ONU. L'Accord de Paris est le résultat d'un processus de négociation entre parties de la Convention-cadre des Nations unies sur le climat : la CCNUCC.
  • L'Agenda 2030 définit un ensemble d'objectifs et de cibles que les pays sont libres de choisir et de prioriser en fonction des spécificités de leurs circonstances nationales. L'Accord de Paris sur le climat, lui, définit un objectif collectif et impose aux pays de définir leur contribution spécifique sous la forme de contributions déterminées au niveau national, les CDN, qui répertorient les engagements et les actions que les pays vont prendre pour satisfaire l'objectif commun.
  • En termes d'horizon temporel, 2030 est un horizon commun à ces deux processus. 2030 est l'horizon auquel sont définis les objectifs de développement durable. Et c'est aussi l'horizon qui a été pris dans la plupart des contributions déterminées au niveau national. Cependant, l'Accord de Paris prend également une perspective de plus long terme. Nous reviendrons sur ce point qui est particulièrement important.

Il convient de noter que le climat fait l'objet d'un ODD spécifique, l'ODD numéro 13, qui montre, de façon extrêmement claire, l'intégration de la problématique climatique au sein des objectifs du développement durable. Pour aller plus loin sur cette question du lien entre développement durable et climat, je vais m'appuyer sur les résultats du dernier rapport du GIEC sur un réchauffement global à 1,5 °C, qui notamment consacre un chapitre entier, le chapitre 5, à l'analyse des liens entre : objectifs de développement durable, éradication de la pauvreté, réduction des inégalités et action climatique. Les conclusions de l'analyse sont extrêmement claires et univoques. Les liens entre développement durable et climat sont extrêmement proches, voire même indissociables.

  • L'action climatique repose sur tout un ensemble d'actions sur des réductions d'émissions dans des secteurs clés : l'énergie, le transport, l'industrie, l'agriculture, la forêt, qui font chacun l'objet d'objectifs du développement durable spécifiques.
  • La préservation des écosystèmes qui est au cœur des ODD 14 et 15, pour les écosystèmes marins et les écosystèmes terrestres, est aussi une condition nécessaire pour toute ambition climatique ; ne serait-ce qu'à cause du rôle important de ces écosystèmes comme puits de carbone.
  • Les effets du changement climatique sont intimement liés à la question de la pauvreté et des inégalités ; ne serait-ce que parce que les populations les plus pauvres sont aussi celles qui sont les plus exposées au changement climatique.
  • Les effets du changement climatique affectent également l'accès des populations à tout un ensemble de biens clés et en particulier à l'alimentation, ODD numéro 2, et à l'eau, ODD numéro 6.
  • Enfin, toute ambition climatique de grande ampleur, telle que celle définie dans l'Accord de Paris, demande explicitement un processus de coopération internationale qui est au cœur de l'ODD numéro 17.

Pour aller au-delà de ces questions sur les liens entre ODD, objectifs de développement durable et climat, revenons sur la question de la définition de l'objectif, précisément telle qu'elle est donnée dans l'Accord de Paris sur le climat. Dans son article numéro 2, l'Accord de Paris sur le climat définit l'objectif comme la stabilisation de la température globale par rapport à l'ère préindustrielle, bien en deçà de 2 °C et poursuivre les efforts pour atteindre 1,5 °C. Il précise également les conditions pour atteindre cet objectif. Dans son article 4.1 qui montre, notamment, la nécessité de la prise en compte du long terme puisque cet article rend explicite le fait que l'atteinte de l'objectif demande d'atteindre la neutralité en gaz à effet de serre à un horizon de la deuxième moitié du 21e siècle. Il s'agit donc d'un enjeu fondamental pour la prise en compte du climat au cœur de l'Accord de Paris, d'être capable de prendre en compte cette perspective de long terme et donc d'aller au-delà de la temporalité 2030, qui est celle donnée par les objectifs du développement durable.

Que peut-on dire, du coup, quand on se pose cette question, des liens avec une perspective plus générale, entre objectifs de développement durable et protection du climat ?

Pour cela, je vais commencer par analyser un graphique, tiré encore du rapport du GIEC, qui décrit les impacts et les risques liés au changement climatique sur un ensemble de dimensions, avec en ordonnée différents niveaux de réchauffement global.

Sur ce graphique, plus la couleur est claire, plus les impacts sont faibles ; donc blanc est "impacts indétectables". Le plus foncé sont des impacts très forts.

Ce que l'on peut tirer de cette figure c'est que, déjà, aujourd'hui, les impacts du changement climatique sont extrêmement visibles sur tout un ensemble de dimensions. On est, aujourd'hui, environ à 1 °C de réchauffement global - donc c'est la zone grisée sur le graphique - et on voit clairement sur l'analyse que toute augmentation de la température va induire une augmentation des impacts, comme c'est montré par une gradation du plus clair vers le plus foncé en ordonnée.

Deuxième conclusion, c'est que, même à un niveau de réchauffement global à 2 °C, qui est déjà un objectif climatique relativement ambitieux, pour tout un ensemble de dimensions, les impacts sont sérieux ou très sérieux. Ce qui montre que, finalement, l'enjeu fondamental de la politique climatique, ça va être de limiter au maximum l'impact du changement climatique. Ses effets, notamment, seront beaucoup moins importants si on prend une politique beaucoup plus ambitieuse qui nous permet de se rapprocher au maximum d'un niveau 1,5 °C. Dit autrement : stabiliser le climat aussi bas que possible est une condition fondamentale pour limiter les impacts et pour faciliter au maximum l'atteinte des objectifs du développement durable.

La question fondamentale, qui va se poser maintenant, c'est de savoir : est-ce que l'on va être capable de mettre en place les mesures adaptées pour réduire les émissions, de façon adaptée à un objectif climatique ambitieux, tout en préservant les objectifs de développement durable ?

Pour cela, on est amené à considérer le fait que des mesures prises pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre peuvent, dans certains cas, avoir des synergies évidentes avec certains objectifs du développement durable. On peut, par exemple, citer la réduction du charbon, la réduction des voitures en ville, qui à la fois permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre, donc de contribuer à la limitation du changement climatique, et aussi, ont des effets bénéfiques sur des éléments tels que la pollution locale et les effets sur la santé associés.

Cependant, il est aussi essentiel de reconnaître qu'un certain nombre de mesures prises pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, et notamment le CO2, peuvent avoir des effets de tensions avec certains objectifs du développement durable. Pour instruire plus avant cette question-là, je vais m'appuyer sur les scénarios analysés par le dernier rapport du GIEC, qui décrivent différentes façons d'atteindre l'objectif 1.5 °C, en fonction de différents types de trajectoire, de 2010 à 2100, pour trois catégories d'émissions.

Focalisons-nous d'abord sur le scénario 4, qui est celui qui ressemble probablement le plus au scénario de poursuite des tendances actuelles, puisque l'on voit que c'est un scénario qui suppose une croissance encore pour quelques années des émissions de CO2. On voit que ce scénario 4 démontre que cette poursuite des tendances peut être compatible avec la poursuite d'un objectif climatique ambitieux, mais qu'il suppose une utilisation à très grande échelle des émissions négatives, dans la deuxième partie du siècle notamment, comme le montre cette grande bande jaune à la fin. Donc importance des technologies d'émissions négatives. Ce qui pose, en retour, un défi particulier pour certaines dimensions du développement durable, notamment parce que ces technologies d'émissions négatives utilisent du sol pour faire pousser des plantes qui vont permettre ensuite de réaliser ces émissions négatives. Or, dans un scénario comme le scénario 4, ces émissions négatives sont tellement importantes qu'elles demandent de consacrer une part importante des sols à ces usages. Dans le scénario 4, l'ordre de grandeur que l'on peut retenir, c'est que l'on imagine qu'une surface comparable à celle de l'Australie entière serait couverte de plantes utilisées pour faire des émissions négatives. Ce qui crée en retour un risque, par exemple, de compétition avec d'autres usages des sols, par exemple l'alimentation, et donc risque de créer une tension avec l'objectif de sécurité alimentaire.

Si on considère à l'inverse le scénario 1, qui atteint également l'objectif climatique de 1,5 °C. Mais il l'atteint d'une façon extrêmement différente, en considérant une action accélérée beaucoup plus forte à court terme de réduction des émissions. Ce scénario permet d'atteindre l'objectif de 1,5 °C, sans pour autant avoir besoin de consacrer toutes les terres dont on a parlé juste avant pour des émissions négatives et donc réduit significativement les risques que fait peser le processus d'atténuation sur la sécurité alimentaire. C'est donc un premier message fondamental qui est que l'accélération de l'action, et donc l'accélération des réductions d'émissions à court terme, est une condition fondamentale qui permet de mieux aligner les objectifs de développement avec l'action climatique ambitieuse. Maintenant, si on considère ce scénario 1, évidemment que la réduction à court terme de ces émissions, et notamment des émissions associées au secteur de l'énergie, pose un certain nombre de défis. Et que si ces réductions sont associées à des réductions aussi d'accès à un certain nombre de services, on peut avoir des tensions entre ces trajectoires d'émissions et l'atteinte d'autres objectifs de développement durable, tels que l'accès à des services de mobilité, l'accès à des services domestiques comme le chauffage, par exemple. La question fondamentale est donc de savoir si on va être capable de construire des stratégies adaptées pour induire ces réductions rapides de gaz à effet de serre, et notamment au cœur du secteur de l'énergie, de façon à satisfaire, tout de même, les objectifs énergétiques associés. Et là se pose la question fondamentale de la définition des stratégies à appliquer puisque, ce qui est évident, c'est qu'étant donné l'hétérogénéité des situations, il n'y a pas de solution miracle. Il n'y a pas une solution qui permettrait d'aligner la réduction des émissions associées à la consommation de l'énergie avec d'autres objectifs. Il y a un besoin fondamental de prendre en compte les spécificités de chaque contexte national. Parce que c'est seulement si on fait ça que l'on va être capable de mieux bâtir sur les opportunités, les avantages de chacun des contextes et de faire face aux défis spécifiques qui peuvent se poser étant donné la situation du pays. Il y a donc la deuxième condition pour être capable d'aligner trajectoires d'émissions ambitieuses pour le climat et objectifs de développement durable, c'est la construction de stratégies adaptées, pensées en fonction du contexte par tous les acteurs, qui permettent justement d'articuler au mieux les objectifs de développement durable et la réduction des émissions.

Conclusion

Si on prend ces deux éléments : nécessité d'une action rapide articulée dans le temps et nécessité d'une stratégie bien pensée et spécifique aux différents contextes, on retrouve, en fait, l'esprit d'un article fondamental de l'Accord de Paris, l'article 4.19, qui demande aux États de construire et de communiquer leur stratégie de développement : basse émission à long terme qui leur permet de construire justement ces stratégies. C'est donc maintenant aux différents acteurs et en premier lieu aux États de se saisir de cet outil pour permettre de construire au mieux les stratégies de transformation qui vont permettre d'aligner objectifs de développement et objectifs climatiques.