En ligne depuis le 03/11/2023
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Description
Marie-Pierre Ellies, professeure à Bordeaux Sciences Agro, discute dans cette vidéo de l’évolution des territoires agricoles en polyculture élevage dans un contexte de changement climatique. Elle met en évidence et illustre, par des cas d’étude, les grands principes qui guident cette transition agroécologique.
Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre les enjeux actuels liés aux systèmes de polyculture élevage
- Appréhender les grands principes qui guident la transition agroécologique des territoires agricoles en polyculture élevage
- Identifier des leviers pour réussir la transition agroécologique des territoires agricoles
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+1
- Bac+2
Objectifs de Développement Durable
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 2. Faim "Zéro"
Thèmes
- Atténuation, Adaptation & Résilience
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Ellies Marie-Pierre
professeure , Bordeaux Sciences Agro
Les territoires agricoles en polyculture élevage et le changement climatique
Marie-Pierre ELLIES, Professeure à Bordeaux Sciences Agro
Le changement climatique et la dégradation de l’environnement constituent unemenace existentielle pour l’Europe et le reste du monde. Pour y faire face, l’Europe a besoin d’une nouvelle stratégie de croissance qui transforme l’Union en une économie moderne, compétitive et efficace dans l’utilisation des ressources.
1. Intérêts de la polyculture élevage
La polyculture élevage, qui était un mode de production jadis très répandu, a régressé depuis 50 ans, en France, au profit d’une agriculture spécialisée, associée à l’apparition de techniques plus productives. Mais face, notamment, aux aléas climatiques et économiques, qui sont de plus en plus présents, et à une prise de conscience générale, les systèmes ont besoin d’être repensés, pour les rendre plus durables. Dans ce contexte, il est nécessaire d’explorer d’autres modes de production et de réfléchir à des alternatives à l’agriculture intensive, qui est basée sur l’artificialisation des cultures par l’usage d’intrants de synthèse et d’énergies fossiles.
La polyculture élevage est donc de plus en plus reconnue au plan international comme capable de répondre à ces attentes. En effet, la complémentarité des cultures et de l’élevage permet d’optimiser le fonctionnement de l’exploitation, grâce à un meilleur bouclage des cycles et à une diversité de productions, animales et végétales, qui induit une moindre dépendance aux intrants. Il semble donc très important de remettre au goût du jour ce système, autrefois traditionnel, qui se pose aujourd’hui comme un modèle agricole durable et une des voies vers la transition agroécologique.
Par contre, il n’existe pas de modèle type, en agroécologie. Il faut travailler sur des principes, qu’il faut ensuite décliner dans des situations concrètes, en fonction des contextes locaux.
2. A l’échelle des exploitations
À l’échelle des exploitations d’élevage, ces principes, que vous voyez représentés sur la figure, sont au nombre de cinq. De nombreuses pratiques d’adaptation sont déjà en place, au niveau des exploitations, et elles font écho à ces cinq principes, notamment la valorisation du sainfoin ou de la chicorée comme plantes bioactives pour protéger les troupeaux des pathogènes, la valorisation du son, ou d’autres sous-produits de l’alimentation humaine, pour l’alimentation animale, l’adaptation des animaux à des aliments de moindre qualité, la recherche de la complémentarité entre les productions végétales et animales, la conception de systèmes plus résilients, susceptibles de s’adapter aux perturbations biophysiques, mais également la valorisation des pratiques permettant de préserver la biodiversité, à l’échelle des exploitations comme à l’échelle des territoires.
Si le changement de paradigme, on le voit, est déjà opéré dans la plupart des élevages, il est important, toutefois, de considérer que les enjeux écologiques et environnementaux dépassent le cadre de l’exploitation, et qu’il est donc nécessaire de passer du système d’élevage à quelque chose de plus large, qui peut être le système alimentaire, qu’il soit territorialisé ou pas.
3. A l’échelle du territoire
À l’échelle du territoire, les pratiques agricoles impactent de façon significative l’évolution des paysages et la biodiversité qu’ils abritent. Ces agricultures, diversifiées, basées sur une utilisation durable des ressources naturelles, contribuent ainsi à l’atténuation des impacts du changement climatique.
Ces exploitations reposent fréquemment sur trois piliers qui interagissent entre eux : la diversité des assolements, l’extensivité des pratiques, et la densité des infrastructures agroécologiques. Ainsi, la diversité d’occupation du sol génère une diversité de milieux et de ressources. Cette biodiversité ne peut être riche que si elle n’est pas contrainte par une trop forte utilisation d’intrants chimiques, permise par une rotation longue ou encore la présence de légumineuses. La présence d’infrastructures agroécologiques, telles que les haies, les mares ou encore les prairies humides, vient encore accroître la diversité du milieu et son bon fonctionnement écologique. Les agriculteurs sont donc gagnants, au travers d’une régulation biologique et d’une pollinisation renforcée. Outre leur impact sur la qualité des paysages, l’adaptation des exploitations vers davantage de diversité d’assolements, vers l’extensification des pratiques, ou encore le maintien d’infrastructures agroécologiques, permet d’atténuer leur impact sur l’environnement, et ainsi de limiter leur influence sur le changement climatique.
Ces aménités positives de l’élevage permettent de qualifier des zones agricoles que l’on appelle "à haute valeur naturelle", ou "HVN". Aujourd’hui, ces zones agricoles sont essentiellement des zones de polyculture élevage correspondant à des systèmes agricoles relativement homogènes, qui sont liés à des terroirs, à des pratiques, à des races animales, mais également à des produits identifiés et généralement valorisés sous des signes officiels de qualité. Les pratiques mises en œuvre dans ces territoires permettent à la fois de retenir davantage l’eau dans les sols, mais également de réduire l’utilisation de cette ressource, dont la gestion est amenée à être de plus en plus sensible, via la valorisation d’animaux plus rustiques, plus efficients et plus adaptés aux conditions imposées par le changement climatique.
4. Exemple du projet Maraîchine
C’est avec cette nécessité de protéger l’environnement, dans un contexte où les enjeux agroécologiques sont très forts, que le projet Maraîchine est né dans les prairies humides du littoral atlantique. Dans cet environnement contraignant, où la race Maraîchine était en danger et nécessitait un programme de préservation, l’idée que les éleveurs constituent un maillon indispensable pour gérer le marais est devenue une évidence. Or, l’élevage, qui était, à cette époque-là, allaitant et peu intensif, existait bien, historiquement, sur ce territoire, et il était basé sur une race, donc la race Maraîchine, dont on pensait qu’elle avait disparu. Cette race locale, adaptée et ajustée à son environnement, du fait de sa rusticité, s’accordait sur les principes de l’agroécologie en élevage, et rencontrait les aspirations des citoyens pour une agriculture qui produit en privilégiant les biens et les services environnementaux.
Le programme de développement de la Maraîchine alliait la conservation de la race à la conservation de son environnement traditionnel de prairies humides du littoral atlantique. La sélection a été orientée sur des vaches rustiques, permettant des méthodes d’élevage extensives qui respectent le fonctionnement écologique et hydrologique des prairies humides. Le caractère rustique a ainsi été privilégié sur la conformation de l’animal, aboutissant à une race qui avait une grande taille, qui était facile à élever, notamment grâce à un vêlage sans assistance, qui présentait également une bonne résistance aux maladies et une bonne production laitière, associée à des bonnes capacités maternelles. En parallèle, de nombreux agriculteurs reconnaissent la spécificité de cette race pour la gestion du marais, et beaucoup mettent en avant la capacité de cette race à utiliser des fourrages grossiers, à faible valeur nutritive, issus de ces zones humides.
Les perceptions restent toutefois un peu contrastées en ce qui concerne l’attention portée à la biodiversité, l’alimentation des animaux, ou encore la commercialisation. Aussi, même si le changement est en marche et que cela peut paraître simple, on peut tout de même noter l’existence de verrous psychosociaux et techniques, et une certaine complexité pour opérer tous ces changements.
5. Conclusion
Le cadre de l’agroécologie est un cadre intéressant pour penser l’évolution des filières vers plus de durabilité, mais la mobilisation de ce cadre va nécessiter une réflexion au sein des filières, pour accompagner le changement, pour gérer les tensions entre les piliers, les échelles ou encore les acteurs, pour gérer les échelles de temps, qui ne sont pas forcément les mêmes entre les différents acteurs, pour trouver et lever les verrous, qui ne sont pas non plus les mêmes, pour accompagner la montée en gamme des produits, et pour adapter, en parallèle, les systèmes alimentaires aux nouvelles contraintes et aux nouvelles attentes, via notamment une moindre consommation des produits animaux, compensée par une orientation des achats vers des produits de meilleure qualité. Tout ceci nécessite d’apprendre à innover, de manière collective inter et intra-filière.